L’image du mois de juin 2014 : la planète Mars

mars1803seulehrEn mars/avril 2014, la planète Mars était en opposition avec la Terre (c’est-à-dire du même côté du Soleil que nous et à distance minimale), sa magnitude a atteint -1.4, sa distance 0.62 UA (93 millions de km) et son diamètre angulaire : 15,2 secondes d’arc (soit 120 fois plus petit que celui de la Pleine Lune). C’est ce moment très favorable que Christophe Mercier a choisi pour la photographier.
Les deux images présentées ont été réalisées au foyer d’un télescope Meade 10 pouces équipé d’une Barlow 2, d’un correcteur de dispersion chromatique, de bagues allonges et d’une caméra DBK 21AU618.AS
Cliquer sur la vignette pour comparer sa taille avec celle de la Terre : diamètre deux fois plus petit que celui de la Terre, masse 9 fois moindre : 2 grandeurs qui expliquent la faible pesanteur martienne (0,38 g), la ténuité des gaz et de l’atmosphère qui ont tendance à s’évader, et par voie de conséquence, la très réduite pression au sol : un centième de celle de la Terre.
La présence de la Barlow 2 et des bagues allonges permet d’obtenir une distance focale résultante de 9 360 mm, conduisant à un nombre d’ouverture F/D de 37 et un diamètre d’image de 0,690 mm (calculs explicités plus loin).
Le traitement numérique a été effectué au moyen des logiciels Autostakkert (sélection, registration, addition des meilleures images), IRIS (séparation des couches RVB, masque flou et ondelettes sur les couches R et V, recomposition RVB), Registax (équilibrage de l’histogramme) et Photoshop (cosmétique finale).
Enfin le repérage de la géographie martienne a été fait avec l’aide du site Internet  donné en référence [1].
Si vous souhaitez voir la 2ème image de Mars, en savoir plus sur la géographie et les caractéristiques de la planète, les contraintes de prises de vue, lisez la suite…

Première image de la planète Mars, 18 mars 2014 :

Géographie martienne 18 mars 2014 Christophe MercierCette première image (cliquer dessus pour l’observer en taille légèrement supérieure) a été enregistrée le 18 mars 2014, soit un mois avant le rapprochement maximum avec la Terre. Ce n’était donc pas encore le moment optimum, mais les conditions météo étaient correctes…

Les prochaines oppositions auront lieu en mai 2016, en janvier 2018 et en octobre 2020. Du fait de l’ellipticité de l’orbite de Mars (aphélie : 249 millions de km, périhélie : 207 millions de km) et de sa période de révolution autour du Soleil (687 jours) différente de celle de la Terre. les oppositions de 2018 et de 2020 seront plus favorables avec des distances respectives de 58 et 62 millions de km, conduisant à des diamètres angulaires de 24,3 et 22,6 secondes d’arc, soit 1,6 fois plus grands que cette année [2].

Le premier détail que l’on cherche à voir, c’est une des deux calottes glaciaires : ici, c’est la calotte nord qu’on distingue sans problème, appelée : Planum Boreum .

L’appellation des différentes régions mérite un petite explication [3] :
En 1840, Johann Heinrich Mädler et Wilhelm Beer, deux astronomes allemands compilèrent dix ans d’observation et tracèrent la première carte globale de Mars en désignant les différentes zones par les lettres de l’alphabet.
Au cours de la vingtaine d’années qui suivit, les observations s’améliorèrent et la surface de Mars fut divisée en deux grandes régions (notamment par l’astronome italien Giovanni Schiaparelli) à cause de leur albédo différent (albédo = réflectivité en astronomie, surtout en planétologie) :
– les plaines claires du Nord, souvent couvertes de poussière et de sable riche en oxydes de fer rouges. Elles furent assimilées à des continents et portent des noms latins comme Terra (terrains anciens très cratérisés d’altitude moyenne à élevée) ou Planitia (vaste étendue plane de faible altitude, grand bassin d’impact).
– les hauts plateaux sombres du Sud furent à l’inverse considérés comme des mers et leurs noms sont précédés de Mare.

Aujourd’hui, cette appellation a été quelque peu modifiée par l’Union Astronomique Internationale (UAI) :
– les larges zones à albédo plus ou moins constant ont conservé leurs noms latins anciens, lequel est parfois mis à jour pour refléter les nouvelles connaissances à leur sujet. Par exemple, Nix Olympica (« les neiges de l’Olympe » en latin) est devenu Olympus Mons.
– les grands cratères portent le nom de scientifiques et d’écrivains de science-fiction.
– les petits cratères, ceux de villes et villages terrestres.
Tout cela pour dire que parfois, on a un peu de mal à s’y retrouver…

Muni du lexique donné en référence [3], on peut maintenant se familiariser avec quelques détails intéressants et identifiables sur la photo présentée :
– Utopia Planitia dans l’hémisphère nord : c’est une vaste plaine, nommée ainsi en référence du glacier Utopia dans l’Antarctique, où la sonde Viking 2 s’est posée en 1976, révélant un sol plat et dur composé de  particules de poussières agglomérées, jonché de cailloux, et couvert parfois de givre [4].
– Hellas Planitia, qui n’est pas la calotte glaciaire de l’hémisphère sud, mais un bassin d’impact de 9 000 mètres de profondeur, peut-être contemporain de l’hypothétique “grand bombardement tardif” de Mars qui aurait eu lieu entre 4,1 et 3,8 milliards d’années avant le temps présent [5].
Arabia Terra : un haut et vaste plateau de terrains anciens cratérisés, identifiée en 2003 par les instruments de la sonde Mars Odyssey comme étant la plus riche en Hydrogène de toute la surface de Mars, d’où une forte présomption de présence d’eau dans les matériaux qui en composent le sol [6].
Syrtis Mayor : reconnaissable à sa forme et à sa teinte sombre contrastant fortement avec les terrains environnants lui vaut d’être appelé une “formation d’albédo “. Elle a donné son nom au plateau Syrtis Mayor Planum qui correspond à un ancien volcan bouclier : vaste volcan conique avec en son centre un cratère rempli de lave fluide (Olympus Mons, sur la planète Mars, de diamètre égal à la largeur de la France en son centre, haut de 22 km, est le plus grand volcan bouclier de tout le système solaire). La présence de roches basaltiques affleurant sous la poussière explique la teinte sombre de cette région [7-8].
Olympia Undae : le plus grand champ de dunes de sable (ou erg) sur Mars. Undea = eau en mouvement = vagues = ondulations, d’après l’UAI. En 2005, l’instrument OMEGA de la sonde Mars Express a détecté des concentrations élevées de gypse dans la partie orientale de l’Olympia Undae. La présence en surface de ce minerai pourrait prouver que cette région a été recouverte d’eau liquide salée par le passé…[9].
Nous laissons au lecteur intéressé le soin de poursuivre lui-même ses investigations sur les autres régions signalées.

Deuxième image de la planète Mars, 15 avril 2014 :

Géographie martienne 15 avril 2014 Christophe MercierCette seconde image  a été enregistrée le 15 avril 2014, au moment du rapprochement maximum avec la Terre : le diamètre a augmenté de 1,7 seconde et la magnitude de 0,4.
On remarque la planète a tourné de 50/60°. On retrouve donc certaines régions comme Planum Boreum, Utopia Planitia, Arabia Terra, Syrtis Mayor, Terra Sabae, etc…, en face, on identifie un cratère, et à l’est, on découvre de nouvelles zones :
– Acidalia Planitia : une énorme plaine de basse altitude succédant au haut plateau plus clair d’Arabia Terra [10].
– Schiaparelli : un vaste cratère d’impact de 471 km de diamètre qui traverse l’équateur martien [11] (et qui explique, vu sa position sur l’image, pourquoi on ne peut voir la calotte glaciaire australe).
– la zone d’atterrissage de la sonde Mars Pathfinder en juillet 1997. La sonde est constituée de deux parties distinctes : un lander (atterrisseur, relais pour les communications terrestres)) et un rover (petit véhicule pouvant se déplacer sur le sol) nommé Sojourner. Au moment du lancement, l’ensemble [lander-rover] pèse presque une tonne et prend l’aspect d’une pyramide tronquée à trois côtés. Cet ensemble a été lâché de 50 mètres de haut sur le sol de Mars. Protégé par 24 ballons gonflés, il a pris contact avec la surface à la vitesse de 90 km/h et a rebondi quinze à vingt fois avant de se stabiliser.
Durant les trois mois de son activité scientifique (soit 12 fois plus que la durée prévue qui était de 7 jours, arrêt par épuisement probable de la batterie), le rover a analysé chimiquement seize roches et sols différents, répartis sur environ et envoyés, via le lander, 550 photos répartis sur 250 mètres carrés.
Quant au lander, il a fourni 17 000 images et effectué 8,5 millions de mesures liées à la pression atmosphérique, à la température et à la vitesse des vents martiens.
Les données recueillies par Pathfinder ont renforcé l’idée que Mars a été autrefois plus chaude et humide, sous une atmosphère plus dense, et que l’eau a coulé à sa surface [12].
la zone d’atterrissage du robot Opportunity dans la région équatoriale en janvier 2004. Conçu pour analyser géologiquement le sol martien, le robot était programmé pour ne fonctionner que pendant 90 sols (1 sol = 1 jour solaire martien = 24H 40 minutes). Or, dix ans après son atterrissage, il est toujours opérationnel, ayant parcouru 39,38 km en 3655 sols le 6 mai 2014.
Le premier objectif d’Opportunity a consisté à rechercher une grande variété de roches et de sols avec des indices sur l’activité passée de l’eau et la caractérisation de leurs textures afin d’évaluer si les environnements rencontrés ont été propices à la vie.
Le second objectif est centré, grâce à l’étude de terrain, sur l’étalonnage et la validation des instruments d’observation des orbiteurs autour de Mars afin que leurs instruments fournissent davantage de précision et d’efficacité. Ainsi, les processus tels que l’eau, l’érosion éolienne, la sédimentation, les mécanismes hydrothermaux, le volcanisme et la formation des cratères ont été et sont encore aujourd’hui analysés très finement [13].
Contraintes techniques de la prise de vue :

Le petit diamètre angulaire de la planète implique d’ajuster tous les paramètres de prise de vue si on veut obtenir une image de taille raisonnable avec un maximum de détails.
La distance focale F de l’instrument : il faut qu’elle soit grande, d’où l’utilisation d’une télescope de longue focale nominale (2 500 mm) et d’une lentille de Barlow de facteur 2. Pour mesurer la focale effective, on se reportera à l’article du mois de janvier 2011 portant sur la mesure des angles avec un instrument d’observation.
L’idée consiste à dire que l’angle apparent (α = 15,2″) sous lequel on voit la planète à l’œil nu depuis la Terre se retrouve défini dans l’instrument par le diamètre de l’image (noté d) vu à la distance focale F de l’instrument , soit : α (radian) = d/F,
d’où on tire : F = d/alpha(radian).
Sur l’image, le diamètre d recouvre 123 pixels de taille 5,6 µm, donc d = 0,00069 m.
L’angle alpha vaut : 15,2×3,1416/(180x60x60) = 0,0000737 radian.
Ce qui conduit à F = 0,00069/0,0000737 = 9,36 m.
On notera que ces 9,36 mètres ont été obtenus en agissant sur la position du miroir primaire (voir article sur la variation de la focale d’un Schmidt-Cassegrain publié en novembre 2013) et l’ajout de bagues allonges.
Le nombre d’ouverture F/Diamètre utile du télescope (noté D) :
Il se calcule facilement : F/D = 9360/25 = 37,5.
Le diamètre (à mi-hauteur) de la tache d’Airy :
Il est approximativement donné par a = longueur d’onde moyenne x F/D.
En prenant une longueur d’onde moyenne de 0,5 µm, on trouve : a = 0,5 x 37,5 = 18,5 µm.
Ceci signifie que les détails sur l’image ne pourront pas être plus petits que cette valeur.
Le taux d’échantillonnage ou nombre de pixels contenus dans la tache d’Airy : 18,5/5,6 = 3 environ.
Cette valeur est considérée par la plupart des amateurs comme la limite supérieure (pour la planète Mars) à ne pas dépasser sous peine de sur-échantillonnage se traduisant par une perte d’informations dans les détails les plus fins (qui ici, s’étalent linéairement sur 3 pixels). Pour les planètes Jupiter et Saturne, cette limite tombe à 2.
Pourrait-on utiliser une lentille de Barlow de facteur 3 pour obtenir une image plus grande et autant de détails ?
La réponse est non. La distance focale augmenterait, mais avec elle, le nombre d’ouverture et le diamètre de la tache d’Airy. Celle-ci couvrirait alors un trop grand nombre de pixels sur le capteur.Le nombre réel d’échantillons (noté N) dans l’image = surface de l’image de la planète/surface d’un échantillon (tache d’Airy) :
Surface image planète = 3,1416x690x690/4 = 374000 µmcarré.
Surface d’un échantillon = 3,1416×18,5×18,5/4 = 85,6 µmcarré.
D’où N = 37400/85,6 = 437.
Conclusion de ces calculs : l’image de la planète contient 437 “points” significatifs.
La dispersion chromatique due à l’atmosphère : celle-ci se traduit par une décomposition de la lumière selon une ligne. On la corrige par effet inverse avec un accessoire (appelé correcteur de dispersion atmosphérique) constitué de deux prismes pouvant tourner l’un par rapport à l’autre.
Resterait à discuter :
du temps d’acquisition des images,
la planète tourne sur elle-même,
et de la turbulence atmosphérique qui oblige à prendre un millier de photos pour n’en conserver qu’une petite fraction, mais ceci sera pour une prochaine fois…Comme on peut le constater, la photographie planétaire nécessite une technique qui ne s’improvise pas. Cependant, il y a un grand nombre d’amateurs qui s’y risquent et qui, comme Christophe, obtiennent des résultats brillants …, alors pourquoi pas vous ? Bibliographie et webographie :
[1] http://karmalimbo.com/aro/reference.htm
[2] Frankel Charles Dernières nouvelles des planètes – Editions du Seuil 2009

[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ographie_de_la_plan%C3%A8te_Mars
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Utopia_Planitia
[5] http://fr.wikipedia.org/wiki/Hellas_Planitia
[6] http://fr.wikipedia.org/wiki/Arabia_Terra
[7] http://fr.wikipedia.org/wiki/Syrtis_Major
[8] http://fr.wikipedia.org/wiki/Volcan_bouclier
[9] http://en.wikipedia.org/wiki/Olympia_Undae
[10] http://en.wikipedia.org/wiki/Acidalia_Planitia
[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Schiaparelli_(crat%C3%A8re_martien)

[12] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mars_Pathfinder
[13] http://fr.wikipedia.org/wiki/Opportunity

Rédaction : Michel Vampouille  ; Relecture : Christophe Mercier

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