L’image du mois de septembre 2014 : IC 1396, amas d’étoiles plongé dans une nébuleuse à émission
En septembre 2014, nous restons dans le ciel profond avec cette image de IC 1396 (IC pour Index Catalogue), un amas ouvert d’une cinquantaine d’étoiles plongé dans un grand ensemble nébulaire, selon la base de données Simbad du Centre de données astronomiques de Strasbourg [1], ou bien, selon Ciel des Hommes [2], une nébuleuse par émission immergée au coeur d’un jeune amas stellaire.
Cliquer sur la vignette pour l’observer en haute résolution.
Cette image a été réalisée récemment par Christophe Mercier en milieu semi-urbain avec une lunette FSQ 85 EDX munie d’un réducteur 0,73 (focale résultante 330 mm) et équipée d’une caméra SBIG STF 8300 refroidie à -15°C.
Le temps de pose global de 7H 10 minutes se décompose ainsi : filtre Soufre ionisé SII (en bin2) : 15 poses de 5 min ; filtre Hydrogène ionisé Halpha (en bin1) : 27 poses de 10 min ; filtre Oxygène ionisé 2 fois 0III (en bin 2) : 17 poses de 5 min.
La recombinaison a été conduite selon la méthode SHO-AIP avec le logiciel Pixinsight. Elle s’apparente à la technique L-RVB, sauf qu’ici la Luminance (L) est constituée par l’image Hα, le Rouge (R), par l’image SII, le Vert (V) par une image composite résultant d’un mixage [SII + Hα + OIII], et le Bleu (B), par l’image OIII. On obtient ainsi une image en fausses couleurs à teinte dominante bleue, dans laquelle la couche L vient renforcer le contraste des nuages de poussières sombres.
Situation et caractéristiques de IC 1396 :
La nébuleuse IC 1396 (aussi nommée Sh-132 dans le catalogue Sharpless des 313 régions HII (nébuleuses en émission), se situe dans la très riche constellation de Céphée, au bas des fondations du pignon de la maison.
Pour la repérer, on peut s’aider de « l’étoile Grenat » qui se trouve quasiment au milieu d’un segment joignant l’étoile centrale de IC 1396 au bas de la maison. « L’étoile Grenat », c’est μ Cephei, qu’on voit dans le coin droit de l’image réalisée par Christophe. On la nomme aussi « Erakis » ou encore « Herschel’s Garnet star », en hommage à Herschel, dont on dit qu’il terminait toujours ses séances d’observation par cette étoile.
Elle doit son nom à sa couleur rouge éblouissante facile à repérer. Située à 5 200 AL de notre Soleil, c’est une supergéante rouge, de type spectral M2, donc très froide, très volumineuse, avec un diamètre de 15 unités astronomiques, soit 1 420 diamètres solaires. A la place de notre Soleil, elle s’étendrait à mi-chemin des orbites de Jupiter et de Saturne [3].
Distant de 2 500 à 3 000 années-lumière de notre Soleil, le « relativement peu » brillant nuage de gaz ionisés composant IC 1396 s’étend sur une vaste région couvrant un champ angulaire de 3° de diamètre (correspondant à 30 années-lumière), soit 6 fois celui de la Pleine Lune [4]. Ceci explique l’emploi d’une lunette à courte distance focale pour le photographier en entier sans avoir recours à une mosaïque d’images.
Décryptage des objets contenus dans IC 1396 :
Pour cet exercice, nous appliquons les scripts « ImageSolver » et « AnnotateImage » de Pixinsight. Nous obtenons le résultat ci-dessous (cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure) :
Le grand cercle blanc délimite la frontière du nuage de gaz constituant la nébuleuse. Celui-ci tangente l’étoile μ Cephei (l’étoile Grenat) dont on a déjà parlé plus haut.
Au centre du cercle, on trouve l’étoile HIP 106886 (ou HD 206267), de magnitude 5.7, distante de 1170 années-lumière. C’est une étoile massive de type O dont le rayonnement UV intense ionise les gaz de IC 1396 [5].
Parsemant la surface du cercle, une cinquantaine d’étoiles plus ou moins brillantes forment l’amas ouvert IC 1396. Ce sont des géantes bleues (ici, blanches, on est en fausses couleurs) extrêmement brillantes qui, en émettant de grandes quantités de rayonnement ultra-violet, excitent le gaz hydrogène de la nébuleuse et lui confère une teinte rougeâtre (bleue, ici) propre à ce genre d’objet [6]. Ces étoiles, distantes de 2 500 à 3 000 années-lumière, sont immergées dans le nuage de gaz.
Répartis dans tout le volume de la nébuleuse, des nuages sombres dessinent des formes filamenteuses dont la plupart ressemblent à des « piliers ». Ce sont des poches de poussières et de gaz froid relativement dense, principalement de l’hydrogène sous forme moléculaire (H2), opaques à la lumière visible en provenance de la nébuleuse qui se trouve derrière. Ces nuages, dénommés « nébuleuses obscures » (par absorption), sont répertoriés avec le sigle « BXXX » dans le catalogue « Barnard » des 349 objets sombres dans le ciel. ». Plusieurs millions de fois plus massifs que le Soleil, ils contiennent le matériau brut à partir duquel vont se former les étoiles et les proto-étoiles, que nous ne pouvons observer que dans les domaines infrarouge et micro-ondes. Un champ magnétique important les empêche de s’effondrer sous l’effet de leur propre gravitation [7].
Ici, on en dénombre 7 : B160, B161, B162, B163, B365, B367 et la spectaculaire IC 1396A à la verticale de l’étoile centrale, plus connue,compte tenu de sa forme, sous le nom de « Nébuleuse de la Trompe d’Eléphant ».
D’une longueur de 20 années-lumière, la Trompe d’Eléphant est du même type que la célèbre « Tête de Cheval » dans Orion. Grâce à l’imagerie infrarouge, on sait qu’elle contient de nombreuses étoiles très jeunes de moins de 100 000 ans [8]. Les deux étoiles jeunes au début de la « Trompe » sont responsables de la petite nébuleuse par réflexion VdB 142 du « Catalogue Van der Berg » de 158 nébuleuses en réflexion [9], avec laquelle on la confond parfois.
Pour terminer cet inventaire, signalons une possible nébuleuse à 5h de l’étoile Mu Cep que l’on distingue nettement ci contre sur une fraction de l’image agrandie. Sous toutes réserves, il pourrait s’agir, vu sa position, de la nébuleuse proto-planétaire IRAS 21394+5844.
Ces objets célestes représentent la phase précédent le stade de nébuleuse planétaire. Durant cette étape, une géante rouge commence à rejeter ses différentes couches extérieures.
Le catalogue « IRAS », a été réalisé à la suite des observations faites par le télescope spatial infrarouge IRAS (Infrared Astronomical Satellite). Lancé le 25 janvier 1983, IRAS avait pour objectif de réaliser une cartographie complète du ciel dans les bandes infrarouges centrées sur les longueurs d’ondes 12, 25, 60 et 100 µm. Il a fonctionné 10 mois, limité dans sa durée de vie par la gourmande consommation en énergie du système de refroidissement des caméras [10-11].
Webographie
[1] http://simbad.u-strasbg.fr/simbad/sim-id?protocol=html&Ident=IC+1396&bibdisplay=none
[2] http://www.cidehom.com/apod.php?_date=130726
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mu_Cephei
[4] http://www.astrosurf.com/ahp/accueil_astrophoto_cielprofond_nebuleuses_ic1396.htm
[5] http://en.wikipedia.org/wiki/HD_206267
[6] http://www.astronomiecharlevoix.org/#!ic-1396—n »
[7] http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_obscure
[8] http://www.astropegase.com/emission+reflexion.htm
[9] http://fr.wikipedia.org/wiki/Catalogue_van_den_Bergh
[10]http://fr.wikipedia.org/wiki/Nébuleuse_protoplanétaire
[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Infrared_Astronomical_Satellite
Conception : Christophe Mercier ; Rédaction : Michel Vampouille
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