L’image du mois d’avril 2014 : SN 2014J : nouvelle supernova dans M82

Actualité oblige : voici une image de la nouvelle supernova qui est apparue récemment dans la galaxie du Cigare M 82. La supernova, c’est l’étoile jaune bien visible dans le côté droit de la galaxie.
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Cette image a été réalisée les 11 et 12 mars 2014 à Saint Léonard de Noblat par Jean Pierre Debet avec un télescope C9 équipé d’une caméra monochrome Atick 16HR et d’une roue à filtres. Le temps de pose global de 4H26 minutes résulte de la superposition de 25 poses de 3 min pour la luminance, 29 poses de 4 min. pour le filtre Hα, et 12 poses de 2,5 min pour chacune des trois couleurs Rouge/Vert/Bleu. Le traitement a été réalisé avec le logiciel Pixinsight selon le Process HARVB AIP.
C’est un petit groupe d’étudiants astronomes, Ben Cooke, Tom Wright, Matthew Wilde et Guy Pollack, et leur assistant-professeur Steve Fossey, de l’Observatoire de l’Université de Londres qui l’ont découverte par hasard le soir du 21 janvier 2014 avec un modeste télescope C 14 du collège lors d’une séance rapide d’introduction à l’imagerie CCD.
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette supernova, sa naissance, sa découverte, sa nature, sa brève vie future…, lisez la suite.

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Date de sa découverte dans le domaine des ondes visibles :
Comme le montre le photo-montage ci-dessus, on voit très bien la différence entre la galaxie avant l’apparition de la supernova (encadré en haut à gauche) et après (étoile dans un cercle rouge). Cette apparition signifie que l’étoile qui se trouve là est en train de mourir en explosant violemment.
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On sait maintenant que le point lumineux correspondant à cette explosion est passé inaperçu dans le domaine des ondes visibles pendant une semaine : en effet, on peut le voir sur des photos à partir du 14 janvier, date à laquelle, d’un point de vue terrestre, la supernova a été remarquée. Le 15 janvier, soit 6 jours avant qu’on la découvre, elle brillait déjà dix millions de fois plus que notre soleil, et le 21 janvier, jour de sa découverte, près de 1 milliard de fois plus.

Estimation de sa magnitude :
Bien que sa luminosité intrinsèque soit énorme, il n’est pas question de la voir à l’oeil nu ! Elle a été relevée avec une magnitude de 10,5 pendant la première semaine de février, et a continué avec une magnitude 12 jusqu’au 5 mars. Un télescope ou une lunette sont donc indispensables pour l’observer. Pour estimer sa magnitude apparente, nous avons appliqué les scripts “ImageSolver” et “AnnotateImage” de Pixinsight à la photo présentée (voir à ce sujet l’article précédent : caractérisation des objets contenus dans une photographie de ciel nocturne). Les résultats sont affichés sur le cliché ci-dessous. Cliquer dessus pour passer en résolution supérieure.

SN2014Jannoteehr Le champ est orienté (nord dans la direction des lignes jaunes presque verticales) et toutes les étoiles qu’il contient sont repérées et évaluées. Sauf SN 2014J, bien sûr, puisqu’elle n’est encore listée dans aucun catalogue. On peut constater que la luminosité de la supernova se situe entre l’étoile la plus brillante (en dessous à droite) de magnitude = 9,041, et celle à gauche sur une même horizontale de magnitude 11.182. La magnitude de SN 2014J peut donc être estimée autour de 10,5 sur ce cliché. Sa luminosité va décroître au fil des jours, mais il devrait encore être possible de la photographier durant quelques semaines.

Date de sa naissance :

La date du 15 janvier 2014 de la découverte de SN 2014J dans le domaine des ondes visibles ne veut pas dire qu’elle a explosé ce jour-là… Pour en savoir plus, il faut reprendre les publications d’observations antérieures dans les autres domaines de rayonnement : ultra-violet, rayons X, infra-rouge proche et lointain, et aussi les ondes radio…
C’est ainsi qu’Andreas Brunthaler et son équipe du MaxPlanck Institut für Radioastronomie en Allemagne, en fouillant dans les archives d’observations du réseau d’antennes radio de 25m du Very Large Array (VLA) au Nouveau-Mexique, trouvent l’enregistrement, au début de l’année 2008, d’une soudaine et puissante émission radio en provenance de M82. Jusqu’à mai 2008, cette dernière éclipsera complètement l’émission radio de la galaxie elle-même. Probablement, l’émission d’une supernova !
Pour appuyer leur hypothèse, ils examinèrent les observations réalisées en rayonnement X et ultra-violet durant la même époque, mais aucune trace d’un tel évènement de cette importance ne leur apparut…
Poursuivant leurs investigations avec le VLBI, un réseau interférométrique étendu sur toute notre planète, ils mirent en évidence une structure radio en expansion à 4% de la vitesse de la lumière, tout proche du centre de M82 et typique d’une explosion d’étoile massive en supernova.
Grâce à cette observation précise, la date de l’événement a pu être établie à fin janvier/début février 2008. La formidable quantité de poussières qui s’est accumulée dans cette région de la galaxie M82 au lendemain de l’explosion a bloqué toute la lumière “visible” depuis les rayons X jusqu’à l’infra-rouge, mais pas les ondes radio. C’est cet écran opaque aux rayonnements “lumineux” qui a empêché amateurs et professionnels d’assister “en direct” à un fabuleux spectacle.
Détail important : l’instant réel de l’explosion doit être retardé du temps que met la lumière pour parcourir l’énorme distance séparant la galaxie M82 de la nôtre, soit 11,5 millions d’années environ. Sur Terre, nous assistons donc à un évènement-spectacle qui s’est produit il y a quelques 11,5 millions d’années…

Nature de SN2014 J :
Depuis sa découverte, de nombreux télescopes sont braqués sur elle pour l’analyser complètement avec sa disparition. L’observation de son spectre a révélé qu’elle était une supernova du type Ia : absence d’hydrogène et présence de silicium, et le décalage Doppler de ses raies indique que ses débris continuent de s’éloigner d’elle à une vitesse de 20 000 km/s, soit près de 10% de la vitesse de la lumière !
Les supernovas de type Ia résultent de l’explosion totale d’une naine blanche (étoile très dense dont la masse, comparable à celle du Soleil, est contenue dans un volume égal à celui de la Terre) selon deux scénarios différents :
Dans le premier, une naine blanche attire à elle une étoile normale, la fait orbiter et lui arrache des fragments de matière tout au long de sa course. Sa taille augmente inexorablement jusqu’à l’explosion !
Dans le second, l’explosion a lieu quand deux naines blanches en système binaire à cause de la gravité, tournent l’une autour de l’autre jusqu’à leur collision.
Dans ces deux cas, l’explosion génère une “coquille” surchauffée de plasma qui s’éloigne dans l’espace à plusieurs milliers de km/h. Les éléments radioactifs formés pendant l’explosion maintiennent la coquille chaude pendant son expansion. La relation entre la taille de la coquille, sa transparence et sa chaleur radioactive détermine le moment de sa plus grande magnitude.

Observation de supernovas célèbres :
L’observation en direct d’une telle explosion cataclysmique est un évènement rarissime à l’échelle de notre vie humaine et de notre cosmos local : il y a en effet très peu de supernovas dans notre galaxie.

Depuis l’invention de l’écriture, plusieurs ont été visibles à l’œil nu, et le témoignage de leur observation est parvenu jusqu’à nous :
– SN 1006 : supernova mentionnée dans des textes européens, chinois, japonais, égyptiens et irakiens. Observée en plein jour à l’œil nu dans la constellation du Loup durant une année, ce fut sans doute la plus brillante supernova jamais observée. Sa magnitude est estimée entre -7 et -9, c’est-à-dire capable de produire des ombres d’objets terrestres !
– SN 1054 : observée par des astronomes chinois et arabes durant 2 années dans la constellation du Taureau. Son rémanent, la Nébuleuse du Crabe, est une cible privilégiée des amateurs astronomes.
– SN 1181 : supernova moins connue dans la constellation de Cassiopée, observée durant 6 mois par les Chinois et les Japonais.
– SN 1572 : supernova dans Cassiopée, observée notamment par Tycho Brahe, dont le livre ″De Nova Stella″ sur le sujet nous donna le mot ″nova″.
– SN 1885A : première supernova de l’ère télescopique, observée dans la galaxie d’Andromède, et visible à l’œil nu.
– SN 1987A : supernova observée dans le Grand Nuage de Magellan. Ce fut la première occasion de confronter les théories modernes sur la formation des supernovas aux réalités des observations.

Observation actuelle de SN 2014J :
Il est encore temps aux amateurs d’observer SN 2014J avec une lunette ou un télescope et de la photographier.
Pour la trouver, rien de plus simple (voir encadré en haut et à droite de la photo 2). Il suffit de repérer la ″casserole″ de la Grande Ourse, de tracer la diagonale qui pointe vers le haut à l’opposé du manche et de reporter sa longueur dans la même direction, ou presque. La galaxie M82 se trouve à l’extrémité du segment.

Bonnes observations.

Webographie :
http://www.science-et-vie.com/2014/01/24/supernova/
http://www.journaldelascience.fr/espace/articles/etoile-explose-proximite-terre-3419
http://www.cieletespace.fr/evenement/3466_une-supernova-cachee-decouverte-dans-la-galaxie-m82
http://www.nasa.gov
http://www.skyandtelescope.com
http://fr.wikipedia.org/wiki/Supernova

Rédaction : Michel Vampouille, Fernanda Baudon

 

 

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