Une seconde pas comme les autres

Vous ne le savez peut-être pas encore, mais la journée du 30 juin 2012 durera 86 401 secondes au lieu des 86 400 habituelles. Ce 30 juin, juste une seconde après l’instant 23H 59min 60sec, on passera au 1 juillet à 00H 00min 00sec, c’est-à-dire, si on y regarde bien, à la même heure qu’une seconde auparavant !
montres

Pourquoi devra-t-on ajouter manuellement 1 seconde à notre montre cette nuit-là ?
Pour répondre à cette question, il faut expliquer les différentes façons de mesurer le temps qui passe.

La plus ancienne, c’est le Temps Universel (noté TU ou UT en anglais) qui est basé sur l’orientation de la Terre par rapport aux étoiles et donc à notre Soleil (l’adjectif ”universel” signifiant ici: lié à l’Univers). Dans ce système surveillé en permanence par le Service International de la Rotation Terrestre et Systèmes de Référence situé à l’Observatoire de Paris, on définit un ”jour solaire” comme l’intervalle de temps entre deux instants où, d’un point sur Terre, le Soleil (ou une autre étoile) repasse dans le ciel au même méridien du point d’observation. C’est donc une fraction de ce qu’on appelle ”l’année tropique”.

Le problème délicat, c’est que de nombreux facteurs plus ou moins périodiques influencent la rotation de la Terre, et que du coup, la durée d’un jour solaire n’est pas constante. Le facteur dominant, et le plus gênant à long terme, provient du ralentissement de la vitesse de rotation de la terre dû à la dissipation de son énergie cinétique de rotation dans les mouvements de marées causés par l’attraction conjointe de la Lune et du Soleil.
A ce ralentissement, s’en ajoutent d’autres minimes qui ont des causes géophysiques. Tel le balourd du noyau terrestre ou le frottement de l’atmosphère qui, bien que peu épaisse, produit par un effet de levier des différences saisonnières de l’ordre de 2 ms, la Terre tournant ainsi plus vite en février qu’en août.
La Terre ralentissant, la durée d’un jour solaire s’accroît, et la définition d’une échelle de temps stable et invariable (en heures, minutes, secondes) devient impossible.

Pour remédier à cet inconvénient, le Temps Atomique International (ou TAI) a été inventé. Il constitue une échelle de temps basée cette fois sur une définition de la seconde complètement indépendante de la rotation de la Terre.
Depuis 1967, la durée de la seconde, contrôlée par le Bureau International des Poids et Mesures (situé au Pavillon de Breteuil à Sèvres) est définie à partir de la moyenne de la mesure donnée par 340 « horloges atomiques » réparties dans le monde entier (d’où l’adjectif international). Chaque pays fournit donc à partir des horloges de son territoire sa propre moyenne de temps, comme par exemple le Temps Astronomique Français (TAF) pour la France.

C’est donc un phénomène physico-chimique lié à l’aventure d’un atome particulier (le Césium 133 en l’occurrence) qui définit la seconde, d’où la terminologie : temps atomique !

Bien sûr, la durée de cette seconde est la même en chaque point de la Terre. Et nos montres mesurent en fait le nombre de secondes « atomiques » qui se sont écoulées depuis un instant initial choisi par l’utilisateur.
Avec cette échelle, le « jour moyen solaire » du Temps Universel de l’année 1958, choisie arbitrairement comme référence où TU = TAI, dure exactement 24 heures ou 24 x 60 x 60 = 86 400 secondes !

Oui mais voilà, nous venons de voir que la durée du jour moyen solaire augmente inexorablement alors que celle du jour TAI est fixe ! Si on ne fait rien, vers les années 2600, l’instant du midi solaire (soleil le plus haut dans le ciel) se produira à 13H au lieu de 12 ! Vers les années 7200, midi solaire aura lieu à minuit ! C’est inacceptable !

La solution, retenue et préconisée par les astronomes qui notent leurs observations et font leurs calculs en TU, consiste à apporter une correction au TAI en lui ajoutant une seconde supplémentaire dès que le décalage entre TU et TAI devient supérieur à cette durée, l’ajout de cette seconde, nommée additive ou intercalaire, se faisant le 30 juin et/ou le 31 décembre à minuit. Ces jours-là comporteront donc 86 401 secondes au lieu de 86 400.

C’est ce qui se produira le 30 juin 2012 ! Depuis 1958, date choisie comme référence, ce sera la 35ème seconde intercalaire que le Service International ad’hoc…. ajoutera au calendrier.

Il s’avère à l’usage que l’ajout de ces secondes intercalaires pose autant de problèmes qu’elle en résout, notamment dans certains systèmes informatiques, tels que GPS, Galiléo…, qui n’ont pas été tous conçus pour intégrer cette modification. Ceci nous rappelle le passage à l’an 2000 sur des systèmes conçus par des informaticiens non capables d’anticiper les cas particuliers et dont la culture scientifique semble être limitée à leur seul domaine.

Le maintien ou la suppression des secondes intercalaires est à l’ordre du jour dans les commissions internationales. Lors de la dernière réunion de 2012, les arguments du Royaume Uni, principal défenseur du maintien (et de l’heure GMT), et de l’Allemagne (effrayée par le coût de la suppression) ont fait repousser la décision à la prochaine concertation de 2015.

En conclusion, profitez bien de la seconde additionnelle de juin 2012, ce sera peut-être la dernière !

Note : pour être complet, on définit aussi : le Temps Universel Coordonné (ou UTC) comme temps UTC = temps TAI – nombre de secondes additionnées depuis 1958. Cette échelle de temps a la même stabilité que le TAI.
Malgré sa dénomination ressemblante, il ne faut pas confondre UTC avec TU. L’avantage de UTC par rapport à TAI, c’est qu’on se débarrasse artificiellement des secondes additionnelles déjà ajoutées et qu’ainsi l’écart entre UTC et UT est toujours inférieur à 0,9 seconde.

Sources :
Cassette de la conférence de Denis Savoie (Collection SAPLimoges 1993).

Webographie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Seconde_intercalaire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_universel
https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_atomique_international
https://fr.wikipedia.org/wiki/Temps_universel_coordonn%C3%A9

Rédacteurs : Michel Vampouille, Francis Petit-Coulaud.