L’image du mois de Décembre 2023 : North America ou NGC 7000 en Vision Assistée

Pour le mois de décembre 2023, nous restons dans le ciel profond avec une image de la nébuleuse en émission « North America » ou NGC 7000, obtenue en Vision Assistée, par le même auteur Pierre Drumel et avec le même matériel que pour les « Dentelles du Cygne » du mois de novembre 2023.
Cliquer sur l’image pour l’observer en plein format.Seule différence : le nombre de vues additionnées en temps réel par le logiciel est de 12 au lieu de 22, ce qui porte le temps d’exposition globale à 12 X 0,5 = 6 minutes seulement.
Même traitement + DPP (Digital Photo Professional) pour éliminer un léger résidu de bruit de chrominance. Une comparaison, faite avec une autre image de cette même nébuleuse publiée en novembre 2016, montre les progrès accomplis sur les capteurs et les méthodes d’enregistrement.

Cette nébuleuse se présente sous une forme remarquable qui ressemble à celle du continent de l’Amérique du Nord, avec ses côtes est et ouest et le golfe du Mexique bien dessinés. La région qui évoque le Mexique et l’Amérique Centrale est connue sous le nom de Mur du Cygne.
C’est dans cette région que l’on rencontre le plus fort taux de formation d’étoiles. On ne les voit pas toutes ici, parce que leur rayonnement visible enregistré par le capteur est arrêté par la zone sombre à l’ouest de NGC 7000 que constitue la nébuleuse obscure LDN 935 (catalogue Lynds Dark Nebula). Ces étoiles ne sont visibles qu’en rayonnement infrarouge, capable de traverser la bande de poussière interstellaire de la nébuleuse obscure. Ce qui fait que la dénomination « North America » ne se justifie vraiment qu’en lumière visible…
Encore plus à l’ouest de LDN 935, en dehors de la photo, on trouve la nébuleuse IC 5070 « du Pélican » qui est la continuation de NGC 7000. Ces deux nébuleuses sont en fait deux parties du même nuage interstellaire d’hydrogène ionisé (région HII), qui apparaît en rouge sous l’action de son illumination par une étoile excitatrice. Celle-ci n’est pas Deneb, trop éloignée, mais l’étoile HD 199579, beaucoup plus chaude et bleue contenue dans la nébuleuse.

Ainsi que le montre la carte du ciel Stellarium ci-dessous, NGC 7000 est une nébuleuse située à l’est de Deneb (Alpha Cygni), l’étoile la plus brillante de la constellation du Cygne. Dans le petit schéma carré, on distingue aussi IC 5070, séparée de NGC 7000 par la nébuleuse obscure LDN 935.

En 2020, le satellite astrométrique Gaia a mesuré la parallaxe de 395 étoiles de cette région. Ces mesures ont permis de déterminer une distance 2 600 AL pour les deux nébuleuses North America et Pélican. Il est très difficile de déterminer les distances des nébuleuses sombres, mais LDN 935 doit se trouver à environ 300 AL en avant de North America.

NGC 7000 est l’une des plus vastes nébuleuses du ciel boréal : elle représente dans le ciel une surface équivalente à plus de quatre Pleines Lunes. Cependant, peu d’observateurs parviennent à la distinguer à l’œil nu, car sa faible luminosité de surface nécessite un excellent ciel bien transparent et dépourvu de pollution lumineuse. Le recours à des jumelles et/ou à des filtres UHC permet d’augmenter le contraste et de la discerner plus facilement.
En revanche, pour le photographe, NGC 7000 offre une grande variété de couleurs et un foisonnement de détails et de structures de natures très différentes ; zones d’émission, d’absorption, bandes de poussières…
Comme on peut le voir sur l’image présentée, les contrastes entre zones fortement ionisées et les zones opaques sont très prononcés. L’utilisation de filtres à bandes spectrales SHO renforcerait encore cette impression.

La nébuleuse NGC 7000 fut découverte en . Son fils, John Herschel, l’a inscrite en au General Catalogue of Nebulae and Clusters sous la désignation GC 4621. Enfin, c’est John Dreyert qui la notera en 1885 dans son « New General Catalogue » sous sa désignation définitive NGC 7000, en la décrivant comme une faible nébulosité diffuse, extrêmement large.
Quant à son appellation populaire, c’est Max Wolf, un astronome allemand pionnier de l’astrophotographie qui, en 1890 la surnomma « North America » en raison de sa forme évoquant les contours de l’Amérique du Nord.

Webographie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_de_l%27Am%C3%A9rique_du_Nord
https://millenniumphoton.com/portfolios/ngc7000-nebuleuse-america/
https://millenniumphoton.com/portfolios/ic5070-nebuleuse-du-pelican/




L’image du mois de juillet 2021 : IC 1396 en vraies et fausses couleurs

Pour le mois de juillet 2021, mois de vacances déconfinées sans couvre-feu, Fernanda et moi ne résistons pas au plaisir de vous présenter à nouveau la nébuleuse de la Trompe de l’Éléphant (ou IC 1396), mais cette fois en vraies et fausses couleurs.
Les trois photos qui suivent ont toutes été réalisées par Julien Denis dans les mêmes conditions et avec le même matériel que le mois dernier, mais cette fois, il a pris soin d’enregistrer la même vue de la nébuleuse à travers divers filtres colorés.

La première image, de type LRVB résulte de l’association de 4 enregistrements :
Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
Un de 18 X 10 minutes (3 H), à travers un filtre Halpha qui ne laisse passer que le rayonnement lumineux contenu dans une bande spectrale étroite autour de 656 nm de longueur d’onde. Ce filtre est utilisé pour différencier les nuages d’hydrogène ionisé contenus dans la nébuleuse qui ressortent plus contrastés sur un fond de ciel assombri. Cet enregistrement joue le rôle de la couche « luminance ».
Les trois suivants, de 6 X 2 Minutes, sont réalisés successivement à travers des filtres colorés : Rouge, Vert et Bleu. L’association de ces trois couches colorées avec la couche luminance précédente reconstitue l’image photographiée en vraies couleurs. Elle correspond à un temps d’exposition de 3H36 minutes.
La dominante rouge révèle la prépondérance des nuages d’hydrogène ionisé dans IC 1396. Seules les étoiles prennent des couleurs autres que le rouge.
Répartis dans tout le volume de la nébuleuse, on voit distinctement des nuages sombres dessinant des formes filamenteuses dont la plupart ressemblent à des « piliers ». Ce sont des poches de poussières et de gaz froid relativement dense, principalement de l’hydrogène sous forme moléculaire (H2), opaques à la lumière visible en provenance de la nébuleuse qui se trouve derrière. Ces nuages, dénommés « nébuleuses obscures » (par absorption), sont répertoriés avec le sigle « BXXX » dans le catalogue « Barnard » des 349 objets sombres dans le ciel. ». Plusieurs millions de fois plus massifs que notre Soleil, ils contiennent le matériau brut à partir duquel vont se former les étoiles et les proto-étoiles, que nous ne pouvons observer que dans les domaines infrarouge et micro-ondes, insensibles aux poussières et aux gaz froids.
La plus spectaculaire et la plus connue, compte tenu de sa forme, est la Nébuleuse de la Trompe d’Éléphant » ou IC 1396A, située  à la verticale de l’étoile la plus brillante au centre en haut de l’image. D’une longueur de 20 années-lumière, elle est du même type que la célèbre « Tête de Cheval » dans Orion. Grâce à l’imagerie infrarouge, on sait qu’elle contient de nombreuses étoiles très jeunes de moins de 100 000 ans.
Le traitement numérique des ces 4 images a été effectué avec les logiciels Siril et Gimp.

La deuxième image, de type SHO, provient de l’assemblage de 3 enregistrements pris à travers 3 filtres interférentiels à bande spectrale étroite centrés sur les longueurs d’ondes suivantes :
– 501 nm (vert) pour le Soufre ionisé, noté S, temps de pose : 28 X 10 minutes = 4H 40 minutes,
– 656 nm (rouge foncé) pour l’Hydrogène ionisé, noté H, temps de pose : 12 X 10 minutes = 2 H,
– 670 nm (rouge encore plus foncé, presque invisible à l’œil) ) pour l’Oxygène ionisé, noté O, temps de pose : 12 X 10 minutes = 2 H,
soit un temps de pose cumulé de 8H 40 minutes.
La ré-assemblage numérique de ces trois couches peut se faire de multiples façons, puisqu’il s’agit d’attribuer les trois couleurs fondamentales : Rouge, Vert, Bleu, à chacune des trois couches, ou à une combinaison savante de fractions d’entre elles.

Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
L’image présentée ici a été réalisée avec la « palette Hubble » qui a été développée par la NASA afin de différencier au mieux la nature des gaz présents dans les nébuleuses. C’est la palette la plus employée. Elle est réalisée avec les attributions suivantes :
Le soufre (S) est représenté en rouge (R).
L’hydrogène (H) est représenté en vert (V).
L’oxygène (O) est représenté en bleu (B).
L’image obtenue est alors dite en « fausses couleurs » car l’Hydrogène excité émet majoritairement du rouge, et non du vert, ainsi que l’Oxygène excité émettant du vert et non du bleu. Le résultat de cette inversion de couleurs débouche sur une image multicolore, souvent dotée de couleurs cuivrées caractéristiques des photos Hubble.
Le traitement numérique a été effectué par Julien avec les logiciels Siril et Gimp.
Cette image présente une dominante bleue, très esthétique, correspondant à une prépondérance de nuages d’Oxygène. Les teintes cuivrées apparaissent nettement dans la Trompe. Quant aux étoiles, elles sont nombreuses et majoritairement blanches ; quelques unes, les plus brillantes, tirent sur le violet. Les nuages opaques, bien dessinés, masquent la lumière des étoiles qui sont à l’arrière.

Enfin, la troisième image, toujours de type SHO, est une reprise par Jean Pierre Debet du traitement numérique de l’image SHO de Julien avec des process du logiciel Pixinsight et Photoshop.

Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.
L’image apparaît plus contrastée et plus saturée que la précédente, au prix d’une perte de brillance des étoiles les plus  faibles, aboutissant à une réduction de leur nombre. La couleur violette des étoiles les plus brillantes est disparue. La couleur cuivrée de la Trompe semble plus profonde et plus finement nuancée.  L’impression de relief 3D se perçoit mieux, grâce aux volutes opaques finement ciselées.

Les informations astronomiques sur cette nébuleuse ont déjà été publiées : ici, en septembre 2014 et là, en décembre 2016. Nous renvoyons le lecteur intéressé à ces deux articles




L’image du mois de Novembre 2020 : la Nébuleuse Trifide

Pour le mois de Novembre 2020, nous restons dans le ciel profond avec une photo de la Nébuleuse Trifide ou M20 enregistrée à Verneuil sur Vienne par Julien Denis en juillet 2020 avec un APN Canon EOS 60D non défiltré placé en aval d’une lunette Sky Watcher Esprit 100ED fixée sur une monture EQ6 R Pro autoguidée. Le temps d’acquisition est de 1H 48 à 800 ISO résultant du cumul de 36 poses de 3 minutes. Le  traitement numérique est effectué avec les logiciels Siril et Gimp.

Cliquer sur l »image pour l’observer en grand format.

Située dans la constellation du Sagittaire, en pleine Voie Lactée et dans la direction de notre centre galactique, la nébuleuse Trifide ou M20 est avec sa proche voisine,  la nébuleuse de la Lagune ou M8, l’une des cibles “star” des ciels d’été.

Découverte par Guillaume Le Gentil en 1750, classée numéro 20 dans son catalogue par Charles Messier en 1764, elle fut dénommée Trifide (trilobée) par John Herschel en 1786.
Située à 5 200 années-lumière, elle mesure une quarantaine d’années-lumière dans sa plus grande dimension, sa taille apparente étant comparable à celle de la pleine Lune, mais bien sûr beaucoup moins lumineuse : magnitude 6,3 la rendant invisible à l’œil nu.

Sur la photographie présentée, on distingue nettement les 3 zones différentes qui la composent :

La partie centrale de M20 est constituée par une nébuleuse en “émission” (zone rouge), c’est à dire un grand nuage de gaz, composé à 90% d’hydrogène, dont les atomes sont ionisés par le rayonnement des étoiles nouvellement créées en son sein, en particulier un système stellaire triple responsable presque à lui seul de la luminosité de la nébuleuse. Les régions HII  d’hydrogène ionisé une fois présentent une raie d’émission à 656 nm (raie H alpha), ce qui explique leur couleur rouge caractéristique.

M20 présente, en outre, une magnifique zone de nébuleuse par « réflexion », d’une couleur bleue fortement prononcée. Le mécanisme mis en œuvre ici est très différent des zones en émission : plus éloignés de l’étoile centrale au fort rayonnement, les atomes d’hydrogène du nuage de gaz de cette zone  reçoivent  un rayonnement trop peu énergétique pour être ionisés : la lumière incidente est alors simplement diffusée par réflexion.
L’angle de réflexion subie par la lumière incidente dépend de sa longueur d’onde et de la taille des molécules présentes au sein du nuage : comme les courtes longueurs d’onde (bleu) sont davantage diffusées que les grandes (rouge), le nuage se colore en bleu (de la même façon que le bleu du ciel sur la Terre).

Enfin, de nombreuses nébuleuses obscures par « absorption » sont visibles devant les nébulosités en émission. Ces zones sont si denses et si compactes que la lumière visible ne peut les traverser. Elles apparaissent donc en bandes noires sur un fond rouge. Ce sont ces bandes de poussière et de gaz compactes qui dessinent la forme caractéristique trilobée dans le cœur de la nébuleuse.

En observant ci-dessous la totalité de l’image enregistrée par l’APN, on peut situer M20 dans son contexte. On identifie sans difficulté l’amas ouvert M21 sur le bord supérieur gauche de la photo et l »étoile 4 Sgr à l’opposé.

L’amas ouvert M21 présente une concentration centrale en étoiles importante pour ce type d’objet, la distance entre les étoiles y avoisinant l’année-lumière. Une soixantaine d’étoiles appartiendraient à cet amas. Les étoiles les plus brillantes de magnitude apparente 8 sont de type spectral B0, donc très jeunes : l’âge de l’amas est donc estimé à moins de 5 millions d’années. La distance de l’amas varie du simple au double selon les estimations (de 2 000 à 4 000 années-lumière).
Avec une magnitude de 5,9, l’amas est à la limite de la visibilité à l’œil nu. Des jumelles suffisent donc à le repérer aisément.
Quant à 4 Sgr, c’est une étoile bleue de magnitude 4,7 et distante de 420 al.

 

Webographie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_Trifide
https://www.astropolis.fr/catalogue-Messier/articles/M20/astronomie-messier-M20.html
https://www.cidehom.com/apod.php?_date=171020
https://millenniumphoton.com/portfolios/m20-trifid-nebula/

https://fr.wikipedia.org/wiki/M21
https://fr.wikipedia.org/wiki/4_Sagittarii




L’image du mois de décembre 2016 : la Trompe de l’Éléphant

Pour la fin de l’année 2016, nous restons dans le ciel profond avec la Trompe de l’Eléphant, parfaitement reconnaissable à sa forme. C’est une nébuleuse obscure contenue dans la nébuleuse par émission IC 1396, elle-même immergée au cœur d’un jeune amas stellaire.
En astronomie, les nébuleuses sombres, les nébuleuses obscures ou encore nébuleuses d’absorption sont des régions où les poussières du milieu interstellaire semblent se concentrer en grands nuages opaques dans le domaine visible qui, de ce fait, apparaissent à nos yeux comme des régions pauvres en étoiles.
Alors qu’en réalité, c’est dans les régions internes de ces nébuleuses sombres que la formation des étoiles se produit.
Cette région du ciel a déjà été présentée en septembre 2014 par Christophe Mercier qui l’avait photographiée en fausses couleurs afin de favoriser une dominante bleue.
Ici, seule la région entourant la Trompe de l’Éléphant a été sélectionnée par Jean Pierre Debet. Elle a été réalisée au mois d’août 2016 sur plusieurs nuits en 10H 26 minutes de pose avec une lunette TMB de focale 520 mm, équipée d’une caméra SBIG 8300 et des 3 filtres SII, HII et OIII, dont les images recombinées permettent de présenter l’Hydrogène sous sa couleur rouge. Le traitement numérique a été conduit avec le logiciel Pixinsight.

ic1396-la-trompe-delephantRépartis dans tout le volume de la nébuleuse IC 1396, on distingue très bien ici les nombreux nuages sombres qui dessinent des formes souvent irrégulières, sans frontières bien définies, mais ressemblant parfois à des « piliers ». Ce sont des poches de poussières et de gaz froid relativement dense, principalement de l’hydrogène sous forme moléculaire (H2), opaques à la lumière visible en provenance de la nébuleuse qui se trouve derrière. Ces nuages denses possèdent un champ magnétique important les empêchant de s’effondrer sous l’effet de leur propre gravitation.

Nous ne pouvons les observer dans le domaine visible que si elles obscurcissent une partie d’une nébuleuse en émission (comme c’est le cas ici) ou en réflexion, ou bien si elles bloquent la lumière des étoiles qui se trouvent en arrière-plan.

Par contre, elles deviennent détectables directement dans les domaines infrarouge et micro-ondes à cause de leur température interne froide et de leur émission dans ces domaines de longueurs d’ondes. Leur rayonnement n’est pas absorbé par la poussière et peut donc traverser aisément les nuages sombres. Grâce à l’imagerie infrarouge, on sait que la Trompe de l’Éléphant contient de nombreuses étoiles très jeunes de moins de 100 000 ans, ce qui est très peu pour une étoile. D’une longueur de 20 années-lumière et plusieurs centaines de milliers de fois plus massive que le Soleil, elle contient le matériau brut à partir duquel vont se former les étoiles et les proto-étoiles.
Elle est du même type que la célèbre « Tête de Cheval » dans Orion.

D’autres informations sur la position et les caractéristiques de la nébuleuse IC 1396, ainsi que sur la Trompe de l’Éléphant ont déjà été publiées dans l’article de septembre 2014. Les lecteurs intéressés pourront s’y reporter s’ils le souhaitent.

Webographie
[1] http://saplimoges.fr/limage-du-mois-de-septembre-2014-ic-1396-amas-detoiles-plonge-dans-une-nebuleuse-a-emission/
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_obscure
[3] http://www.astropegase.com/emission+reflexion.htm

Rédaction : Michel Vampouille

 




L’image du mois de février 2016 : la Nébuleuse du Cocon

Plongée dans le ciel profond en février 2016 avec cette image qui contient pas moins de 3 objets célestes différents : tout d’abord, la Nébuleuse du Cocon, alias Sharpless-125 (Sh-125 en abrégé), une nébuleuse en émission de couleur rouge, ensuite, un amas ouvert de jeunes étoiles, IC 5146, enserré dans la nébuleuse et la faisant briller, et enfin, une fraction de la nébuleuse obscure Barnard 168, entourant la nébuleuse du Cocon et s’étirant très loin vers la droite dans la direction de 2 étoiles orangées bien reconnaissables.
Cliquer sur l’image pour l’observer en haute résolution.
Nébuleuse du CoconTout cet ensemble a été photographié durant les nuits des 19 et 23 juillet 2015 par Jean Pierre Debet à Saint Léonard de Noblat, avec un télescope C9 muni de son réducteur, et équipé d’une caméra SBIG STF 8300. Le temps de pose global est de 3H 04 minutes se décomposant ainsi : Hα : 1H30 en 16 poses Binning 1, Rouge : 30 minutes en 20 poses binning 2, Vert : 27 minutes en 18 poses binning 2, Bleu : 37 minutes en 25 poses binning 2. Le traitement numérique a été mené avec Pixinsight selon la procédure HαRVB.

Caractéristiques de la Nébuleuse du Coco[1] :
Cette belle nébuleuse couvre un champ angulaire d’une douzaine de minutes. Elle mesure près de 15 années-lumière de diamètre et se trouve à quelque 4 000 années-lumière de nous dans la constellation boréale du Cygne, en limite de la frontière avec celle du Lézard, comme le montre le schéma suivant réalisé avec Stellarium.
Limite du Cygne
Pour la trouver, il faut partir de Deneb, la queue de Cygne, et se diriger vers le milieu du le Lézard. La Nébuleuse est aux 2/3 du chemin. De magnitude 7.2, elle est surtout observable grâce à l’amas ouvert qu’elle contient. Comme d’autres régions de formation d’étoiles, elle brille principalement en rouge et bleu. Le rouge, car c’est la couleur caractéristique de l’émission de l’hydrogène moléculaire [2] excité par le rayonnement des jeunes et chaudes étoiles bleues de l’amas ouvert, et le bleu car la lumière de ces mêmes étoiles se réfléchit sur la poussière délimitant les bords d’un nuage moléculaire autrement invisible. C’est dans ce type de nuage que naissent les étoiles…

Caractéristiques de l’amas ouvert IC 5146
C’est lui qui permet de repérer la nébuleuse du Cocon. Il est composé d’une dizaine de jeunes étoiles dont la couleur bleue, bien reconnaissable sur la photo, révèle leur température élevée. La brillante étoile près du centre est probablement la plus jeune, ne dépassant pas quelque centaines de milliers d’années existence. Elle alimente la luminosité de la nébuleuse tandis qu’elle creuse une cavité – bien visible – dans le gaz et la poussière du nuage moléculaire [1].
A l’enregistrement, une longue pause avec le filtre Hα est nécessaire pour bien saisir tous les nuances sombres contenues dans la couleur rouge spécifique du nuage d’hydrogène moléculaire de la nébuleuse.

Caractéristiques de la nébuleuse obscure Barnard 168 :
Les nébuleuses obscures – par absorption – sont répertoriées dans le catalogue Barnard” des 349 objets sombres du ciel. Ici, sa présence se fait remarquer par l’absence d’étoiles dans la région entourant la nébuleuse et se prolongeant vers la droite selon une diagonale montante.  Les rares étoiles qu’on voit se trouvent devant la nébuleuse obscure.
Alors que IC 5146 est extrêmement difficile à percevoir,  B 168 est bien visible aux jumelles sous un ciel pur, tel un chenal sombre quasiment rectiligne en pleine Voie Lactée. Les dimensions de B 168, sans commune mesure avec celles de la nébuleuse du Cocon, demandent l’utilisation d’un instrument à grand champ pour capturer tout entier ce tentacule de poussière. Une focale de 500mm est alors un maximum avec un APN reflex numérique défiltré [3].
Il sera intéressant de choisir cette nébuleuse obscure comme prochaine cible pour bien montrer toute son étendue…

Webographie :
[1] http://www.cidehom.com//apod.php?_date=090305
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Nuage_mol%C3%A9culaire
[3] http://www.astrosurf.com/beaudoin/Cocoon.htm

Rédaction : Michel Vampouille

 

 

 

 

 

 

 

 




L’image du mois de septembre 2014 : IC 1396, amas d’étoiles plongé dans une nébuleuse à émission

En septembre 2014, nous restons dans le ciel profond avec cette image de IC 1396 (IC pour Index Catalogue), un amas ouvert d’une cinquantaine d’étoiles plongé dans un grand ensemble nébulaire, selon la base de données Simbad du Centre de données astronomiques de Strasbourg [1],  ou bien, selon Ciel des Hommes [2], une nébuleuse par émission immergée au coeur d’un jeune amas stellaire.
IC1396hrCliquer sur la vignette pour l’observer en haute résolution.
Cette image a été réalisée récemment par Christophe Mercier en milieu semi-urbain avec une lunette FSQ 85 EDX munie d’un réducteur 0,73 (focale résultante 330 mm) et équipée d’une caméra SBIG STF 8300 refroidie à -15°C.
Le temps de pose global de 7H 10 minutes se décompose ainsi : filtre Soufre ionisé SII (en bin2) : 15 poses de 5 min ; filtre Hydrogène ionisé Halpha (en bin1) : 27 poses de 10 min ; filtre Oxygène ionisé 2 fois 0III (en bin 2) : 17 poses de 5 min.
La recombinaison a été conduite selon la méthode SHO-AIP avec le logiciel Pixinsight. Elle s’apparente à la technique L-RVB, sauf qu’ici la Luminance (L) est constituée par l’image Hα, le Rouge (R), par l’image SII, le Vert (V) par une image composite résultant d’un mixage [SII + Hα + OIII], et le Bleu (B), par l’image OIII. On obtient ainsi une image en fausses couleurs à teinte dominante bleue, dans laquelle la couche L vient renforcer le contraste des nuages de poussières sombres.

Situation et caractéristiques de IC 1396 :

LocalisationIC1396annotée
La nébuleuse IC 1396 (aussi nommée Sh-132 dans le catalogue Sharpless des 313 régions HII (nébuleuses en émission), se situe dans la très riche constellation de Céphée, au bas des fondations du pignon de la maison.
Pour la repérer, on peut s’aider de « l’étoile Grenat » qui se trouve quasiment au milieu d’un segment joignant l’étoile centrale de IC 1396 au bas de la maison. « L’étoile Grenat », c’est μ Cephei, qu’on voit dans le coin droit de l’image réalisée par Christophe. On la nomme aussi « Erakis » ou encore « Herschel’s Garnet star », en hommage à Herschel, dont on dit qu’il terminait toujours ses séances d’observation par cette étoile.
Elle doit son nom à sa couleur rouge éblouissante facile à repérer. Située à 5 200 AL de notre Soleil, c’est une supergéante rouge, de type spectral M2, donc très froide, très volumineuse, avec un diamètre de 15 unités astronomiques, soit 1 420 diamètres solaires. A la place de notre Soleil, elle s’étendrait à mi-chemin des orbites de Jupiter et de Saturne [3].
Distant de 2 500 à 3 000 années-lumière de notre Soleil, le « relativement peu » brillant nuage de gaz ionisés composant IC 1396 s’étend sur une vaste région couvrant un champ angulaire de 3° de diamètre (correspondant à 30 années-lumière), soit 6 fois celui de la Pleine Lune [4]. Ceci explique l’emploi d’une lunette à courte distance focale pour le photographier en entier sans avoir recours à une mosaïque d’images.

Décryptage des objets contenus dans IC 1396 :
Pour cet exercice, nous appliquons les scripts « ImageSolver » et « AnnotateImage » de Pixinsight. Nous obtenons le résultat ci-dessous (cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure) :
IC1396ahrLe grand cercle blanc délimite la frontière du nuage de gaz constituant la nébuleuse. Celui-ci tangente l’étoile μ Cephei (l’étoile Grenat) dont on a déjà parlé plus haut.
Au centre du cercle, on trouve l’étoile HIP 106886 (ou HD 206267), de magnitude 5.7, distante de 1170 années-lumière. C’est une étoile massive de type O dont le rayonnement UV intense ionise les gaz de IC 1396 [5].

Parsemant la surface du cercle, une cinquantaine d’étoiles plus ou moins brillantes forment l’amas ouvert  IC 1396. Ce sont des géantes bleues (ici, blanches, on est en fausses couleurs) extrêmement brillantes qui, en émettant de grandes quantités de rayonnement ultra-violet, excitent le gaz hydrogène de la nébuleuse et lui confère une teinte rougeâtre (bleue, ici) propre à ce genre d’objet [6]. Ces étoiles, distantes de 2 500 à 3 000 années-lumière, sont immergées dans le nuage de gaz.

Répartis dans tout le volume de la nébuleuse, des nuages sombres dessinent des formes filamenteuses dont la plupart ressemblent à des « piliers ». Ce sont des poches de poussières et de gaz froid relativement dense, principalement de l’hydrogène sous forme moléculaire (H2), opaques à la lumière visible en provenance de la nébuleuse qui se trouve derrière. Ces nuages, dénommés « nébuleuses obscures » (par absorption), sont répertoriés avec le sigle « BXXX » dans le catalogue « Barnard » des 349 objets sombres dans le ciel. ». Plusieurs millions de fois plus massifs que le Soleil, ils contiennent le matériau brut à partir duquel vont se former les étoiles et les proto-étoiles, que nous ne pouvons observer que dans les domaines infrarouge et micro-ondes. Un champ magnétique important les empêche de s’effondrer sous l’effet de leur propre gravitation [7].
Ici, on en dénombre 7 : B160, B161, B162, B163, B365, B367 et la spectaculaire IC 1396A à la verticale de l’étoile centrale, plus connue,compte tenu de sa forme, sous le nom de « Nébuleuse de la Trompe d’Eléphant ».
D’une longueur de 20 années-lumière, la Trompe d’Eléphant est du même type que la célèbre « Tête de Cheval » dans Orion. Grâce à l’imagerie infrarouge, on sait qu’elle contient de nombreuses étoiles très jeunes de moins de 100 000 ans [8]. Les deux étoiles jeunes au début de la « Trompe » sont responsables de la petite nébuleuse par réflexion VdB 142 du « Catalogue Van der Berg » de 158 nébuleuses en réflexion [9] avec laquelle on la confond parfois.

IC1396protoetoilePour terminer cet inventaire, signalons une possible nébuleuse à 5h de l’étoile Mu Cep que l’on distingue nettement ci contre sur une fraction de l’image agrandie. Sous toutes réserves, il pourrait s’agir, vu sa position, de la nébuleuse proto-planétaire IRAS 21394+5844.

Ces objets célestes représentent la phase précédent le stade de nébuleuse planétaire. Durant cette étape, une géante rouge commence à rejeter ses différentes couches extérieures.

Le catalogue « IRAS », a été réalisé à la suite des observations faites par le télescope spatial infrarouge IRAS (Infrared Astronomical Satellite). Lancé le 25 janvier 1983, IRAS avait pour objectif de réaliser une cartographie complète du ciel dans les bandes infrarouges centrées sur les longueurs d’ondes 12, 25, 60 et 100 µm. Il a fonctionné 10 mois, limité dans sa durée de vie par la gourmande consommation en énergie du système de refroidissement des caméras [10-11].

Webographie
[1] http://simbad.u-strasbg.fr/simbad/sim-id?protocol=html&Ident=IC+1396&bibdisplay=none
[2] http://www.cidehom.com/apod.php?_date=130726
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Mu_Cephei
[4] http://www.astrosurf.com/ahp/accueil_astrophoto_cielprofond_nebuleuses_ic1396.htm
[5] http://en.wikipedia.org/wiki/HD_206267
[6] http://www.astronomiecharlevoix.org/#!ic-1396—n »
[7] http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_obscure
[8] http://www.astropegase.com/emission+reflexion.htm
[9] http://fr.wikipedia.org/wiki/Catalogue_van_den_Bergh
[10]http://fr.wikipedia.org/wiki/Nébuleuse_protoplanétaire
[11] http://fr.wikipedia.org/wiki/Infrared_Astronomical_Satellite

Conception : Christophe Mercier ; Rédaction : Michel Vampouille