L’image du mois de juillet 2014 : la comète C/2012 K1 Panstarrs
Pour le mois de juillet, voici une image d’actualité : la comète C/2012 K1 Panstarrs. Celle-ci a été réalisée dans la nuit du 5 au 6 juin 2014 par Christian Jacquier avec un APN Canon EOS 500D placé au foyer d’une lunette 10X100. Elle résulte du cumul sous Iris d’un lot de 13 photos de 3 minutes traitées de manière que la comète apparaisse nette sur un fond d’étoiles fixes (voir explications plus loin).
Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
Cette façon de présenter ne correspond pas la réalité puisque la comète se déplace durant les 39 minutes de pose cumulées, mais l’esthétique de l’image s’en trouve améliorée. On distingue très bien sa queue de poussières, dirigée grosso modo dans le sens opposé à son déplacement, mais pas du tout sa queue de gaz ionique…
Découverte de la comète :
Cette comète a été découverte le 17 Mai 2012 par le télescope Panstarrs localisé au sommet du Haléakala, Hawaii, alors qu’elle venait de passer l’orbite de Jupiter en direction du Soleil. Panstarrs est l’acronyme de Panoramic Survey Telescope and Rapid Response System. Ce sont 4 télescopes qui ont pour mission de repérer les objets célestes croisant l’orbite terrestre et de détecter ceux susceptibles de nous percuter dans un avenir plus ou moins lointain (les géocroiseurs).
Origine de la comète :
C 2012 K1 Panstarrs provient du Nuage de Oort, nuage hypothétique son existence n’ayant pas encore été démontrée totalement. Elle est considérée comme une comète non périodique (ou à longue période, son orbite étant plus longue que 200 ans).
En 1950, l’astronome Jan Oort émit l’hypothèse de l’existence d’un réservoir sphérique de comètes situé aux confins du système solaire entre 30 000 et 100 000 UA et pouvant contenir des centaines de milliards d’objets. Suite à des instabilités gravitationnelles causées par le mouvement d’étoiles proches, certains corps contenus dans ce nuage seraient déviés et, de temps à autre, attirés par le Soleil en décrivant une trajectoire parabolique. Ces objets prennent alors le statut de comètes non périodiques ne traversant notre Système Solaire qu’une seule fois au cours de leur existence.
Le Nuage de Oort fait partie des deux ″réservoirs à comètes″ du Système Solaire, l’autre étant la Ceinture de Kuiper. Prédite par le scientifique anglo-hollandais Gérard Kuiper en 1951, la Ceinture de Kuiper est une région en forme d’anneau situé entre l’orbite de Neptune (30 UA du Soleil) et un cercle de 100 à 150 UA de rayon, contenant au moins 70 000 corps de plus de 100 km de diamètre.
D’autres comètes sont périodiques, telle la comète de Halley avec une période de 76 années, et passent régulièrement près du Soleil. A chaque passage, elles perdent une partie de leur masse et finissent donc par « s’éteindre », faute de matière à sublimer : leur espérance de vie est donc très courte en comparaison avec l’âge du système solaire.
Les comètes étant nées en même temps que celui-ci, on peut se demander pourquoi on voit encore aujourd’hui des comètes périodiques ?
Il arrive que certaines des comètes issues du nuage de Oort passent à proximité d’une planète lors de leur périple autour du Soleil. Leur trajectoire est alors modifiée et dans certains cas, celle-ci peut aboutir à une orbite elliptique fermée, et donc à une comète périodique. Ce mécanisme explique la présence des comètes périodiques à toutes les époques.
Localisation actuelle et observation :
C/2012 K1 Panstarrs a commencé cette année 2014 comme un objet de l’hémisphère nord et terminera en février/mars 2015 dans l’hémisphère sud.
Fin avril 2014, sa magnitude avait augmenté à 8.8, ce qui la rendait visible aux petits télescopes et aux jumelles à condition de savoir où la trouver.
Le 6 juin, la nuit de la photo, sa magnitude était estimée à 8 et elle était située entre la patte arrière de la Grande Ourse et le Petit Lion. L’étoile brillante en dessous à gauche est HIP 51 658, de magnitude 4,7.
Depuis la France, C/2012 K1 a été photographiable dans de bonnes conditions jusqu’au 22 juin. A cette date, elle a atteint son zénith pendant la journée et sa hauteur dans le ciel du soir n’était plus que de 14° au dessus de l’horizon (bras tendu, poing fermé, cette hauteur est à peine plus grande que la distance entre votre index et l’auriculaire). Elle reste néanmoins visible aux jumelles jusqu’au 5 juillet dans notre région.
Du 12 juillet au 6 septembre 2014, C/2012 K1 dessinera avec le Soleil un angle apparent (vu de la Terre) inférieur à 30 degrés.
Le 9 août, elle atteindra la conjonction solaire quand elle passera derrière le Soleil pour quelques heures.
Son passage au plus proche du Soleil aura lieu le 27 août.
Elle croisera l’équateur céleste le 15 août et deviendra alors un objet de l’hémisphère sud.
Elle devrait atteindre sa magnitude maximale de 6 aux alentours de mi-octobre, son angle apparent avec le Soleil sera d’environ 75 degrés. Les habitants de l’hémisphère sud pourront peut-être la voir à l’œil nu à ce moment-là…
Nous pourrons l’observer aussi sur Internet le 2 août, date à laquelle elle passera dans le champ de vision de la caméra LASCO C3 de SOHO, l’Observatoire Héliosphérique du Soleil.
Détermination de sa vitesse orthogonale :
Deux photographies, l’une prise à 23H 57min 21sec, et l’autre à 0H 41min 52sec vont nous permettre de déterminer la vitesse orthogonale (perpendiculaire à la direction de visée) de la comète dans la nuit du 5 au 6 juin 2014.
Ces 2 photographies prises à 2 671 secondes d’intervalle ont été superposées avec le logiciel Iris après avoir été recalées préalablement l’une par rapport à l’autre avec les étoiles comme référence. On obtient ainsi l’image ci-dessous avec les positions respectives de la comète aux instants de la 1ère photo : point A’, et de la 2ème : point B’.
Le calcul de la distance A’B’ sur l’image, associé à la distance Terre/comète donnée par un éphéméride, va nous permettre de déterminer la distance orthogonale que la comète a parcouru dans le ciel durant 2671 secondes. Il sera alors facile d’en déduire sa vitesse orthogonale.
Calcul de la distance A’B’ sur l’image :
A l’aide de la fonction PSF (Point Spread Function) d’Iris qui repère les coordonnées de l’intensité maximale d’un objet brillant (rectangle dessiné autour de A’, puis clic droit, puis fonction PSF), on relève les coordonnées en pixels des points A’ et B’ :
XA’ = 3632,75 YA’ = 1149,35
XB’ = 3581,15 YB’ = 1098,65.
Les composantes en pixels ΔXA’B’ et ΔYA’B’ du vecteur A’B’ représentant l’image du déplacement de la comète sur le capteur s’en déduisent facilement :
ΔXA’B’ = XB’ – XA’ = – 51,6 pixels, le signe – signifiant que le déplacement s’est produit dans le sens droite/gauche sur l’axe horizontal ;
= YB’ – YA’ = – 50,7 pixels, le signe – signifiant que le déplacement s’est produit dans le sens haut/bas sur l’axe vertical.
Sachant qu’un pixel sur le capteur mesure 4,68 µm, les composantes de A’B’ en µm valent :
A’B’x = – 51,6 X 4,68 = – 241,49 µm.
A’B’y = – 50,7 X 4,68 = – 237,28 µm.
Enfin, le théorème de Pythagore nous donne la longueur de A’B’ = 338,75 µm.
Calcul de la distance orthogonale AB parcourue dans le ciel par la comète
Ce calcul a déjà été décrit dans l’article du mois de janvier 2011 : comment mesurer des angles avec votre instrument d’observation. Nous allons le reprendre brièvement.
L’instrument (lunette ici) est assimilé à une lentille simple L, de centre optique O, de focale F = 1 m, dont le plan focal coïncide avec celui du capteur.
Le déplacement orthogonal de la comète est représenté par le segment AB. La distance OA Terre/comète étant supposée très grande devant la focale F, l’image de AB donnée par le télescope, notée A’B’, est située dans le plan focal de L.
Du centre optique O de la lentille, on voit le segment A’B’ sous l’angle très petit [A’OB’] qui, en radian, peut être approximé par : A’B’/F.
Cet angle se retrouve en [AOB], angle sous lequel depuis O on voit le déplacement AB de la comète, et qui vaut : AB/OA.
On a donc l’égalité : A’B’/F = AB/OA, d’où on tire : AB = A’B’.OA/F.
Les lecteurs qui ne sont pas familiers avec les angles en radian retrouveront facilement l’égalité ci-dessus en remarquant que les triangles AOB et A’OB’ sont homothétiques et que par conséquent, les rapports de leurs côtés homologues [AB/A’B’ et OA/F] sont égaux.
La distance Terre/Comète le 6 juin2014 au matin donnée par le site Internet :
http://neo.jpl.nasa.gov/orbits/
vaut OA = 1,687 UA, soit : 253,05.E6 km (E6 = exposant 6 = million).
Finalement, l’application numérique en km sur la distance AB parcourue par la comète aboutit à :
AB = 0,339.E-6 x 253,05.E6/1.E-3 = 85 783 km.
Calcul de la vitesse orthogonale de la comète le 6 juin 2014 à 0H 40 :
Celle-ci s’obtient par le rapport : déplacement AB/durée = 85 783/2 671 = 32,12 km/sec.
Notons qu’une erreur de 1 pixel sur chacune des composantes de A’B’ se traduit par une variation de 1 500 km sur le déplacement AB de la comète entraînant une erreur de 0,6 km/s sur la vitesse.
La précision de notre calcul est donc très sensible à la mesure du déplacement de la comète sur le capteur !
Cependant, au vu des informations données par le site : http://www.heavens-above.com/, cette vitesse semble plausible. Ce site donne une vitesse par rapport au Soleil de 32,4 km/s, ainsi que divers schémas montrant la position de la comète dans le système solaire à n’importe quelle date. Celui du 6 juin 2014 donné ci-contre, avec les positions respectives de la comète par rapport au Soleil et à la Terre, suggère bien la quasi-égalité des vitesses orthogonales de la comète par rapport à la Terre et au Soleil.
Traitement informatique pour obtenir la comète fixe sur un fond d’étoiles fixes :
Celui-ci a été effectué sous l’impulsion de Christophe Mercier lors d’un de nos ateliers mensuels d’astrophotographie.
Les 13 photos de 3 minutes ont d’abord été prétraitées au moyen du logiciel Iris avec offset, dark, flat et conversion couleur. Puis, nous avons fait 2 registrations différentes :
– la 1ère : sur la comète (celle-ci est toujours au même endroit alors que les étoiles bougent),
– la 2ème : sur le fond d’étoiles (ce dernier est fixe, alors que la comète se déplace).
Ensuite, on passe à l’addition séparée des 2 séries ci-dessus. Attention, ce n’est pas une addition arithmétique, mais une addition médiane qui a pour effet d’affaiblir, voire d’éliminer tous les éléments semblables qui n’occupent pas la même adresse .
– La 1ère donne une comète fixe et intense sur un fond d’étoiles filées mais très faibles.
– La 2ème fournit un fond d’étoiles fixes intense, avec une comète floue et très faible.
Nous continuons par une registration des 2 images ci dessus sur le fond d’étoiles.
Et nous terminons le traitement avec Iris par une addition, toujours médiane, des 2 images registrées.
La cosmétique finale du traitement est réalisée avec Photoshop.
Les Comètes de 2014 :
Deux autres comètes vont sans nul doute faire beaucoup parler d’elles cette année :
– 67P/Churyumov-Gerasimenko : la cible de la grande mission spatiale Rosetta. Le 10 août, la sonde Rosetta se mettra en orbite autour du noyau de cette comète, et le 11 novembre, l’atterrisseur Philae devrait se poser sur sa surface. L’enjeu ? Confirmer ou infirmer l’hypothèse que les comètes ont bien contribué à amener l’eau sur notre Terre. De bien belles découvertes en perspective, et une superbe aventure spatiale !
– C/2013 A1 Siding Spring : le 19 octobre, cette comète va frôler de très près la planète Mars. Le noyau de cette comète devrait passer à environ 150 000 km de la surface martienne. S’il est particulièrement actif à ce moment-là, Mars devrait essuyer une véritable tempête d’étoiles filantes : un danger potentiel pour les rovers à la surface ou les sondes en orbite. .. Affaire à suivre !
Webographie :
http://en.wikipedia.org/wiki/C/2012_K1
http://www.le-systeme-solaire.net/oort.html
http://www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/dico/d/univers-comete-2498/
http://www.universetoday.com/110272/get-set-for-comet-k1-panstarrs-a-guide-to-its-spring-appearance/#ixzz354RY72sj
http://in-the-sky.org/cometephem.php?obj=ck12k010#site
http://saplimoges.fr/l-image-du-mois/115-limage-du-mois-de-janvier-2011-comment-mesurer-des-angles-avec-votre-instrument-d-observation-astronomique
http://neo.jpl.nasa.gov/orbits/
http://www.heavens-above.com/
http://www.cieletespace.fr/node/8636
http://saplimoges.fr/l-image-du-mois/194-l-image-du-mois-d-avril-2013-la-comete-c2011-l4-panstarrs
http://www.cidehom.com/astronomie.php?_a_id=604
Réalisation technique : Christian Jacquier, Christophe Mercier.
Rédaction : Christian Jacquier, Fernanda Baudon, Michel Vampouille.
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