L’image du mois de janvier 2015 : NGC 891

ngc891hrCette superbe galaxie spirale répertoriée sous le numéro 891 dans le catalogue NGC (23 dans le catalogue Caldwell) a été photographiée en Haute Vienne par Jean Pierre Debet au mois d’octobre 2014. Elle a été découverte en août 1783 par Caroline Herschel, sœur de William et première femme astronome professionnelle.
Visible depuis la Terre dans la constellation d’Andromède, culminant jusqu’à près de 85° de hauteur en automne, c’est un objet de choix pour les astrophotographes qui cherchent à restituer au mieux l’épaisse bande de poussières qui semble la fendre en deux parties symétriques. Elle intéresse aussi beaucoup les scientifiques car elle ressemble sans doute à notre Voie Lactée vue par la tranche par un observateur qui se situerait très loin de nous [1-2].
Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.

La galaxie NGC 891 est située à 30 millions d’années-lumière de nous, sur une ligne qui relierait l’étoile Almaak (Andromède), dont elle est assez proche, et Algol (dans la constellation de Persée), ainsi que le montre le schéma ci-dessous construit à partir d’une image tirée de Stellarium. Avec une magnitude apparente de 10,5 et une taille de 100 000 X 20 000 années-lumière, correspondant à champ visuel de 13,5 X 2,8 minutes d’arc, elle est assez facilement observable dans un instrument d’amateur de diamètre égal ou supérieur à 200 mm.

positionngc891Il y a trois grands types de galaxies : les elliptiques, les spirales et les irrégulières. Celle-ci est très probablement une galaxie spirale du type Sa, selon la classification d’Hubble, ou Sb. En effet, compte tenu de la vue de profil que nous en avons, les deux configurations : galaxie barrée (Sb) ou non barrée (Sa) sont plausibles.

À l’époque (1920) de la réalisation de sa classification qui est entièrement basée sur la caractéristique morphologique visuelle, Hubble pensait que les différents types galactiques, résumés sur le schéma ci-dessous, correspondaient à un degré d’évolution variable de ces objets, partant d’un état sphérique sans structure de type E0, puis s’aplatissant progressivement : type E1 à E7, avant de produire les bras spiralés : types Sa, Sb, Sc, ou SBa, SBb, SBc. Cette hypothèse d’évolution a depuis été totalement invalidée, mais la dénomination en termes de « galaxie précoce » pour les elliptiques et « galaxie tardive » pour les spirales est par contre, toujours usitée [3].

hubblesequenceLes galaxies spirales contiennent généralement beaucoup de gaz et de poussières en rotation. De ce fait, elles se sont aplaties, par les mêmes processus de collisions entre poussières et de « frottements » poussière/gaz qui ont fait que le système solaire est devenu plan. Leur bulbe est souvent aplati lui aussi [4].

Cette galaxie est assez semblable à la nôtre, tant par ses dimensions que par sa forme. Les étoiles les plus âgées tournent à proximité du noyau central, tandis que les extrémités des bras hébergent les étoiles les plus jeunes. Des filaments de poussière, vestiges de nombreuses naissances stellaires ou d’explosions de supernovæ comme celle qu’observèrent les astronomes en 1986, sont très présents sur et autour du plan médian. Naissance et mort des étoiles produisent en effet de puissants vents stellaires qui propulsent gaz et poussières à de grandes distances. La supernova de 1986 n’est plus observable dans le domaine visible aujourd’hui, mais les astrophysiciens continuent à la suivre dans les bandes radio.

La galaxie NGC 891 et ses « voisines » : NGC 925, 1003, 1058 pour les plus importantes, subissent toutes l’influence gravitationnelle de NGC 1023. Leur rassemblement est souvent dénommé le « groupe de galaxies NGC 1023 » [2]. Sa configuration est montrée sur le schéma « Stellarium » ci dessous.

ngc1023L’image présentée est le résultat de l’addition sous « Pixinsight » de 4 images distinctes : 1 pour la luminance, composée de 45 poses de 3 minutes en binning 1, 1 pour le rouge avec 27 poses de 90 secondes, 1 pour le vert avec 24 poses de 90 secondes et enfin 1 pour le bleu avec 30 poses de 90 secondes, les 3 couleurs en binning 2. Le temps global d’exposition est donc de 4heures et 16 minutes. La formule optique employée est un Célestron C9 autoguidé en parallèle et muni d’un réducteur qui aboutit à une focale de 1550 mm. La prise de vue est réalisée avec une caméra Sbig STF 8300, munie d’une roue à filtre.

Webographie :

[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/NGC_891
[2] http://en.wikipedia.org/wiki/NGC_891
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Galaxie
[4] http://forums.futura-sciences.com/planetes-exobiologie/422626—–meme-niveau.html

Rédaction : Michel Vampouille




L’image du mois de décembre 2014 : Lune du soir + Lune cendrée

Lune de jour Lune cendrée+Jupiter+étoile

En illustration du cycle d’initiation à l’astronomie qui a débuté en novembre, voici deux images astronomiques qu’un amateur débutant peut réaliser avec un minimum de matériel et de technique.

La première représente la Lune en fin de journée. Elle a été enregistrée en pose unique à main levée en 1/1000 de seconde le 28 mai 2012 à 20h48 par José Fernandez avec un appareil photo numérique (APN) réflex Canon EOS 600D, réglé à la sensibilité de 400 ISO, équipé d’un objectif zoom de 200 mm, ouvert à F/4,5.

La seconde montre une Lune cendrée, alignée selon la diagonale de l’image, avec la planète Jupiter d’un côté et une étoile brillante de l’autre. Elle a été enregistrée le 14 avril 2013 à 21H21 par le même auteur, dans les mêmes conditions avec un temps de pose de 0,8 seconde.
Cliquer sur les vignettes pour les observer avec un format supérieur. 

Bien que très simples d’apparence, ces photos présentent un intérêt astronomique que l’on peut découvrir avec différents outils. Notons également que les amateurs qui ne possèdent pas d’appareil réflex auraient pu enregistrer ces images avec un appareil bridge ou compact.

1ère image : Lune en fin de soirée

Pour connaître l’heure du coucher du Soleil le 28 mai 2013, on peut faire appel à l’excellent logiciel gratuit « Stellarium ». Celui-ci s’ouvre automatiquement sur la date du jour. Après l’avoir initialisé au lieu d’observation (raccourci F6), et à la date du 28 mai 2013 (raccourci F5), on clique sur le Soleil. Parmi les informations écrites qui apparaissent en haut à gauche de l’écran, on repère la ligne Az/Haut qui donne notamment la hauteur du Soleil en degrés au dessus de l’horizon. En actionnant le curseur du temps, on constate que le Soleil se rapproche de l’horizon et que l’indication de hauteur diminue. L’heure exacte du coucher du Soleil correspond au passage par 0° de cette hauteur. On trouve 21 h 33. Ce qui signifie qu’à 20 h 48, le Soleil n’était pas couché et qu’il était à 6°18′ au dessus de l’horizon. En cliquant sur la Lune, on constate qu’à 20 h 48, elle est à 45°57′ au dessus de l’horizon, donc à une bonne hauteur pour la photographier avec un niveau de turbulence acceptable.

La prise de vue à main levée avec le zoom au maximum ne pose pas de problème particulier puisque le temps de pose est très rapide. Avec un APN Bridge ou Compact, on n’a pas forcément le choix du format d’enregistrement. Par contre, avec un APN Reflex, il est préférable de travailler au format « RAW » (format brut non compressé) et de faire une dizaine de photos. On verra au cours des séances du cycle d’initiation l’utilité de cette méthode. Une fois la photo prise, vous pouvez lui apporter quelques améliorations avec le logiciel de traitement numérique de votre choix. En général, il est bon de lui augmenter la netteté et le contraste.

A ce stade, on peut, soit s’arrêter là et contempler l’image, soit essayer de reconnaître les principaux reliefs lunaires. C’est ce que nous allons faire maintenant.

Pour cela, plusieurs méthodes sont à notre disposition, soit la recherche dans des ouvrages sur la Lune, tels :  « Découvrir la Lune, chez Bordas », soit la recherche sur Internet.

On distingue ici 3 types de structure :

– les mers : ce sont des formations de couleur sombre et de dimensions importantes (diamètre de 800 km pour la mer de la Tranquillité), parfaitement visibles à l’œil nu depuis la Terre. Apparues relativement récemment à la surface de la Lune, elles correspondent à des bassins formés par l’impact d’énormes astéroïdes, il y a environ trois milliards et demi d’années. Les cuvettes ainsi creusées se sont progressivement remplies de lave, car le volcanisme a régné sur la Lune jusqu’à environ 1 milliard d’années. La couleur foncée du basalte a fait croire aux Grecs que c’était de l’eau, et donc qu’il y avait des mers sur la Lune. Cette croyance a ensuite été renforcée par l’idée, largement répandue jusqu’à la fin du Moyen-Âge que la surface de la Lune n’était autre que le reflet de la surface terrestre. Aujourd’hui, on sait que ces interprétations sont fausses, mais le nom de mer est resté…

Pour conserver une analogie avec notre géographie terrestre, et compte tenu de l’absence d’eau liquide sur la Lune, il serait plus judicieux d’employer le terme « plaine » pour décrire ces étendues vastes et relativement plates. Plus jeunes que les terres avoisinantes, les mers apparaissent plus « lisses » et moins « cratérisées ». En superficie, elles représentent environ 15% de la surface lunaire et sont essentiellement réparties sur la face tournée vers la Terre. Leurs noms étranges : Océan des Tempêtes, Mer de la Sérénité, Mer de la Tranquillité…, leur ont pour la plupart été attribués au 17ème siècle par un astronome italien, Riccioli [1].

– les chaînes de montagne : elles sont facilement localisables, car elles se situent généralement en bordure des « mers » et des « océans ». Créées par la chute d’énormes astéroïdes, elles correspondent aux remparts des gigantesques cratères émergeant de la lave qui les a comblés. C’est le cas ici avec les Monts des Apennins et ceux du Caucase en bordure de la Mer de la Sérénité. Les montagnes, culminant parfois à plus de 7 000 mètres, ne présentent pas l’aspect de pics acérés comme on l’a longtemps cru. La pluie incessante de météorites qui frappe le sol lunaire a progressivement adouci leur relief pour le faire ressembler aujourd’hui à celui des monts de la chaîne du Massif Central. De nombreuses montagnes lunaires portent le nom de montagnes terrestres. Cette nomenclature, établie au 17ème siècle, traduit l’idée qu’à cette époque, la surface lunaire était encore considérée comme le reflet de la surface de la Terre [2].

– les cratères : on en dénombre environ 300 000 d’un diamètre supérieur à 1 kilomètre sur la face visible, alors qu’ils sont encore plus nombreux, mais plus petits sur la face cachée. Ceux d’entre eux recensés officiellement (quelques milliers) portent le nom de personnages célèbres, conformément à une nomenclature imaginée au 17ème siècle par l’astronome belge Langrenus. Ce type de relief, sûrement le plus abondant sur tous les autres astres solides du système solaire, doit presque toujours son origine aux chutes de météores. Leurs dimensions varient de quelques millimètres à plusieurs centaines de kilomètres, tandis que leur aspect actuel peut présenter de très grandes différences liées à leur âge, à la nature du sol et à la taille du météore qui les a produits [3]. Sur l’image présentée, ceux qu’on distingue le mieux sont situés au voisinage du terminateur, là où les rayons rasants du soleil  accentuent l’intensité des versants éclairés et plongent dans le noir les régions ombragées.

 

2ème image : conjonction de la Lune cendrée, Jupiter et une étoile
La 2ème image, prise alors que le Soleil est couché, met en scène un alignement de 3 objets célestes : la Lune, la planète Jupiter, et une étoile relativement brillante. Ce genre de rapprochement qu’on appelle une « conjonction » est assez recherché des amateurs astronomes qui voient là une occasion de produire une image esthétique, avec ou sans premier plan terrestre. Ici aussi, la technique est relativement simple, puisque le temps de pose de 0,8 seconde, permet un enregistrement à main levée, ou sur pied classique. Là encore, l’image peut, ou bien se suffire à elle-même, ou bien être exploitée d’un point de vue astronomique.

Réglé sur le 14 avril 2013 à 21 h 21, Stellarium nous apprend que le Soleil est couché depuis 40 minutes. C’est le moment intéressant pour le photographe amateur d’ambiance crépusculaire, quand le ciel vire progressivement du bleu vers le noir. Ici, la photo n’est pas fortuite, mais préparée à l’avance. Le rapprochement, signalé dans les revues astronomiques et les éphémérides, est attendu et connu avec toutes les indications sur les hauteurs et positions des objets intéressants. Ici, pas de premier plan terrestre. Il suffit d’être prêt au bon moment si on veut enregistrer un alignement parfaitement rectiligne (la photo a été prise à 22 h). Une fois le cadrage réalisé, reste à déterminer le temps de pose idéal pour rendre correctement l’éclat de chaque objet :

La Lune :
de magnitude – 9, est vieille de 4ème jour. Seuls 18% de sa surface sont éclairés directement par le Soleil. Le reste est dans l’ombre. Avec un peu de chance et de savoir-faire, on peut tenter d’enregistrer cette partie ombragée faiblement rétroéclairée par la lumière solaire réfléchie par la Terre : c’est ce qu’on appelle la « Lumière cendrée ». Il y a toujours une grande différence de luminosité entre la partie directement éclairée par le Soleil et celle par la Terre. Il faudra donc veiller à ce que la 1ère ne soit pas trop surexposée (on ne verra plus aucun détail, contrairement à la photo précédente) et le 2ème pas trop sous-exposée (qui ne montrera, elle aussi que des détails diffus). On travaillera par approches successives.

Jupiter : de magnitude -1.6, c’est à dire d’un éclat 880 fois plus faible que celui de la Lune. Là aussi, on travaillera par approches successives.

L’étoile
: un passage par Stellarium nous indique que c’est l’étoile « iota » de la constellation du Taureau, de magnitude +5.05, c’est à dire d’un éclat 460 fois plus faible que celui de Jupiter.

Plusieurs essais sont indispensables pour obtenir un résultat satisfaisant. Une fois la photo prise, cerise sur le gâteau, on constate que l’on a aussi enregistré deux des quatre satellites de Jupiter. Avec l’aide de Stellarium encore, on découvre Ganymède au plus proche, de magnitude 5.75, et Callisto, plus éloigné et moins brillant (magnitude 6.75). L’éclat de ces satellites est proche de celui de l’étoile. Il est donc normal qu’on voit ces trois objets avec une intensité voisine…

Voilà un aperçu du type d’image qu’on peut réaliser avec un minimum de matériel et de technique. Si vous êtes intéressé(e), n’hésitez pas à prendre contact avec les animateurs de la Saplimoges : la 1ère séance du cycle d’initiation à l’astronomie amateur a lieu le 12 décembre à 20H au local, 12 rue des Carriers.

Webographie :

[1] http://www.echodelta.net/reconquete/lune/mers.html
[2] http://www.echodelta.net/reconquete/lune/montagnes.html
[3] http://www.echodelta.net/reconquete/lune/crateres.html

Rédaction : Michel Vampouille
Relecture et corrections : Denis Lefranc




L’image du mois de novembre 2014 : la Voie Lactée

Voie Lactée au dessus de Santorin Pour le mois de novembre 2014, nous revenons vers les amateurs débutants avec cette image de la Voie Lactée prise au dessus de l’île de Santorin en Grèce avec des moyens techniques minimum. Cette image a été réalisée par Denis Lefranc en septembre 2014 avec un APN Reflex Canon EOS 6D équipé d’un zoom Tamron 24-70 F/2.8, calé à la focale de 24 mm. Elle résulte d’un enregistrement unique posé durant 8 secondes à la sensibilité de 2000 ISO et traité numériquement avec Photoshop. Elle montre que même sans aucun suivi et dans un environnement lumineux important, il est possible d’obtenir une image du ciel nocturne équilibrée montrant clairement la Voie Lactée et les principales constellations qui l’entourent.
Cliquer sur l’image pour l’observer avec une résolution supérieure.

Si vous souhaitez en savoir plus sur les performances et les limites de cette technique ainsi que sur le nom des constellations contenues dans cette image, lisez la suite… 

Décryptage de l’image :
Cliquer dessus pour l’observer en résolution supérieure.


la Voie Lactée décryptée
Quand on regarde une photo du ciel nocturne prise avec un objectif grand angle, le repérage des constellations n’est généralement ni immédiat ni évident. Celle-ci n’échappe pas à la règle… On a beau reconnaître la Voie Lactée et savoir qu’elle côtoie la constellation du Sagittaire en forme de théière, trouver cette dernière demande quelque attention. Ceci provient du fait qu’avec un objectif grand angle, les étoiles diffèrent par leurs éclats et non par leurs tailles. Et aussi que, sous nos latitudes françaises, nous sommes habitués à la trouver juste au dessus de l’horizon sud. Ici, la latitude de prise de vue étant plus basse, la constellation est plus haute dans le ciel. 
Une fois le Sagittaire trouvé, cheval-archer visant le Scorpion, le décryptage devient plus facile…

 

Le site « astrometry.net » aide beaucoup à la reconnaissance des objets lumineux dans un ciel nocturne. Son application http://nova.astrometry.net/ reconnaît automatiquement la région du ciel photographiée et retrouve pour vous les constellations et les objets du ciel profond, quelle que soit la focale utilisée. Dans le cas présent, il aura fallu prendre la précaution de supprimer la bande de terre en bas de la photo et de réduire un peu sa largeur avant de l’envoyer sur le site pour que la reconnaissance puisse fonctionner.


On remarque la grande étendue du Sagittaire, toujours tronqué chez nous, avec ses extrémités qui semblent enserrer la Couronne australe. La Couronne australe se place à proximité du fond de la Théière, alors que la Couronne boréale jouxte le Cornet de Glace du Bouvier. Voilà quatre constellations faciles à se souvenir. A droite du Sagittaire : le Scorpion vu en entier avec sa queue bien reconnaissable en forme de hameçon et son étoile Antarès, super géante rouge en fin de vie dont le diamètre mesure presque 900 fois celui du Soleil. Dans le futur, elle explosera sous forme de supernova. Elle apparaîtra alors pendant quelques semaines comme un astre aussi brillant que la Pleine Lune [1]. 

 

Nichés dans la Voie Lactée, les objets Messier M7 (amas ouvert de magnitude 3,3 à 1000 AL de nous), M8 (la nébuleuse de la Lagune) et M20 (la nébuleuse Trifide) sont également bien visibles.

 

Les autres constellations sont incomplètes : la plus grande est Ophiucus (ou le Serpentaire), la 13ème constellation du Zodiaque oubliée par les astrologues…! Cette constellation, qui représente un homme portant un serpent autour de lui, divise celle du Serpent en deux parties : la tête à droite, coupée sur la photo, et la queue, visible ici. Elle ne possède pas d’étoile prééminente. Sa plus brillante, Ras alhague, de magnitude 2 est au dessus de l’image. Les autres évoluent entre 3 et 4. L’objet le plus célèbre de la constellation du Serpentaire est une supernova dont l’explosion fut visible le 10 octobre 1604, près de θ Ophiuchi. Observée par Johannes Kepler, elle porte aujourd’hui le nom « d’Étoile de Kepler« . Le Serpentaire contient énormément d’amas globulaires, tels M9, M10, M12, M14, M19, M62 et M107, les amas ouverts NGC 6633 et IC 4665,  les nébuleuses IC 4603-4604, la nébuleuse planétaire NGC 6572, une fraction de la nébuleuse planétaire du Papillon (Minkovsky 2-9) et Barnard 68, un nuage de poussières sombre [2].

 

Autre constellation peu lumineuse avec des étoiles de magnitude 4 : l’Ecu de Sobieski (ou Scutum). Pas très éloigné du centre de la Voie Lactée, il contient quelques objests célestes dont les deux amas ouverts : M11 et M26 [3].

Deux constellations de l’hémisphère sud aux noms curieux : le Microscope (2 étoiles) et le Télescope (2 étoiles). Créées par l’abbé Nicolas Louis de Lacaille en 1752 afin de remplir les derniers pans de ciel austral sans dénomination, elles portent le nom d’un appareil scientifique, comme la plupart des 14 autres que cet astronome français du 18ème siècle a baptisées [4-5].

 

Dernière constellation incomplète à gauche de l’image : le Capricorne (ou la Chèvre). Souvent dessinée comme une chèvre à queue de poisson, cette constellation est une des plus anciennes qui existent malgré sa faible luminosité. Des descriptions d’une chèvre ou d’une chèvre-poisson ont été trouvées sur des tablettes babyloniennes datant de 3 000 ans. Le Capricorne est l’une des 48 constellations identifiées par Ptolémée. La  planète Neptune fut découverte dans cette constellation par l’astronome allemand Johann Galle, le 23 septembre 1846 [6].  

 

La technique photo utilisée

Elle est très empirique : faute de disposer d’un pied et d’une télécommande, l’appareil a été posé sur un muret avec un déclenchement au retardateur pour éviter les vibrations. Le choix de la sensibilité (2000 ISO) a été guidé par le souci de contenir au maximum la montée du bruit numérique. L’ouverture de f:4,5 a été choisie pour éviter trop de chromatisme sur les bords de l’image. Le temps de pose de 8 secondes est un compromis pour concilier à la fois la nécessité de contenir l’éclairage urbain et la volonté de saisir un maximum d’informations dans le ciel tout en évitant un filé d’étoiles trop important lié à l’inévitable rotation de la Terre.

 

Une méthode plus scientifique aurait consisté à calculer sur le papier le temps de pose maxi en utilisant la formule suivante : T(secondes) = 100/Focale(en mm), au niveau de l’équateur, là où ça tourne le plus vite. Le critère aboutissant à cette formule étant très « sévère » (l’image d’une étoile ne doit pas bouger de plus d’un seul pixel de taille 6 µm), on peut généralement multiplier par 2 le temps de pose trouvé. C’est d’ailleurs le cas ici : T = 100/24 = près de 4 secondes x 2 = environ 8 secondes sans filé apparent…

 

La photo a été prise au format Raw pour être ensuite traitée sous Photoshop, d’abord sous Camera Raw pour lire et prétraiter le fichier Raw et le convertir en fichier PSD, puis sous Photoshop, au moyen de calques successifs de courbes et de niveaux pour révéler au maximum les détails du ciel, notamment dans la Voie Lactée.

 

Et vous, voulez vous essayer ?

Rien de plus simple : la SAPLimoges organise à partir du 15 novembre des séances d’initiation à l’astronomie, au cours desquelles une large place sera faite aux différentes techniques de prises de vue du ciel nocturne. Consultez régulièrement la rubrique « Actualités » de notre site Internet pour en savoir plus et si l’aventure vous tente… venez nous rejoindre !

Webographie :

[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Antar%C3%A8s

[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Ophiuchus

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cu_de_Sobieski

[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Microscope_(constellation)

[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Louis_de_Lacaille

[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Capricorne_(constellation)

 

Rédaction : Denis Lefranc, Michel Vampouille.




L’image du mois d’octobre 2014 : spectre de Beta Lyrae : étoile binaire spectroscopique

Comme chaque année à cette époque, nous consacrons cette rubrique à un article sur la spectroscopie des étoiles. Cette fois, nous nous sommes intéressés à l’étoile Shelyak (ou β Lyrae), une « étoile binaire à éclipses » représentative de la classe des « étoiles binaires spectroscopiques ».

1vegagarnetshelyakhrUne telle étoile comprend deux composantes très rapprochées tournant mutuellement autour de leur centre de gravité. Si le plan de révolution des deux astres se trouve sensiblement dans la ligne de vision de l’observateur, ceux-ci s’éclipsent mutuellement à intervalles réguliers. Leur courbe de lumière présente alors des périodes de luminosité pratiquement constante entrecoupées de chutes d’intensité périodiques. C’est ce type de courbe qui trahit leur nature binaire.
Quant au caractère « binaire spectroscopique », il provient de l’effet Doppler-Fizeau, les spectres de chacune des deux étoiles étant décalées en sens inverse l’un de l’autre sur l’échelle des longueurs d’onde. Celui de l’étoile qui s’éloigne de nous est déporté vers le rouge, alors que celui de l’étoile qui se rapproche de nous est dévié vers le bleu. Une binaire spectroscopique présente donc un spectre dédoublé.
Nous présentons trois spectres complémentaires :
– Celui de l’étoile Véga qui servira à étalonner l’appareil en longueurs d’ondes et à caractériser les performances du capteur dans le bleu.
– Celui de l’étoile « Grenat » (Garnet Star ou μCéphée) pour évaluer la résolution effective du spectroscope et la réponse du capteur dans le rouge.
– Et enfin, celui de l’étoile binaire spectroscopique Shelyak (β Lyrae) avec ses pics brillants dédoublés.
Cliquer sur l’image pour l’obtenir en résolution supérieure.

Modalités d’obtention des spectres :
Les trois spectres présentés ci-dessus ont été obtenus avec un spectroscope « sans fente » composé d’un APN Canon EOS 40D complètement défiltré équipé d’un téléobjectif Canon 200 mm ouvert à F/2.8 sur lequel nous avons fixé un nouveau réseau de diffraction par transmission, « blazé » dans l’ordre 1, de 300 traits/mm, de dimensions 50 x 50 mm. Par rapport à celui que nous utilisions auparavant (300 t/mm, 25 x 25 mm), nous devrions gagner un facteur 4 en luminosité et un facteur 2 en résolution. Le réseau tourne dans son logement de façon à rendre la direction de dispersion parallèle au grand côté du capteur. La focale de l’objectif et la fréquence spatiale du réseau de diffraction ont été choisis pour qu’un spectre dans le domaine visible couvre presque entièrement la largeur du capteur. L’APN est muni d’un dispositif de rotation autour d’un axe vertical de façon à centrer le spectre visible de l’étoile visée sur le capteur. L’ensemble est monté sur une monture avec suivi débrayable et fonction GO TO. Une fois le spectre de Véga convenablement centré sur le capteur, celui des autres étoiles est recherché avec leurs coordonnées AD et RA entrées dans la mémoire de la raquette.
L’APN est commandé par un ordinateur portable qui permet le stockage et l’analyse sur le terrain des spectres photographiés. Leur traitement (offset, dark, registration, empilement, rotation, slant, conversion en noir et blanc, analyse des spectres bruts, étalonnage en longueurs d’ondes, …) sont faits avec IRIS. Ils seront repris ultérieurement avec Visual Spec pour une analyse calibrée en intensité.

Exploitation du spectre de Véga :
Le spectre de Véga présenté ci-dessous (cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure) va nous servir de référence pour analyser les deux autres spectres réalisés au cours de la même séance.
Il résulte de l’addition de 2 pauses de 30 secondes enregistrés avec le suivi débrayé. Cette façon de faire (uniquement avec des étoiles lumineuses) donne directement un spectre facilement lisible, car étalé en hauteur. Les possibilités de réglage rapportées plus haut permettent d’avoir une direction de dispersion parallèles au grand côté du capteur et des bandes sombres d’absorption bien perpendiculaires à celle-ci.
2vegaspectreetcourbehrOn distingue sans aucune ambiguïté 6 (voire 7) raies sombres correspondant à l’absorption sélective de la lumière par l’Hydrogène contenu dans la chromosphère de l’étoile, ainsi que 2 bandes d’absorption par l’atmosphère terrestre.
En repérant les positions des raies Hα (pixel : 2962, λ = 656,3 nm) et Hβ (pixel : 1218, λ = 486,1 nm) sur l’enregistrement, on étalonne l’axe horizontal en longueurs d’onde. Pour cela, nous menons les calculs avec la loi des réseaux et les données suivantes : focale de l’objectif : 193,33 mm (mesurée au moyen d’une manipulation dédiée), taille d’un pixel : 5,71 µm, adresse du pixel au milieu du capteur : 1954. On détermine alors :
– l’angle d’incidence du faisceau sur le réseau : 9,72°,
– le pas du réseau : 3,3055 µm, correspondant à une fréquence spatiale de 302,5 traits/mm (donnée fabricant : 300 traits/mm).
– la dispersion : 0,976 Angström/pixel en moyenne.

Grâce à ces résultats préliminaires, on peut, toujours avec la loi des réseaux, déterminer avec précision la longueur d’onde des autres raies sombres d’absorption. Les résultats sont résumés dans le tableau suivant :

vegatableauComme on peut le constater, l’erreur absolue sur les longueurs d’onde ne dépasse  pas 0,3 nm : la précision de nos mesures est donc très satisfaisante. Il est probable que le logiciel Visual Spec conduise à la même précision, mais la transformation ultérieure de cette étude en un TIPE nous a fait préférer cette méthode de calcul illustrant les cours d’optique ondulatoire enseignés en classe préparatoire.

Au passage, on remarque que le domaine spectral mesuré par notre chaîne instrumentale s’étend de 380 nm dans le bleu jusqu’à 740 nm dans le rouge. On peut noter qu’il est difficile de faire plus large, puisque le spectre d’ordre 2 commence à partir de la longueur d’onde : 2 x 380 = 760 nm.

Exploitation du spectre de Garnet star :
Garnet star ou « étoile Grenat » passe pour être l’étoile la plus rouge du ciel. Elle doit donc présenter un spectre très pauvre dans le bleu et très fourni dans le rouge et le proche infrarouge. Le spectre présenté ici est obtenu par l’empilement sous Iris de 10 enregistrements posés 30 secondes chacun.

Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
3garnetspectrecourbe
Commé prévu, le spectre de Garnet star est très intense dans le rouge (jusqu’à 800 nm environ, limite au-delà de laquelle on voit poindre le spectre d’ordre 2) et très pauvre dans le bleu (rien en dessous de 450 nm). Pour ce type d’étoiles « froides », l’intérêt du défiltrage du capteur est évident. La mesure de la tempétature de la photosphère est impossible ici. Le logiciel Visual Spec étant nécessaire pour s’affranchir de la réponse instrumentale en intensité de l’appareillage.
On peut néanmoins estimer la résolution effective de l’ensemble en analysant l’allure du doublet du Sodium dont les raies sont espacées de 0,6 nm. Ici, les 2 raies sont parfaitement résolues et on peut estimer à 0,3 nm la limite du plus petit détail spectral observable.
Cette estimation conduit à une résolution effective de 589/0,3 = 1 963 arrondis à 2 000. 
Compte tenu du coût raisonnable du réseau et de la simplicité d’emploi de l’instrument, cette performance est très honorable.

Exploitation du spectre de β Lyrae (Shelyak) :
β Lyrae est un système d’étoile binaire à contact à éclipses constitué d’une étoile naine bleue-blanche de type spectral B7Ve et d’une étoile blanche de type A8V. Les deux étoiles sont assez proches pour que la matière de la photosphère de l’une soit attirée vers l’autre, donnant aux étoiles une forme ellipsoïdale. β Lyrae est le prototype de ce type de binaires à éclipses, dont les composantes sont si proches qu’elles sont déformées par leur attraction mutuelle. La magnitude apparente de Beta Lyrae varie de +3,4 à +4,6 sur une période de 12,9075 jours. Les deux composantes de l’étoile principale sont si proches qu’elles ne peuvent être résolues avec un télescope optique, formant une binaire spectroscopique que l’analyse spectrale permet de dévoiler [1].
Le spectre de β Lyrae présenté ci-dessous a été obtenu à partir de l’empilement de 11 enregistrements de 30 secondes chacun.
Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.

5shelyakspectreourbeL’une des étoiles étant de type Be, c’est à dire une étoile chaude à émission, il est normal de trouver des pics d’émission brillants dans le spectre. Ceux-ci proviennent des gaz excités de la photosphère, traversés par le rayonnement lumineux très énergétique de l’étoile. Nous avons signalé les trois plus importants qui correspondent aux longueurs d’onde Hα (656,3 nm), Hβ (486,1 nm) et Hélium1 (587,6 nm).
On en distingue d’autres moins intenses à 492.1, 501.5, 667.8, 706.5 nm…, qui correspondent aux autres raies de l’Hélium. L’abondance des pics d’émission « secondaires » traduit le bon comportement de l’instrument.
On distingue aussi des raies d’absorption provenant de l’autre étoile de type A un peu plus froide.
Quand on analyse plus en détail la courbe d’intensité de chaque pic d’émission avec la fonction « coupe » d’Iris appliqué au spectre originel s’étendant sur plus de 3800 pixels (attention, la photo présentée a subi un changement d’échelle de facteur 0,35 selon l’axe horizontal), on remarque que chaque pic est creusé par une étroite raie d’absorption décentrée toujours du même côté. Ce profil spectral, caractéristique des étoiles binaires spectroscopiques, provient du décalage par effet Doppler-Fizeau, des spectres différents de chaque composante. Le jour de l’observation, l’une des composantes entraînée par son mouvement de rotation, s’éloignait de nous. Son spectre est donc décalé vers le rouge (vers la droite, ici). Alors que l’autre se rapproche de nous, mouvement qui entraîne son spectre vers le bleu (vers la gauche). Ici, c’est la composante de type Be (avec ses pics d’émission) qui s’éloigne de nous, et celle de type A (avec ses raies sombres d’absorption) qui s’approche.
Sur les profils à l’échelle 1, nous avons mesuré les écarts spectraux entre la raie d’absorption et le pic d’émission. Les raies spectrales non décalées par effet Doppler se trouveraient juste au milieu de ces écarts. Aux erreurs de mesure près, nous avons trouvé un écart moyen Δλ de 4 Angströms. Cette mesure permet de remonter à l’ordre de grandeur des vitesses radiales, notées VrA et VrBe, avec laquelle chaque composante s’approche ou s’éloigne de nous. Cette mesure seule ne permet pas d’accéder aux vitesses réelles.
Au moyen de la relation : Δλ/λ = 2 Vr/c (c= célérité de la lumière dans le vide = 300 000 km/s), on trouve, en faisant la moyenne des trois mesures :
VrBe : + 108 km/s  (elle s’éloigne),  et VrA = – 108 km/s (elle s’approche).
Au vu des valeurs trouvées dans les catalogues d’étoiles binaires, ces valeurs sont parfaitement plausibles.
Pour compléter cette étude, il faudrait encore faire :
– une analyse en intensité, pour trouver le vrai profil spectral de l’étoile (ici, il est déformé par la réponse spectrale de l’appareillage),
– plusieurs observations espacées de quelques jours pour analyser l’évolution du profil spectral des pics Δλ passe par 0 quand les composantes sont alignées par rapport à nous, puis la raie d’absorption passe à droite du pic brillant, et ainsi de suite…),
– plusieurs observations avec analyse de la courbe de lumière, c’est à dire de la magnitude apparente de l’étoile au fil des jours.
Ce travail est réalisé par les chercheurs professionnels, mais aussi par des amateurs passionnés (et compétents) qui répondent à des campagnes d’observation lancées par des grands organismes de recherche en astronomie.

Webographie :
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Beta_Lyrae

Rédaction : Michel Vampouille




L’image du mois de septembre 2014 : IC 1396, amas d’étoiles plongé dans une nébuleuse à émission

En septembre 2014, nous restons dans le ciel profond avec cette image de IC 1396 (IC pour Index Catalogue), un amas ouvert d’une cinquantaine d’étoiles plongé dans un grand ensemble nébulaire, selon la base de données Simbad du Centre de données astronomiques de Strasbourg [1],  ou bien, selon Ciel des Hommes [2], une nébuleuse par émission immergée au coeur d’un jeune amas stellaire.
IC1396hrCliquer sur la vignette pour l’observer en haute résolution.
Cette image a été réalisée récemment par Christophe Mercier en milieu semi-urbain avec une lunette FSQ 85 EDX munie d’un réducteur 0,73 (focale résultante 330 mm) et équipée d’une caméra SBIG STF 8300 refroidie à -15°C.
Le temps de pose global de 7H 10 minutes se décompose ainsi : filtre Soufre ionisé SII (en bin2) : 15 poses de 5 min ; filtre Hydrogène ionisé Halpha (en bin1) : 27 poses de 10 min ; filtre Oxygène ionisé 2 fois 0III (en bin 2) : 17 poses de 5 min.
La recombinaison a été conduite selon la méthode SHO-AIP avec le logiciel Pixinsight. Elle s’apparente à la technique L-RVB, sauf qu’ici la Luminance (L) est constituée par l’image Hα, le Rouge (R), par l’image SII, le Vert (V) par une image composite résultant d’un mixage [SII + Hα + OIII], et le Bleu (B), par l’image OIII. On obtient ainsi une image en fausses couleurs à teinte dominante bleue, dans laquelle la couche L vient renforcer le contraste des nuages de poussières sombres.

Situation et caractéristiques de IC 1396 :

LocalisationIC1396annotée
La nébuleuse IC 1396 (aussi nommée Sh-132 dans le catalogue Sharpless des 313 régions HII (nébuleuses en émission), se situe dans la très riche constellation de Céphée, au bas des fondations du pignon de la maison.
Pour la repérer, on peut s’aider de « l’étoile Grenat » qui se trouve quasiment au milieu d’un segment joignant l’étoile centrale de IC 1396 au bas de la maison. « L’étoile Grenat », c’est μ Cephei, qu’on voit dans le coin droit de l’image réalisée par Christophe. On la nomme aussi « Erakis » ou encore « Herschel’s Garnet star », en hommage à Herschel, dont on dit qu’il terminait toujours ses séances d’observation par cette étoile.
Elle doit son nom à sa couleur rouge éblouissante facile à repérer. Située à 5 200 AL de notre Soleil, c’est une supergéante rouge, de type spectral M2, donc très froide, très volumineuse, avec un diamètre de 15 unités astronomiques, soit 1 420 diamètres solaires. A la place de notre Soleil, elle s’étendrait à mi-chemin des orbites de Jupiter et de Saturne [3].
Distant de 2 500 à 3 000 années-lumière de notre Soleil, le « relativement peu » brillant nuage de gaz ionisés composant IC 1396 s’étend sur une vaste région couvrant un champ angulaire de 3° de diamètre (correspondant à 30 années-lumière), soit 6 fois celui de la Pleine Lune [4]. Ceci explique l’emploi d’une lunette à courte distance focale pour le photographier en entier sans avoir recours à une mosaïque d’images.

Décryptage des objets contenus dans IC 1396 :
Pour cet exercice, nous appliquons les scripts « ImageSolver » et « AnnotateImage » de Pixinsight. Nous obtenons le résultat ci-dessous (cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure) :
IC1396ahrLe grand cercle blanc délimite la frontière du nuage de gaz constituant la nébuleuse. Celui-ci tangente l’étoile μ Cephei (l’étoile Grenat) dont on a déjà parlé plus haut.
Au centre du cercle, on trouve l’étoile HIP 106886 (ou HD 206267), de magnitude 5.7, distante de 1170 années-lumière. C’est une étoile massive de type O dont le rayonnement UV intense ionise les gaz de IC 1396 [5].

Parsemant la surface du cercle, une cinquantaine d’étoiles plus ou moins brillantes forment l’amas ouvert  IC 1396. Ce sont des géantes bleues (ici, blanches, on est en fausses couleurs) extrêmement brillantes qui, en émettant de grandes quantités de rayonnement ultra-violet, excitent le gaz hydrogène de la nébuleuse et lui confère une teinte rougeâtre (bleue, ici) propre à ce genre d’objet [6]. Ces étoiles, distantes de 2 500 à 3 000 années-lumière, sont immergées dans le nuage de gaz.

Répartis dans tout le volume de la nébuleuse, des nuages sombres dessinent des formes filamenteuses dont la plupart ressemblent à des « piliers ». Ce sont des poches de poussières et de gaz froid relativement dense, principalement de l’hydrogène sous forme moléculaire (H2), opaques à la lumière visible en provenance de la nébuleuse qui se trouve derrière. Ces nuages, dénommés « nébuleuses obscures » (par absorption), sont répertoriés avec le sigle « BXXX » dans le catalogue « Barnard » des 349 objets sombres dans le ciel. ». Plusieurs millions de fois plus massifs que le Soleil, ils contiennent le matériau brut à partir duquel vont se former les étoiles et les proto-étoiles, que nous ne pouvons observer que dans les domaines infrarouge et micro-ondes. Un champ magnétique important les empêche de s’effondrer sous l’effet de leur propre gravitation [7].
Ici, on en dénombre 7 : B160, B161, B162, B163, B365, B367 et la spectaculaire IC 1396A à la verticale de l’étoile centrale, plus connue,compte tenu de sa forme, sous le nom de « Nébuleuse de la Trompe d’Eléphant ».
D’une longueur de 20 années-lumière, la Trompe d’Eléphant est du même type que la célèbre « Tête de Cheval » dans Orion. Grâce à l’imagerie infrarouge, on sait qu’elle contient de nombreuses étoiles très jeunes de moins de 100 000 ans [8]. Les deux étoiles jeunes au début de la « Trompe » sont responsables de la petite nébuleuse par réflexion VdB 142 du « Catalogue Van der Berg » de 158 nébuleuses en réflexion [9] avec laquelle on la confond parfois.

IC1396protoetoilePour terminer cet inventaire, signalons une possible nébuleuse à 5h de l’étoile Mu Cep que l’on distingue nettement ci contre sur une fraction de l’image agrandie. Sous toutes réserves, il pourrait s’agir, vu sa position, de la nébuleuse proto-planétaire IRAS 21394+5844.

Ces objets célestes représentent la phase précédent le stade de nébuleuse planétaire. Durant cette étape, une géante rouge commence à rejeter ses différentes couches extérieures.

Le catalogue « IRAS », a été réalisé à la suite des observations faites par le télescope spatial infrarouge IRAS (Infrared Astronomical Satellite). Lancé le 25 janvier 1983, IRAS avait pour objectif de réaliser une cartographie complète du ciel dans les bandes infrarouges centrées sur les longueurs d’ondes 12, 25, 60 et 100 µm. Il a fonctionné 10 mois, limité dans sa durée de vie par la gourmande consommation en énergie du système de refroidissement des caméras [10-11].

Webographie
[1] http://simbad.u-strasbg.fr/simbad/sim-id?protocol=html&Ident=IC+1396&bibdisplay=none
[2] http://www.cidehom.com/apod.php?_date=130726
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mu_Cephei
[4] http://www.astrosurf.com/ahp/accueil_astrophoto_cielprofond_nebuleuses_ic1396.htm
[5] http://en.wikipedia.org/wiki/HD_206267
[6] http://www.astronomiecharlevoix.org/#!ic-1396—n »
[7] http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_obscure
[8] http://www.astropegase.com/emission+reflexion.htm
[9] http://fr.wikipedia.org/wiki/Catalogue_van_den_Bergh
[10]http://fr.wikipedia.org/wiki/Nébuleuse_protoplanétaire
[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Infrared_Astronomical_Satellite

Conception : Christophe Mercier ; Rédaction : Michel Vampouille




L’image du mois d’août 2014 : la Galaxie NGC 7814

Pour le mois d’août 2014, plongée dans le ciel profond avec une image de la galaxie NGC 7814 réalisée par Jean Pierre Debet en septembre 2013 avec un télescope C9 de 2350 mm de focale, équipé d’une caméra Atik 16 HR et d’une roue à filtres. Le temps de pose global est de 6H répartis entre : luminance 4H30, chaque couleur 0H 30. Le traitement numérique est fait avec le logiciel Pixinsight.
NGC7814hrCliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
C’est une galaxie spirale vue exactement de profil avec une bande de poussière très marquée qui la traverse d’un bord à l’autre dans le sens de l’épaisseur, sans toutefois réussir à obscurcir complètement le bulbe central. Cet aspect très typique lui a aussi valu le nom de « Petit Sombrero » tant est marquée sa ressemblance avec le plus célèbre et plus brillant « Sombrero » (ou M104) dans la Vierge.
Pour les mêmes raisons, on aurait aussi bien pu l’appeler « Petite Galaxie de l’Aiguille » ou NGC 4565 dans « la Chevelure de Bérénice », encore plus ressemblante.
On lui trouve aussi le nom de PGC 218 dans « Catalogue of Principal Galaxies », UGC 8 dans Uppsala General Catalogue » et aussi « Caldwell 43.
On ignore par qui et à quelle date cette galaxie a été découverte.

Localisatio NGC 7814Ainsi que le montre l’image Stellarium ci-contre, elle est située à l’intérieur du « carré » de Pégase, juste à côté de l’étoile Gamma Peg (Algenib).
Sa magnitude visuelle est donnée autour de 10,5/11.
Située à 40 millions d’années-lumière, elle s’inscrit dans un carré de côtés 60 000 X 20 000 AL. Depuis la Terre, on la voit dans un domaine angulaire de 6’18 » x 2’24 », soit 1/5 du diamètre de la Pleine Lune.
Sous un bon ciel, cette galaxie est visuellement accessible aux instruments de 150 mm dans lesquels elle apparaît diffuse et un peu allongée. Cependant, la bande de poussière qui la traverse est difficile à distinguer, même aux grandes ouvertures. Il faut passer à la photographie longue pose pour la faire apparaître. Celle-ci abrite de nombreuses étoiles jeunes et brillantes.
La lueur diffuse du bulbe central provient de milliards d’étoiles anciennes. Cette lueur nous paraît homogène, en fait, il n’en est rien. L’analyse minutieuse des photos professionnelles révèle de nombreux points de lumière qui sont en réalité des amas globulaires.
Cette galaxie présente un fort décalage spectral vers le rouge provoqué par l’expansion de l’univers (effet Hubble). Celui-ci conduit à une vitesse de récession d’environ 1 000 km/sec.

 




L’image du mois de juillet 2014 : la comète C/2012 K1 Panstarrs

Pour le mois de juillet, voici une image d’actualité : la comète C/2012 K1 Panstarrs. Celle-ci a été réalisée dans la nuit du 5 au 6 juin 2014 par Christian Jacquier avec un APN Canon EOS 500D placé au foyer d’une lunette 10X100. Elle résulte du cumul sous Iris d’un lot de 13 photos de 3 minutes traitées de manière que la comète apparaisse nette sur un fond d’étoiles fixes (voir explications plus loin).
C2014K1Panstarrshr
Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
Cette façon de présenter ne correspond pas la réalité puisque la comète se déplace durant les 39 minutes de pose cumulées, mais l’esthétique de l’image s’en trouve améliorée. On distingue très bien sa queue de poussières, dirigée grosso modo dans le sens opposé à son déplacement, mais pas du tout sa queue de gaz ionique…

Découverte de la comète :
Cette comète a été découverte le 17 Mai 2012 par le télescope Panstarrs localisé au sommet du Haléakala, Hawaii, alors qu’elle venait de passer l’orbite de Jupiter en direction du Soleil. Panstarrs est l’acronyme de Panoramic Survey Telescope and Rapid Response System. Ce sont 4 télescopes qui ont pour mission de repérer les objets célestes croisant l’orbite terrestre et de détecter ceux susceptibles de nous percuter dans un avenir plus ou moins lointain (les géocroiseurs).

Origine de la comète :
C 2012 K1 Panstarrs provient du Nuage de Oort, nuage hypothétique son existence n’ayant pas encore été démontrée totalement. Elle est considérée comme une comète non périodique (ou à longue période, son orbite étant plus longue que 200 ans).
En 1950, l’astronome Jan Oort émit l’hypothèse de l’existence d’un réservoir sphérique de comètes situé aux confins du système solaire entre 30 000 et 100 000 UA et pouvant contenir des centaines de milliards d’objets. Suite à des instabilités gravitationnelles causées par le mouvement d’étoiles proches, certains corps contenus dans ce nuage seraient déviés et, de temps à autre, attirés par le Soleil en décrivant une trajectoire parabolique. Ces objets prennent alors le statut de comètes non périodiques ne traversant notre Système Solaire qu’une seule fois au cours de leur existence.
Le Nuage de Oort fait partie des deux ″réservoirs à comètes″ du Système Solaire, l’autre étant la Ceinture de Kuiper. Prédite par le scientifique anglo-hollandais Gérard Kuiper en 1951, la Ceinture de Kuiper est une région en forme d’anneau situé entre l’orbite de Neptune (30 UA du Soleil) et un cercle de 100 à 150 UA de rayon, contenant au moins 70 000 corps de plus de 100 km de diamètre.
D’autres comètes sont périodiques, telle la comète de Halley avec une période de 76 années, et passent régulièrement près du Soleil. A chaque passage, elles perdent une partie de leur masse et finissent donc par « s’éteindre », faute de matière à sublimer : leur espérance de vie est donc très courte en comparaison avec l’âge du système solaire.
Les comètes étant nées en même temps que celui-ci, on peut se demander pourquoi on voit encore aujourd’hui des comètes périodiques ?
Il arrive que certaines des comètes issues du nuage de Oort passent à proximité d’une planète lors de leur périple autour du Soleil. Leur trajectoire est alors modifiée et dans certains cas, celle-ci peut aboutir à une orbite elliptique fermée, et donc à une comète périodique. Ce mécanisme explique la présence des comètes périodiques à toutes les époques.

Localisation actuelle et observation :
C/2012 K1 Panstarrs a commencé cette année 2014 comme un objet de l’hémisphère nord et terminera en février/mars 2015 dans l’hémisphère sud.
Fin avril 2014, sa magnitude avait augmenté à 8.8, ce qui la rendait visible aux petits télescopes et aux jumelles à condition de savoir où la trouver.
Le 6 juin, la nuit de la photo, sa magnitude était estimée à 8 et elle était située entre la patte arrière de la Grande Ourse et le Petit Lion. L’étoile brillante en dessous à gauche est HIP 51 658, de magnitude 4,7.

Depuis la France, C/2012 K1 a été photographiable dans de bonnes conditions jusqu’au 22 juin. A cette date, elle a atteint son zénith pendant la journée et sa hauteur dans le ciel du soir n’était plus que de 14° au dessus de l’horizon (bras tendu, poing fermé, cette hauteur est à peine plus grande que la distance entre votre index et l’auriculaire). Elle reste néanmoins visible aux jumelles jusqu’au 5 juillet dans notre région.
Du 12 juillet au 6 septembre 2014, C/2012 K1 dessinera avec le Soleil un angle apparent (vu de la Terre) inférieur à 30 degrés.
Le 9 août, elle atteindra la conjonction solaire quand elle passera derrière le Soleil pour quelques heures.
Son passage au plus proche du Soleil aura lieu le 27 août.
Elle croisera l’équateur céleste le 15 août et deviendra alors un objet de l’hémisphère sud.

Elle devrait atteindre sa magnitude maximale de 6 aux alentours de mi-octobre, son angle apparent avec le Soleil sera d’environ 75 degrés. Les habitants de l’hémisphère sud pourront peut-être la voir à l’œil nu à ce moment-là…
Nous pourrons l’observer aussi sur Internet le 2 août, date à laquelle elle passera dans le champ de vision de la caméra LASCO C3 de SOHO, l’Observatoire Héliosphérique du Soleil.

Détermination de sa vitesse orthogonale :
Deux photographies, l’une prise à 23H 57min 21sec, et l’autre à 0H 41min 52sec vont nous permettre de déterminer la vitesse orthogonale (perpendiculaire à la direction de visée) de la comète dans la nuit du 5 au 6 juin 2014.
Ces 2 photographies prises à 2 671 secondes d’intervalle ont été superposées avec le logiciel Iris après avoir été recalées préalablement l’une par rapport à l’autre avec les étoiles comme référence. On obtient ainsi l’image ci-dessous avec les positions respectives de la comète aux instants de la 1ère photo : point A’, et de la 2ème : point B’.

cometevitesseLe calcul de la distance A’B’ sur l’image, associé à la distance Terre/comète donnée par un éphéméride, va nous permettre de déterminer la distance orthogonale que la comète a parcouru dans le ciel durant 2671 secondes. Il sera alors facile d’en déduire sa vitesse orthogonale.

Calcul de la distance A’B’ sur l’image :
A l’aide de la fonction PSF (Point Spread Function) d’Iris qui repère les coordonnées de l’intensité maximale d’un objet brillant (rectangle dessiné autour de A’, puis clic droit, puis fonction PSF), on relève les coordonnées en pixels des points A’ et B’ :
XA’ = 3632,75    YA’ = 1149,35
XB’ = 3581,15   YB’ = 1098,65.

Les composantes en pixels ΔXA’B’ et ΔYA’B’ du vecteur A’B’ représentant l’image du déplacement de la comète sur le capteur s’en déduisent facilement :
ΔXA’B’ = XB’ – XA’ = – 51,6 pixels, le signe – signifiant que le déplacement s’est produit dans le sens droite/gauche sur l’axe horizontal ;
= YB’ – YA’ = – 50,7 pixels, le signe – signifiant que le déplacement s’est produit dans le sens haut/bas sur l’axe vertical.

Sachant qu’un pixel sur le capteur mesure 4,68 µm, les composantes de A’B’ en µm valent :
A’B’x  = – 51,6 X 4,68 = – 241,49 µm.
A’B’y = – 50,7 X 4,68 = – 237,28 µm.
Enfin, le théorème de Pythagore nous donne la longueur de A’B’ = 338,75 µm.

Calcul de la distance orthogonale AB parcourue dans le ciel par la comète
Ce calcul a déjà été décrit dans l’article du mois de janvier 2011 : comment mesurer des angles avec votre instrument d’observation. Nous allons le reprendre brièvement.
L’instrument (lunette ici) est assimilé à une lentille simple L, de centre optique O, de focale F = 1 m, dont le plan focal coïncide avec celui du capteur.

Le déplacement orthogonal de la comète est représenté par le segment AB. La distance OA Terre/comète étant supposée très grande devant la focale F, l’image de AB donnée par le télescope, notée A’B’, est située dans le plan focal de L.
Du centre optique O de la lentille, on voit le segment A’B’ sous l’angle très petit [A’OB’] qui, en radian, peut être approximé par : A’B’/F.
Cet angle se retrouve en [AOB], angle sous lequel depuis O on voit le déplacement AB de la comète, et qui vaut : AB/OA.
On a donc l’égalité : A’B’/F = AB/OA, d’où on tire : AB = A’B’.OA/F.
Les lecteurs qui ne sont pas familiers avec les angles en radian retrouveront facilement l’égalité ci-dessus en remarquant que les triangles AOB et A’OB’ sont homothétiques et que par conséquent, les rapports de leurs côtés homologues [AB/A’B’ et OA/F] sont égaux.

La distance Terre/Comète le 6 juin2014 au matin donnée par le site Internet :
http://neo.jpl.nasa.gov/orbits/
vaut OA = 1,687 UA, soit : 253,05.E6 km (E6 = exposant 6 = million).
Finalement, l’application numérique en km sur la distance AB parcourue par la comète aboutit à :
AB = 0,339.E-6 x 253,05.E6/1.E-3 = 85 783  km.

Calcul de la vitesse orthogonale de la comète le 6 juin 2014 à 0H 40 :
Celle-ci s’obtient par le rapport : déplacement AB/durée =  85 783/2 671 = 32,12 km/sec.
Notons qu’une erreur de 1 pixel sur chacune des composantes de A’B’ se traduit par une variation de 1 500 km sur le déplacement AB de la comète entraînant une erreur de 0,6 km/s sur la vitesse.
La précision de notre calcul est donc très sensible à la mesure du déplacement de la comète sur le capteur !

orbiteheavensaboveCependant, au vu des informations données par le site : http://www.heavens-above.com/, cette vitesse semble plausible. Ce site donne une vitesse par rapport au Soleil de 32,4 km/s, ainsi que divers schémas montrant la position de la comète dans le système solaire à n’importe quelle date. Celui du 6 juin 2014 donné ci-contre, avec les positions respectives de la comète par rapport au Soleil et à la Terre, suggère bien la quasi-égalité des vitesses orthogonales de la comète par rapport à la Terre et au Soleil.


Traitement informatique pour obtenir la comète fixe sur un fond d’étoiles fixes :
Celui-ci a été effectué sous l’impulsion de Christophe Mercier lors d’un de nos ateliers mensuels d’astrophotographie.
Les 13 photos de 3 minutes ont d’abord été prétraitées au moyen du logiciel Iris avec offset, dark, flat et conversion couleur. Puis, nous avons fait 2 registrations différentes :
– la 1ère : sur la comète (celle-ci est toujours au même endroit alors que les étoiles bougent),
– la 2ème : sur le fond d’étoiles (ce dernier est fixe, alors que la comète se déplace).
Ensuite, on passe à l’addition séparée des 2 séries ci-dessus. Attention, ce n’est pas une addition arithmétique, mais une addition médiane qui a pour effet d’affaiblir, voire d’éliminer tous les éléments semblables qui n’occupent pas la même adresse .
– La 1ère donne une comète fixe et intense sur un fond d’étoiles filées mais très faibles.
– La 2ème fournit un fond d’étoiles fixes intense, avec une comète floue et très faible.
Nous continuons par une registration des 2 images ci dessus sur le fond d’étoiles.
Et nous terminons le traitement avec Iris par une addition, toujours médiane, des 2 images registrées.
La cosmétique finale du traitement est réalisée avec Photoshop.

Les Comètes de 2014 :
Deux autres comètes vont sans nul doute faire beaucoup parler d’elles cette année :
– 67P/Churyumov-Gerasimenko : la cible de la grande mission spatiale Rosetta. Le 10 août, la sonde Rosetta se mettra en orbite autour du noyau de cette comète, et le 11 novembre, l’atterrisseur Philae devrait se poser sur sa surface. L’enjeu ? Confirmer ou infirmer l’hypothèse que les comètes ont bien contribué à amener l’eau sur notre Terre. De bien belles découvertes en perspective, et une superbe aventure spatiale !
– C/2013 A1 Siding Spring : le 19 octobre, cette comète va frôler de très près la planète Mars. Le noyau de cette comète devrait passer à environ 150 000 km de la surface martienne. S’il est particulièrement actif à ce moment-là, Mars devrait essuyer une véritable tempête d’étoiles filantes : un danger potentiel pour les rovers à la surface ou les sondes en orbite. .. Affaire à suivre !

Webographie :

http://en.wikipedia.org/wiki/C/2012_K1
http://www.le-systeme-solaire.net/oort.html
http://www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/dico/d/univers-comete-2498/
http://www.universetoday.com/110272/get-set-for-comet-k1-panstarrs-a-guide-to-its-spring-appearance/#ixzz354RY72sj
http://in-the-sky.org/cometephem.php?obj=ck12k010#site
http://saplimoges.fr/l-image-du-mois/115-limage-du-mois-de-janvier-2011-comment-mesurer-des-angles-avec-votre-instrument-d-observation-astronomique
http://neo.jpl.nasa.gov/orbits/
http://www.heavens-above.com/
http://www.cieletespace.fr/node/8636
http://saplimoges.fr/l-image-du-mois/194-l-image-du-mois-d-avril-2013-la-comete-c2011-l4-panstarrs
http://www.cidehom.com/astronomie.php?_a_id=604

Réalisation technique : Christian Jacquier, Christophe Mercier.
Rédaction : Christian Jacquier, Fernanda Baudon, Michel Vampouille.

 

 




L’image du mois de juin 2014 : la planète Mars

mars1803seulehrEn mars/avril 2014, la planète Mars était en opposition avec la Terre (c’est-à-dire du même côté du Soleil que nous et à distance minimale), sa magnitude a atteint -1.4, sa distance 0.62 UA (93 millions de km) et son diamètre angulaire : 15,2 secondes d’arc (soit 120 fois plus petit que celui de la Pleine Lune). C’est ce moment très favorable que Christophe Mercier a choisi pour la photographier.
Les deux images présentées ont été réalisées au foyer d’un télescope Meade 10 pouces équipé d’une Barlow 2, d’un correcteur de dispersion chromatique, de bagues allonges et d’une caméra DBK 21AU618.AS
Cliquer sur la vignette pour comparer sa taille avec celle de la Terre : diamètre deux fois plus petit que celui de la Terre, masse 9 fois moindre : 2 grandeurs qui expliquent la faible pesanteur martienne (0,38 g), la ténuité des gaz et de l’atmosphère qui ont tendance à s’évader, et par voie de conséquence, la très réduite pression au sol : un centième de celle de la Terre.
La présence de la Barlow 2 et des bagues allonges permet d’obtenir une distance focale résultante de 9 360 mm, conduisant à un nombre d’ouverture F/D de 37 et un diamètre d’image de 0,690 mm (calculs explicités plus loin).
Le traitement numérique a été effectué au moyen des logiciels Autostakkert (sélection, registration, addition des meilleures images), IRIS (séparation des couches RVB, masque flou et ondelettes sur les couches R et V, recomposition RVB), Registax (équilibrage de l’histogramme) et Photoshop (cosmétique finale).
Enfin le repérage de la géographie martienne a été fait avec l’aide du site Internet  donné en référence [1].
Si vous souhaitez voir la 2ème image de Mars, en savoir plus sur la géographie et les caractéristiques de la planète, les contraintes de prises de vue, lisez la suite…

Première image de la planète Mars, 18 mars 2014 :

Géographie martienne 18 mars 2014 Christophe MercierCette première image (cliquer dessus pour l’observer en taille légèrement supérieure) a été enregistrée le 18 mars 2014, soit un mois avant le rapprochement maximum avec la Terre. Ce n’était donc pas encore le moment optimum, mais les conditions météo étaient correctes…

Les prochaines oppositions auront lieu en mai 2016, en janvier 2018 et en octobre 2020. Du fait de l’ellipticité de l’orbite de Mars (aphélie : 249 millions de km, périhélie : 207 millions de km) et de sa période de révolution autour du Soleil (687 jours) différente de celle de la Terre. les oppositions de 2018 et de 2020 seront plus favorables avec des distances respectives de 58 et 62 millions de km, conduisant à des diamètres angulaires de 24,3 et 22,6 secondes d’arc, soit 1,6 fois plus grands que cette année [2].

Le premier détail que l’on cherche à voir, c’est une des deux calottes glaciaires : ici, c’est la calotte nord qu’on distingue sans problème, appelée : Planum Boreum .

L’appellation des différentes régions mérite un petite explication [3] :
En 1840, Johann Heinrich Mädler et Wilhelm Beer, deux astronomes allemands compilèrent dix ans d’observation et tracèrent la première carte globale de Mars en désignant les différentes zones par les lettres de l’alphabet.
Au cours de la vingtaine d’années qui suivit, les observations s’améliorèrent et la surface de Mars fut divisée en deux grandes régions (notamment par l’astronome italien Giovanni Schiaparelli) à cause de leur albédo différent (albédo = réflectivité en astronomie, surtout en planétologie) :
– les plaines claires du Nord, souvent couvertes de poussière et de sable riche en oxydes de fer rouges. Elles furent assimilées à des continents et portent des noms latins comme Terra (terrains anciens très cratérisés d’altitude moyenne à élevée) ou Planitia (vaste étendue plane de faible altitude, grand bassin d’impact).
– les hauts plateaux sombres du Sud furent à l’inverse considérés comme des mers et leurs noms sont précédés de Mare.

Aujourd’hui, cette appellation a été quelque peu modifiée par l’Union Astronomique Internationale (UAI) :
– les larges zones à albédo plus ou moins constant ont conservé leurs noms latins anciens, lequel est parfois mis à jour pour refléter les nouvelles connaissances à leur sujet. Par exemple, Nix Olympica (« les neiges de l’Olympe » en latin) est devenu Olympus Mons.
– les grands cratères portent le nom de scientifiques et d’écrivains de science-fiction.
– les petits cratères, ceux de villes et villages terrestres.
Tout cela pour dire que parfois, on a un peu de mal à s’y retrouver…

Muni du lexique donné en référence [3], on peut maintenant se familiariser avec quelques détails intéressants et identifiables sur la photo présentée :
– Utopia Planitia dans l’hémisphère nord : c’est une vaste plaine, nommée ainsi en référence du glacier Utopia dans l’Antarctique, où la sonde Viking 2 s’est posée en 1976, révélant un sol plat et dur composé de  particules de poussières agglomérées, jonché de cailloux, et couvert parfois de givre [4].
– Hellas Planitia, qui n’est pas la calotte glaciaire de l’hémisphère sud, mais un bassin d’impact de 9 000 mètres de profondeur, peut-être contemporain de l’hypothétique « grand bombardement tardif » de Mars qui aurait eu lieu entre 4,1 et 3,8 milliards d’années avant le temps présent [5].
Arabia Terra : un haut et vaste plateau de terrains anciens cratérisés, identifiée en 2003 par les instruments de la sonde Mars Odyssey comme étant la plus riche en Hydrogène de toute la surface de Mars, d’où une forte présomption de présence d’eau dans les matériaux qui en composent le sol [6].
Syrtis Mayor : reconnaissable à sa forme et à sa teinte sombre contrastant fortement avec les terrains environnants lui vaut d’être appelé une « formation d’albédo « . Elle a donné son nom au plateau Syrtis Mayor Planum qui correspond à un ancien volcan bouclier : vaste volcan conique avec en son centre un cratère rempli de lave fluide (Olympus Mons, sur la planète Mars, de diamètre égal à la largeur de la France en son centre, haut de 22 km, est le plus grand volcan bouclier de tout le système solaire). La présence de roches basaltiques affleurant sous la poussière explique la teinte sombre de cette région [7-8].
Olympia Undae : le plus grand champ de dunes de sable (ou erg) sur Mars. Undea = eau en mouvement = vagues = ondulations, d’après l’UAI. En 2005, l’instrument OMEGA de la sonde Mars Express a détecté des concentrations élevées de gypse dans la partie orientale de l’Olympia Undae. La présence en surface de ce minerai pourrait prouver que cette région a été recouverte d’eau liquide salée par le passé…[9].
Nous laissons au lecteur intéressé le soin de poursuivre lui-même ses investigations sur les autres régions signalées.

Deuxième image de la planète Mars, 15 avril 2014 :

Géographie martienne 15 avril 2014 Christophe MercierCette seconde image  a été enregistrée le 15 avril 2014, au moment du rapprochement maximum avec la Terre : le diamètre a augmenté de 1,7 seconde et la magnitude de 0,4.
On remarque la planète a tourné de 50/60°. On retrouve donc certaines régions comme Planum Boreum, Utopia Planitia, Arabia Terra, Syrtis Mayor, Terra Sabae, etc…, en face, on identifie un cratère, et à l’est, on découvre de nouvelles zones :
– Acidalia Planitia : une énorme plaine de basse altitude succédant au haut plateau plus clair d’Arabia Terra [10].
– Schiaparelli : un vaste cratère d’impact de 471 km de diamètre qui traverse l’équateur martien [11] (et qui explique, vu sa position sur l’image, pourquoi on ne peut voir la calotte glaciaire australe).
– la zone d’atterrissage de la sonde Mars Pathfinder en juillet 1997. La sonde est constituée de deux parties distinctes : un lander (atterrisseur, relais pour les communications terrestres)) et un rover (petit véhicule pouvant se déplacer sur le sol) nommé Sojourner. Au moment du lancement, l’ensemble [lander-rover] pèse presque une tonne et prend l’aspect d’une pyramide tronquée à trois côtés. Cet ensemble a été lâché de 50 mètres de haut sur le sol de Mars. Protégé par 24 ballons gonflés, il a pris contact avec la surface à la vitesse de 90 km/h et a rebondi quinze à vingt fois avant de se stabiliser.
Durant les trois mois de son activité scientifique (soit 12 fois plus que la durée prévue qui était de 7 jours, arrêt par épuisement probable de la batterie), le rover a analysé chimiquement seize roches et sols différents, répartis sur environ et envoyés, via le lander, 550 photos répartis sur 250 mètres carrés.
Quant au lander, il a fourni 17 000 images et effectué 8,5 millions de mesures liées à la pression atmosphérique, à la température et à la vitesse des vents martiens.
Les données recueillies par Pathfinder ont renforcé l’idée que Mars a été autrefois plus chaude et humide, sous une atmosphère plus dense, et que l’eau a coulé à sa surface [12].
la zone d’atterrissage du robot Opportunity dans la région équatoriale en janvier 2004. Conçu pour analyser géologiquement le sol martien, le robot était programmé pour ne fonctionner que pendant 90 sols (1 sol = 1 jour solaire martien = 24H 40 minutes). Or, dix ans après son atterrissage, il est toujours opérationnel, ayant parcouru 39,38 km en 3655 sols le 6 mai 2014.
Le premier objectif d’Opportunity a consisté à rechercher une grande variété de roches et de sols avec des indices sur l’activité passée de l’eau et la caractérisation de leurs textures afin d’évaluer si les environnements rencontrés ont été propices à la vie.
Le second objectif est centré, grâce à l’étude de terrain, sur l’étalonnage et la validation des instruments d’observation des orbiteurs autour de Mars afin que leurs instruments fournissent davantage de précision et d’efficacité. Ainsi, les processus tels que l’eau, l’érosion éolienne, la sédimentation, les mécanismes hydrothermaux, le volcanisme et la formation des cratères ont été et sont encore aujourd’hui analysés très finement [13].
Contraintes techniques de la prise de vue :

Le petit diamètre angulaire de la planète implique d’ajuster tous les paramètres de prise de vue si on veut obtenir une image de taille raisonnable avec un maximum de détails.
La distance focale F de l’instrument : il faut qu’elle soit grande, d’où l’utilisation d’une télescope de longue focale nominale (2 500 mm) et d’une lentille de Barlow de facteur 2. Pour mesurer la focale effective, on se reportera à l’article du mois de janvier 2011 portant sur la mesure des angles avec un instrument d’observation.
L’idée consiste à dire que l’angle apparent (α = 15,2″) sous lequel on voit la planète à l’œil nu depuis la Terre se retrouve défini dans l’instrument par le diamètre de l’image (noté d) vu à la distance focale F de l’instrument , soit : α (radian) = d/F,
d’où on tire : F = d/alpha(radian).
Sur l’image, le diamètre d recouvre 123 pixels de taille 5,6 µm, donc d = 0,00069 m.
L’angle alpha vaut : 15,2×3,1416/(180x60x60) = 0,0000737 radian.
Ce qui conduit à F = 0,00069/0,0000737 = 9,36 m.
On notera que ces 9,36 mètres ont été obtenus en agissant sur la position du miroir primaire (voir article sur la variation de la focale d’un Schmidt-Cassegrain publié en novembre 2013) et l’ajout de bagues allonges.
Le nombre d’ouverture F/Diamètre utile du télescope (noté D) :
Il se calcule facilement : F/D = 9360/25 = 37,5.
Le diamètre (à mi-hauteur) de la tache d’Airy :
Il est approximativement donné par a = longueur d’onde moyenne x F/D.
En prenant une longueur d’onde moyenne de 0,5 µm, on trouve : a = 0,5 x 37,5 = 18,5 µm.
Ceci signifie que les détails sur l’image ne pourront pas être plus petits que cette valeur.
Le taux d’échantillonnage ou nombre de pixels contenus dans la tache d’Airy : 18,5/5,6 = 3 environ.
Cette valeur est considérée par la plupart des amateurs comme la limite supérieure (pour la planète Mars) à ne pas dépasser sous peine de sur-échantillonnage se traduisant par une perte d’informations dans les détails les plus fins (qui ici, s’étalent linéairement sur 3 pixels). Pour les planètes Jupiter et Saturne, cette limite tombe à 2.
Pourrait-on utiliser une lentille de Barlow de facteur 3 pour obtenir une image plus grande et autant de détails ?
La réponse est non. La distance focale augmenterait, mais avec elle, le nombre d’ouverture et le diamètre de la tache d’Airy. Celle-ci couvrirait alors un trop grand nombre de pixels sur le capteur.Le nombre réel d’échantillons (noté N) dans l’image = surface de l’image de la planète/surface d’un échantillon (tache d’Airy) :
Surface image planète = 3,1416x690x690/4 = 374000 µmcarré.
Surface d’un échantillon = 3,1416×18,5×18,5/4 = 85,6 µmcarré.
D’où N = 37400/85,6 = 437.
Conclusion de ces calculs : l’image de la planète contient 437 « points » significatifs.
La dispersion chromatique due à l’atmosphère : celle-ci se traduit par une décomposition de la lumière selon une ligne. On la corrige par effet inverse avec un accessoire (appelé correcteur de dispersion atmosphérique) constitué de deux prismes pouvant tourner l’un par rapport à l’autre.
Resterait à discuter :
du temps d’acquisition des images,
la planète tourne sur elle-même,
et de la turbulence atmosphérique qui oblige à prendre un millier de photos pour n’en conserver qu’une petite fraction, mais ceci sera pour une prochaine fois…Comme on peut le constater, la photographie planétaire nécessite une technique qui ne s’improvise pas. Cependant, il y a un grand nombre d’amateurs qui s’y risquent et qui, comme Christophe, obtiennent des résultats brillants …, alors pourquoi pas vous ? Bibliographie et webographie :
[1] http://karmalimbo.com/aro/reference.htm
[2] Frankel Charles Dernières nouvelles des planètes – Editions du Seuil 2009

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ographie_de_la_plan%C3%A8te_Mars
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Utopia_Planitia
[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Hellas_Planitia
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Arabia_Terra
[7] http://fr.wikipedia.org/wiki/Syrtis_Major
[8] http://fr.wikipedia.org/wiki/Volcan_bouclier
[9] http://en.wikipedia.org/wiki/Olympia_Undae
[10] http://en.wikipedia.org/wiki/Acidalia_Planitia
[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Schiaparelli_(crat%C3%A8re_martien)

[12] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mars_Pathfinder
[13] http://fr.wikipedia.org/wiki/Opportunity

Rédaction : Michel Vampouille  ; Relecture : Christophe Mercier




L’image du mois de mai 2014 : taches solaires

Soleil DenisSoleil Christophe Pour l’image du mois de mai 2014, nous avons rendez-vous avec ces deux images complémentaires du Soleil.
La première a été réalisée le 4 mars 2014 par Denis Lefranc pour tester le fonctionnement d’un hélioscope de Herschel monté sur une lunette achromatique 152/1200 M42optic.
La seconde, enregistrée le 14 avril 2014 par Christophe Mercier avec un télescope Meade 10 pouces, révèle le détail des taches grâce à sa longue focale de 2500 mm.
Mise en garde : il ne faut JAMAIS observer le Soleil avec un quelconque instrument d’optique, jumelles, lunette ou télescope. A l’œil nu déjà, il provoque des brûlures de la rétine ; avec un instrument, elles seraient très graves et irréversibles.
Cliquer sur les images pour les observer en résolution supérieure.

Soleil Denis
Prise de vue et traitement de la
1ère photo :

L’hélioscope (ou prisme) de Herschel est un renvoi coudé qui exploite le principe de réflexion partielle de la lumière sur une lame de verre à faces non parallèles. Cette lame, inclinée à 45° réfléchit 4% du rayonnement qu’elle reçoit en direction de l’observateur et en transmet 95% vers le sol via une sortie située à l’arrière du dispositif (1% est perdu dans le prisme). Il est évident que ces 4% de rayonnement réfléchi constituent encore une quantité de lumière trop importante pour permettre une observation sans danger. Pour fixer les idées, ces 4% représentent la lumière que laisserait passer un filtre gris neutre de densité optique 1,4. Il est donc impératif de réduire encore le flux lumineux au moyen d’un filtre neutre de densité 3 à 4, auquel on ajoute un filtre (Baader Continuum) de bande passante étroite (8 nm) autour de la longueur d’onde verte 540 nm. Ce  second filtre a pour rôle de renforcer le contraste et de réduire légèrement les effets de la turbulence atmosphérique. Dans toutes ces manipulations, il est important d’ajuster la densité du filtre neutre pour que le temps de pose soit le plus bref possible : on aura ainsi plus de chances de passer à travers un trou de turbulence.
Cet hélioscope ne peut fonctionner qu’avec une lunette. Dans un télescope, l’apport de chaleur serait trop important au niveau du miroir secondaire.
La technique employée par Denis est celle décrite ci-dessus : un filtre gris neutre de densité 3 ainsi qu’un filtre « Baader Continuum » sont montés en aval de l’hélioscope. On obtient ainsi une densité optique de 5 environ. Les photos ont été enregistrées avec un boîtier Canon EOS 6D réglé sur la sensibilité de 320 ISO, avec des temps de pose de 0,3 ms. Après un triage manuel, les 33 retenues ont été recalées sous Iris avec la fonction « pregister » et additionnées avec « sigmaclipping » pour obtenir le meilleur rapport « signal sur bruit ». Le traitement cosmétique final a été réalisé avec Photoshop.

Analyse de la 1ère image :
Cette photo (cliquer dessus pour l’observer en résolution supérieure) révèle clairement toutes les caractéristiques qu’on est en droit d’attendre avec la technique d’observation instrumentale utilisée dans le domaine visible, à savoir :
– un bord net : ceci semble curieux si on songe à la nature gazeuse du Soleil : une boule de gaz se dilue progressivement dans l’espace, et ne présente pas de bord précis. Le Soleil (ainsi que toutes les étoiles) devrait donc avoir un aspect cotonneux. Et pourtant, l’observation prouve le contraire…
Pour expliquer cette apparente contradiction, il faut comprendre que la lumière visible émise par le Soleil provient uniquement de la photosphère, c’est-à-dire d’une enveloppe de gaz d’épaisseur très mince (350 km) par rapport à son diamètre (1,4 millions de km). Voilà pourquoi le « bord » du Soleil nous paraît net !
Il faut maintenant expliquer pourquoi seule cette enveloppe émet presque tout le rayonnement solaire : 46% dans le domaine visible et 46% dans l’infrarouge. Parce que la masse volumique des gaz contenus dans la photosphère présente les bonnes valeurs pour qu’il en soit ainsi ! Il est facile de comprendre que la masse volumique des gaz (et la pression) augmente d’autant plus qu’on se rapproche du cœur de l’étoile. Mais ce qu’on imagine moins, c’est que cette variation, très rapide avec la distance au centre de l’étoile, puisqu’elle est d’un facteur 30 entre les limites supérieure et inférieure de la photosphère, est capable d’engendrer des effets très différents à 350 km de distance.
Repérons par la cote 0 l’altitude sur la limite supérieure de la photosphère.
A la cote [0 + 50 km], on est au dessus, la masse volumique du gaz est très faible et la matière est trop ténue pour émettre beaucoup de lumière. Cette zone nous paraît sombre par rapport aux autres bien plus lumineuses.
A  la cote [0 – 200 km], on est dans la photosphère, la lumière émise à cet endroit-là est absorbée sur les 200 km qu’elle doit parcourir pour sortir de la photosphère, mais l’absorption n’est pas totale. Cette zone contribue donc à l’illumination de la photosphère.
A la cote [0 – 450 km], on est en dessous de la photosphère, la matière, maintenant très dense, absorbe toute la lumière sur les 450 km des son parcours vers la sortie. Aucune lumière provenant de cette zone ne sort de la photosphère. Cette zone est donc opaque !
Quand on dit que la masse volumique est trop faible ou trop forte, il faut donner des chiffres pour saisir la rapidité des variations qu’elle engendre.
A la frontière inférieure de la photosphère [0 -350 km], la masse volumique est de 3 millièmes de gramme par litre (sur Terre, à l’altitude 0 : 1,3 g/l) et la température de 6 000°K ; à la frontière supérieure [0], celle –ci chute à 0,1 millième de gramme par litre et la température à 4 500°K.

– l’assombrissement périphérique du disque solaire :
Cet effet, très visible, sur la photo présentée (les bords su disque sont moins brillants que le centre) résulte de l’explication précédente. Le schéma ci-contre explique bien ce phénomène.

La lumière qui nous parvient du centre du disque solaire a traversé perpendiculairement une partie ou la totalité des 350 km d’épaisseur de la photosphère. Elle a été affaiblie au passage (d’autant plus qu’elle provient de loin), mais très partiellement. Par contre, la lumière qui nous arrive de la périphérie a traversé tangentiellement la photosphère. Elle traverse donc des couches plus denses sur de plus grandes distances, donc plus absorbantes. La lumière qui nous parvient des bords provient donc de couches moins profondes que celles qui nous envoient de la lumière au centre. Quand on regarde le Soleil sur ses bords, on « voit » une couche de matière située à une altitude (par rapport au centre) plus élevée dans la photosphère. Et donc moins chaude ! Plus on s’éloigne du centre, plus froide est la couche observée. La couche la plus chaude observée (correspondant au centre du disque) rayonne beaucoup plus dans le domaine sensible de l’œil : par conséquent, le centre nous apparaît plus lumineux.
A cet effet, il faut ajouter aussi un facteur d’obliquité qui atténue encore l’illumination périphérique. La lumière des bords sort perpendiculairement à la surface du disque solaire. Celle qui nous parvient, ayant subi un changement de direction, n’est qu’une fraction de la lumière émise, accentuant ainsi l’assombrissement périphérique.
Sur le schéma, l’épaisseur de la photosphère a été infiniment exagérée, pour la lisibilité. Ses 350 km d’épaisseur réelle, pratiquement négligeables par rapport aux 700.000 km de rayon du Soleil, seraient invisibles à l’échelle du dessin.

– les facules :
Les facules sont de petites taches brillantes visibles sur la photosphère qui ressortent vivement en clair sur le disque lumineux du Soleil et qui accompagnent presque toujours les taches sombres. Elles sont surtout remarquables sur les bords du disque, là où la lumière décroît rapidement. Ici, on en voit distinctement 3 groupes parsemés de taches sombres.
Au voisinage des taches, comme sur celle en bas à droite, elles affectent souvent la forme de ruisseaux lumineux divergeant de tous côtés. Elles peuvent atteindre jusqu’à 20 000 km de longueur et changent de forme rapidement à l’échelle de la dizaine de minutes.
Au contraire, celles qui sont isolées et sans tache sombre persistent parfois plusieurs jours sans altération visible.
Il y en a aussi autour des taches sombres centrales, mais elles ne sont pas visibles. C’est l’assombrissement du disque solaire qui permet de les faire apparaître en périphérie.
Tout comme les taches solaires, elles sont liées à des phénomènes d’origine magnétique qui, en bloquant les mouvements de convection, modifient la température locale de la photosphère.

– la granulation solaire :
Toujours en périphérie, mais aussi un peu au centre, on commence à distinguer la granulation solaire sous la forme d’une structure de petits grains brillants (chauds) : les granules, cernés par des zones plus sombres et étroites : les intergranules. Nous y reviendrons avec la 2ème image.

– les taches solaires :
On nomme taches solaires les régions sombres de la photosphère qui apparaissant temporairement sur notre étoile, le plus souvent par petits groupes, comme c’est le cas ici. Leur étendue peut être très variable. Quelques-unes ont des dimensions considérables, parfois colossales : telle celle signalée en 1858, dont le diamètre de 220 000 km égalait près de 18 fois celui de la Terre et la surface couvrait 1/36e environ de la surface visible du Soleil. Pendant les seules années 1882 à 1885, cinq mesurèrent de 86 000 à 144 000 km. Nous en parlerons plus abondamment avec la 2ème image.

Prise de vue et traitement de la 2ème photo :

Cette fois, la longue focale du télescope Meade 10 pouces, équipé d’une feuille Astrosolar Baader de densité 3,8 et d’un filtre Solar Continuum 540 nm permet de visualiser les taches sombres et la granulation avec un grossissement respectable. Malheureusement, le vent et la turbulence atmosphérique ont empêché l’emploi d’une lentille de Barlow. Les photos ont été enregistrées à cadence rapide (60 im/s) en mose vidéo (temps de pose : 0,2 ms) avec une caméra DBK 21AU618.AS. Après une sélection sévère, les meilleures ont été traitées avec le logiciel AutoStakkert et terminées avec Photoshop.

Analyse de la 2ème image :

Soleil ChristopheLe montage photographique présenté ci-dessus montre (cliquer dessus pour l’observer en résolution supérieure) :
– à droite : la morphologie des taches sombres photographiées portant les numéros AR 2034 et AR 2036 (AR = Active Region = zone active), numéros attribués par le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), incrémentés d’une unité à l’apparition de chaque nouveau groupe de taches.
– à gauche : l’image du Soleil du 14 avril 2014 provenant de la sonde Soho et disponible sur Internet, permettant le repérage et l’identification des taches.
Comme on peut le constater, une tache solaire se compose de deux parties : une zone centrale, très sombre, presque noire, qu’on appelle le noyau (ou ombre), et, tout autour, une zone annulaire et frangée, la pénombre, plus claire que le centre, mais plus foncée que le disque, et généralement composée de longs filaments rayonnant vers le noyau. On les distingue très bien sur les images présentées. Les contours, limites de séparation du noyau et de la pénombre, ainsi que ceux qui bornent la pénombre sur le disque du Soleil, sont, d’ordinaire, nettement tranchés, et l’éclat relatif de cette dernière est un peu renforcé dans ses parties voisines du noyau noir.

Caractéristiques des taches sombres :
Lorsque la tache apparaît sur le bord oriental du disque solaire (bord gauche pour un observateur européen), la rive orientale de sa pénombre est vue seule, puis, le noyau devient visible, puis la rive occidentale. Sa forme générale est bien souvent fort irrégulière pendant cette première période. Elle devient ensuite plus ou moins circulaire à mesure qu’elle s’avance vers le centre du disque, et la pénombre se montre alors dans tout son développement, avec le noyau en son centre. Enfin, à l’approche du bord occidental, les mêmes phénomènes se reproduisent, mais en ordre inverse.
Cette variation simultanée de forme et de position a conduit les astronomes à voir les taches comme des cavités en forme d’entonnoir, constituant autant de creux à la surface de la photosphère, et mettant à nu, par l’ouverture ainsi creusée, le globe lui-même, beaucoup plus sombre.
Vers 1860, Warren de la Rue, un astronome et chimiste britannique, grâce à des photos stéréoscopiques, voit les taches se modeler en creux. Vers 1890, Rico, un astronome italien, trouve leur profondeur moyenne en mesurant la largeur de leurs pénombres : 1037 km.
Quant à leur taille, on peut l’estimer ici grâce à l’échelle donnée sur la photo Soho. Les taches les plus grosses des 2 groupes photographiés ont un diamètre égal à 2 ou 3 fois celui de la Terre, soit 25 000 km environ.
Leurs durées d’existence sont très diverses : un à deux mois en moyenne, quelquefois deux à trois jours, voire deux à trois heures.
Elles ne se produisent pas indifféremment sur tous les points du disque. On en rencontre très rarement aux latitudes supérieures à 40° et la plupart se montrent dans les limites de deux zones symétriques, comprises, pour chaque hémisphère, entre 10° et 35°. A ce titre, celles  se trouvant sur l’équateur solaire de la photo 1 sont une exception. Elles changent incessamment de forme et de dimensions et possèdent de petits mouvements propres. Enfin, leur nombre passe par des maxima et des minima très accentués, correspondant aux maxima et aux minima de l’activité solaire. Ceux-ci sont à peu près périodiques et se répètent tous les 11/12 ans avec une certaine régularité.
Les taches sombres correspondent aux régions où des lignes de champ magnétique (très resserrées) s’extraient du Soleil ou y replongent. En pratique, cela signifie que l’on rencontrera des groupes de taches de polarité magnétique opposée allant par paires : les lignes de champ magnétique sortent par une des taches sombres d’une polarité donnée et rentrent par une autre de polarité opposée (ce phénomène est très net sur le groupe AR 2036 et sur la photo 1). Ces lignes rentrantes et sortantes donneront parfois naissance à des arches de matière coronale ou à des protubérances s’élevant à des milliers de km au dessus de la photosphère, mais il faut une autre technique pour les visualiser. L’activité magnétique présente au sein des taches s’étend en profondeur dans la zone de convection située immédiatement sous la photosphère. Elle y contrarie les mouvements ascensionnels de matière, limitant ainsi l’apport thermique au niveau de la photosphère. Cette diminution localisée de chaleur engendre une baisse de température de 1500 à 2000°K par rapport à celle des régions environnantes. Cette chute de température suffit à expliquer pourquoi les noyaux nous apparaissent, en contraste, bien plus sombres que le reste de l’étoile. Ils sont pourtant à une température proche de 3 000 °K. Si on pouvait les observer seuls, on les verrait plus lumineux que la Pleine Lune.
L’existence de taches sombres n’est pas un phénomène réservé à notre Soleil : diverses techniques (notamment la tomographie Doppler) ont également permis de mettre en évidence la présence de taches à la surface d’autres étoiles.

La structure en « grains de riz  » :
Sur des clichés de qualité suffisamment grossis commes c’est le cas ici, on voit apparaître une structure « en grains de riz » constituée de « granules », relativement brillants, séparés par des zones plus sombres : « les intergranules ». Ces granules ont des dimensions de l’ordre du millier de kilomètres.
En faisant des clichés successifs de la même région, on constate que certains de ces granules présentent un aspect différent à quelques minutes d’intervalle et qu’ils disparaissent après ce qui s’apparente à une explosion. A partir de leurs éclats respectifs, on trouve que la température de l »espace inter-granulaire est inférieure d’environ 500°K à celle de la matière granulaire. Par des analyses spectroscopiques de vitesse au moyen de l’effet Doppler-Fizeau, on est conduit à imaginer le schéma suivant : les granules sont des cellules de gaz chaud poussées vers l’extérieur par la convection (avec des vitesses verticales ascensionnelles de quelques kilomètres par seconde). Arrivée à une certaine hauteur, cette matière se refroidit et retombe dans les intergranules.  Les granules présentent de plus un mouvement d’expansion dont la vitesse moyenne se situe autour de 2 km/s.
La granulation apparaît donc comme une manifestation en surface de la zone de convection située juste sous la photosphère.

Les missions d’observation modernes :
L’étude des taches solaires continue de façon intense grâce à des instruments terrestres et spatiaux qui sont constamment perfectionnés. Les instruments spatiaux sont particulièrement efficaces car l’atmosphère terrestre ne fait alors plus obstacle à l’observation dans tout le spectre électromagnétique.
Malgré le lancement d’une série de satellites d’observation du Soleil au cours des vingt dernières années, plusieurs questions demeurent sans réponse :
– Nous ne savons toujours pas prédire la température et la luminosité qu’aura une tache solaire même si l’intensité de son champ magnétique est connue.
– Nous ignorons toujours l’origine et la structure de la démarcation ombre/pénombre des taches.
– Enfin, la profondeur des taches et la manière dont l’énergie est transportée vers la surface du Soleil restent inconnues.
Plusieurs modèles physiques du cycle magnétique solaire à l’origine des taches ont été proposés, mais aucun ne fait consensus.
La petite histoire des taches solaires est loin d’être terminée et les chercheurs du monde entier sont très friands des observations d’amateurs montrant leur évolution temporelle…

Si l’aventure vous tente, n’hésitez pas…

Webographie :
http://www.telescope.ch/prod/index.php?option=com_content&view=article&id=50%3Ale-prisme-ou-helioscope-de-herschel&catid=22%3Alobservation-solaire&Itemid=86&lang=fr
http://astronomia.fr/2eme_partie/soleil.php
http://www.cosmovisions.com/facule.htm
http://clubregulus.free.fr/Soleil.html
Granulation solaire sur Wikipedia
http://sohowww.nascom.nasa.gov/sunspots/
http://www.ac-nice.fr/clea/C4.html
http://www.asc-csa.gc.ca/fra/sciences/taches-solaires2.asp

Rédaction : Michel Vampouille




L’image du mois d’avril 2014 : SN 2014J : nouvelle supernova dans M82

Actualité oblige : voici une image de la nouvelle supernova qui est apparue récemment dans la galaxie du Cigare M 82. La supernova, c’est l’étoile jaune bien visible dans le côté droit de la galaxie.
Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
Cette image a été réalisée les 11 et 12 mars 2014 à Saint Léonard de Noblat par Jean Pierre Debet avec un télescope C9 équipé d’une caméra monochrome Atick 16HR et d’une roue à filtres. Le temps de pose global de 4H26 minutes résulte de la superposition de 25 poses de 3 min pour la luminance, 29 poses de 4 min. pour le filtre Hα, et 12 poses de 2,5 min pour chacune des trois couleurs Rouge/Vert/Bleu. Le traitement a été réalisé avec le logiciel Pixinsight selon le Process HARVB AIP.
C’est un petit groupe d’étudiants astronomes, Ben Cooke, Tom Wright, Matthew Wilde et Guy Pollack, et leur assistant-professeur Steve Fossey, de l’Observatoire de l’Université de Londres qui l’ont découverte par hasard le soir du 21 janvier 2014 avec un modeste télescope C 14 du collège lors d’une séance rapide d’introduction à l’imagerie CCD.
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette supernova, sa naissance, sa découverte, sa nature, sa brève vie future…, lisez la suite.

SN2014Javantapreshr

Date de sa découverte dans le domaine des ondes visibles :
Comme le montre le photo-montage ci-dessus, on voit très bien la différence entre la galaxie avant l’apparition de la supernova (encadré en haut à gauche) et après (étoile dans un cercle rouge). Cette apparition signifie que l’étoile qui se trouve là est en train de mourir en explosant violemment.
Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
On sait maintenant que le point lumineux correspondant à cette explosion est passé inaperçu dans le domaine des ondes visibles pendant une semaine : en effet, on peut le voir sur des photos à partir du 14 janvier, date à laquelle, d’un point de vue terrestre, la supernova a été remarquée. Le 15 janvier, soit 6 jours avant qu’on la découvre, elle brillait déjà dix millions de fois plus que notre soleil, et le 21 janvier, jour de sa découverte, près de 1 milliard de fois plus.

Estimation de sa magnitude :
Bien que sa luminosité intrinsèque soit énorme, il n’est pas question de la voir à l’oeil nu ! Elle a été relevée avec une magnitude de 10,5 pendant la première semaine de février, et a continué avec une magnitude 12 jusqu’au 5 mars. Un télescope ou une lunette sont donc indispensables pour l’observer. Pour estimer sa magnitude apparente, nous avons appliqué les scripts « ImageSolver » et « AnnotateImage » de Pixinsight à la photo présentée (voir à ce sujet l’article précédent : caractérisation des objets contenus dans une photographie de ciel nocturne). Les résultats sont affichés sur le cliché ci-dessous. Cliquer dessus pour passer en résolution supérieure.

SN2014Jannoteehr Le champ est orienté (nord dans la direction des lignes jaunes presque verticales) et toutes les étoiles qu’il contient sont repérées et évaluées. Sauf SN 2014J, bien sûr, puisqu’elle n’est encore listée dans aucun catalogue. On peut constater que la luminosité de la supernova se situe entre l’étoile la plus brillante (en dessous à droite) de magnitude = 9,041, et celle à gauche sur une même horizontale de magnitude 11.182. La magnitude de SN 2014J peut donc être estimée autour de 10,5 sur ce cliché. Sa luminosité va décroître au fil des jours, mais il devrait encore être possible de la photographier durant quelques semaines.

Date de sa naissance :

La date du 15 janvier 2014 de la découverte de SN 2014J dans le domaine des ondes visibles ne veut pas dire qu’elle a explosé ce jour-là… Pour en savoir plus, il faut reprendre les publications d’observations antérieures dans les autres domaines de rayonnement : ultra-violet, rayons X, infra-rouge proche et lointain, et aussi les ondes radio…
C’est ainsi qu’Andreas Brunthaler et son équipe du MaxPlanck Institut für Radioastronomie en Allemagne, en fouillant dans les archives d’observations du réseau d’antennes radio de 25m du Very Large Array (VLA) au Nouveau-Mexique, trouvent l’enregistrement, au début de l’année 2008, d’une soudaine et puissante émission radio en provenance de M82. Jusqu’à mai 2008, cette dernière éclipsera complètement l’émission radio de la galaxie elle-même. Probablement, l’émission d’une supernova !
Pour appuyer leur hypothèse, ils examinèrent les observations réalisées en rayonnement X et ultra-violet durant la même époque, mais aucune trace d’un tel évènement de cette importance ne leur apparut…
Poursuivant leurs investigations avec le VLBI, un réseau interférométrique étendu sur toute notre planète, ils mirent en évidence une structure radio en expansion à 4% de la vitesse de la lumière, tout proche du centre de M82 et typique d’une explosion d’étoile massive en supernova.
Grâce à cette observation précise, la date de l’événement a pu être établie à fin janvier/début février 2008. La formidable quantité de poussières qui s’est accumulée dans cette région de la galaxie M82 au lendemain de l’explosion a bloqué toute la lumière « visible » depuis les rayons X jusqu’à l’infra-rouge, mais pas les ondes radio. C’est cet écran opaque aux rayonnements « lumineux » qui a empêché amateurs et professionnels d’assister « en direct » à un fabuleux spectacle.
Détail important : l’instant réel de l’explosion doit être retardé du temps que met la lumière pour parcourir l’énorme distance séparant la galaxie M82 de la nôtre, soit 11,5 millions d’années environ. Sur Terre, nous assistons donc à un évènement-spectacle qui s’est produit il y a quelques 11,5 millions d’années…

Nature de SN2014 J :
Depuis sa découverte, de nombreux télescopes sont braqués sur elle pour l’analyser complètement avec sa disparition. L’observation de son spectre a révélé qu’elle était une supernova du type Ia : absence d’hydrogène et présence de silicium, et le décalage Doppler de ses raies indique que ses débris continuent de s’éloigner d’elle à une vitesse de 20 000 km/s, soit près de 10% de la vitesse de la lumière !
Les supernovas de type Ia résultent de l’explosion totale d’une naine blanche (étoile très dense dont la masse, comparable à celle du Soleil, est contenue dans un volume égal à celui de la Terre) selon deux scénarios différents :
Dans le premier, une naine blanche attire à elle une étoile normale, la fait orbiter et lui arrache des fragments de matière tout au long de sa course. Sa taille augmente inexorablement jusqu’à l’explosion !
Dans le second, l’explosion a lieu quand deux naines blanches en système binaire à cause de la gravité, tournent l’une autour de l’autre jusqu’à leur collision.
Dans ces deux cas, l’explosion génère une « coquille » surchauffée de plasma qui s’éloigne dans l’espace à plusieurs milliers de km/h. Les éléments radioactifs formés pendant l’explosion maintiennent la coquille chaude pendant son expansion. La relation entre la taille de la coquille, sa transparence et sa chaleur radioactive détermine le moment de sa plus grande magnitude.

Observation de supernovas célèbres :
L’observation en direct d’une telle explosion cataclysmique est un évènement rarissime à l’échelle de notre vie humaine et de notre cosmos local : il y a en effet très peu de supernovas dans notre galaxie.

Depuis l’invention de l’écriture, plusieurs ont été visibles à l’œil nu, et le témoignage de leur observation est parvenu jusqu’à nous :
– SN 1006 : supernova mentionnée dans des textes européens, chinois, japonais, égyptiens et irakiens. Observée en plein jour à l’œil nu dans la constellation du Loup durant une année, ce fut sans doute la plus brillante supernova jamais observée. Sa magnitude est estimée entre -7 et -9, c’est-à-dire capable de produire des ombres d’objets terrestres !
– SN 1054 : observée par des astronomes chinois et arabes durant 2 années dans la constellation du Taureau. Son rémanent, la Nébuleuse du Crabe, est une cible privilégiée des amateurs astronomes.
– SN 1181 : supernova moins connue dans la constellation de Cassiopée, observée durant 6 mois par les Chinois et les Japonais.
– SN 1572 : supernova dans Cassiopée, observée notamment par Tycho Brahe, dont le livre ″De Nova Stella″ sur le sujet nous donna le mot ″nova″.
– SN 1885A : première supernova de l’ère télescopique, observée dans la galaxie d’Andromède, et visible à l’œil nu.
– SN 1987A : supernova observée dans le Grand Nuage de Magellan. Ce fut la première occasion de confronter les théories modernes sur la formation des supernovas aux réalités des observations.

Observation actuelle de SN 2014J :
Il est encore temps aux amateurs d’observer SN 2014J avec une lunette ou un télescope et de la photographier.
Pour la trouver, rien de plus simple (voir encadré en haut et à droite de la photo 2). Il suffit de repérer la ″casserole″ de la Grande Ourse, de tracer la diagonale qui pointe vers le haut à l’opposé du manche et de reporter sa longueur dans la même direction, ou presque. La galaxie M82 se trouve à l’extrémité du segment.

Bonnes observations.

Webographie :
http://www.science-et-vie.com/2014/01/24/supernova/
http://www.journaldelascience.fr/espace/articles/etoile-explose-proximite-terre-3419
http://www.cieletespace.fr/evenement/3466_une-supernova-cachee-decouverte-dans-la-galaxie-m82
http://www.nasa.gov
http://www.skyandtelescope.com
http://fr.wikipedia.org/wiki/Supernova

Rédaction : Michel Vampouille, Fernanda Baudon