L’image du mois de décembre 2012 : la Nébuleuse planétaire Dumbbell

Pour l’image du mois de décembre 2012, voici à nouveau la nébuleuse planétaire Dumbbell (ou Messier 27), cible toujours très appréciée des astronomes amateurs. En décembre 2011, nous l’avions publiée « en fausses couleurs », car Jean Pierre Debet, son auteur, l’avait capturée à travers les filtres Soufre, Hydrogène et Oxygène.
DumbbellhrrCette fois, Daniel Debord la propose « en vraies couleurs » après son enregistrement à Champnétery en août 2012 avec un APN NIKON D 300 fixé derrière une lunette TMB 115/800 autoguidée. L’image présentée résulte du cumul sous Iris de 20 poses de 5 minutes à 400 ISO, correspondant à un temps de pose global de 1H40. Le prétraitement (offsets, darks, flats, cumul), réalisé en commun lors d’une séance mensuelle de notre atelier « astrophotographie » animée par Christophe Mercier, a été suivi d’une retouche cosmétique sous Photoshop effectuée par Denis Lefranc.

Cette image est intéressante à plusieurs titres : esthétique, informative (on y reviendra), mais aussi démonstrative du résultat qu’un adhérent peut espérer atteindre avec son matériel d’observation et les conseils avisés des animateurs de l’association.
En effet, côté matériel, on peut résumer en disant qu’il est constitué par l’équipement de base de tout amateur qui souhaite se lancer dans la photographie du ciel profond, à savoir ici : une monture EQ6 non encore révisée, reconnue pour sa robustesse certes, mais aussi pour son suivi un peu chaotique, une lunette de qualitéTMB 115/800, équipée d’un triplet apochromatique ouvert à F/7, un autoguidage assuré par un petit télescope Maksutov (D = 90 mm) piloté avec le logiciel « PHD Guiding », permettant de réaliser des temps de pose unitaire de 5 minutes avec un suivi impeccable, et un capteur constitué par un appareil photo numérique Nikon D 300 placé en aval de la lunette.

Côté savoir-faire, que trouve-t-on ?
Une utilisation correcte de tout le matériel, y compris la mise en place de l’autoguidage, une bonne mise en station, une bonne mise au point, des temps de pose unitaires intéressants de 5 minutes avec un bon suivi, un temps de pose global « raisonnable » de 1H40, réalisable facilement en une soirée, la confection matérielle correcte des offsets, darks et flats, la maîtrise informatique du prétraitement des images brutes (fait ici avec le logiciel gratuit Iris), et enfin une certaine aisance dans le traitement cosmétique des images (Photoshop ici).
Pour acquérir ce savoir-faire, un moyen efficace consiste à fréquenter une association d’astronomie.
A la Saplimoges, toutes les techniques énoncées plus haut constituent l’essentiel des informations pratiques qui sont dispensées par nos animateurs au cours des séances collectives de prises de vues et de traitement numérique des images.

Cette image obtenue avec un APN non défiltré donne une idée assez juste, hormis les couleurs, de l’aspect de la nébuleuse observée au moyen d’un télescope de grand diamètre (300mm et plus). On remarque tout de suite la forme particulière de la partie lumineuse. C’est elle qui lui a valu le nom de Nébuleuse de l’Haltère (Dumbbell en anglais). On lui connaît également les surnoms de Trognon de Pomme, de Sablier (attention à la confusion avec d’autres objets !) voire de Diabolo.

Sa magnitude apparente de 7.4 empêche son observation à l’œil nu, mais à partir d’un télescope de diamètre 150 ou 200mm, on obtient facilement le brillant « trognon ». L’ouverture de ce type de télescope est encore trop faible pour espérer voir l’étoile centrale à l’oculaire. De magnitude apparente 13.5, celle-ci ne se dévoilera qu’en photographie ainsi que le montre très bien l’image présentée. A l’origine de la nébuleuse, cette étoile est une « naine blanche » de couleur bleue, de température très élevée (85 000°K), mais normale pour ce type d’étoiles.
Comment la nébuleuse peut-elle être plus brillante que son étoile, alors qu’elle n’émet pas sa propre lumière et que sa magnitude absolue de -0.5 dépasse même 100 fois celle de notre Soleil ! Comme toutes les nébuleuses, celle-ci absorbe les rayonnements à haute énergie non visibles (ultraviolet) du spectre électromagnétique émis par l’étoile, et redistribue ou réfléchit cette lumière dans la partie visible et infra-rouge du spectre, la révélant à nos yeux de terriens …

Sur l’image présentée, on commence à apercevoir la faible coloration rouge des deux hémisphères de l’haltère. En observation visuelle, nous ne l’avons jamais vue. Même dans un Dobson de 400mm et sous un bon ciel, l’image reste monochrome ! Grâce à la photographie qui bénéficie de temps de pose longs et de techniques propres à révéler les couleurs rouge et infrarouge, on peut observer tous les petits détails colorés avec des diamètres d’instruments bien inférieurs. A titre de comparaison, on pourra se reporter à l’image publiée en décembre 2011 prise en 8 heures par Jean Pierre Debet avec un télescope C9 de 235 mm de diamètre selon la technique dite « SHO ».

La nébuleuse Dumbbell est un objet remarquable de notre ciel profond. Sa partie lumineuse mesure à elle seule 6′ (minutes d’arc), alors que le halo, plus faible, atteint 15′, soit la moitié du diamètre lunaire ! Elle s’étend continuellement dans le ciel avec une vitesse d’expansion mesurée de 6,8 secondes d’arc par siècle, correspondant à une vitesse réelle de 27 km/sec. En admettant que celle-ci devait être plus rapide au début, on peut estimer que son âge se situe entre 4 000 et 5 000 ans (résultat que l’on trouve en prenant une vitesse moyenne d’expansion de 8 secondes d’arc par siècle, soit : 6 x 60 x 100 / 8).

La nébuleuse de l’Haltère est située dans la constellation du Petit Renard à environ 1 360 années-lumière. Découverte par Charles Messier le 12 juillet 1764, elle est la première nébuleuse planétaire observée de l’histoire de l’astronomie. A cette époque, Charles Messier compilait une liste  d’objets diffus à ne pas confondre avec des comètes. Elle porte le numéro 27 de son catalogue. Elle est aussi répertoriée dans le catalogue NGC sous le numéro 6853. C’est l’avenir réservé à notre Soleil quand la fusion nucléaire s’arrêtera dans son cœur.
D’ici là, bonne observation et bonnes photos.

Webographie :
http://www.astropolis.fr/catalogue-Messier/articles/M27/astronomie-messier-M27.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_de_l’Halt%C3%A8re

Rédacteurs : Denis Lefranc, Michel Vampouille.




L’image du mois de décembre 2011 : la Nébuleuse de l’Haltère ou Dumbbell

Pour ce mois de décembre 2011, incursion dans le ciel profond avec cette belle image « en fausses couleurs » de la Nébuleuse de l’Haltère (ou Dumbbell = haltère en anglais, ou Messier 27) réalisée conjointement par Jean Pierre Debet pour la prise de vue et Christophe Mercier pour le traitement numérique. Elle a été enregistrée en novembre 2011 à Saint Léonard de Noblat (87400) avec une caméra Atik 16 HR placée au foyer d’un télescope Célestron 9 autoguidé et muni d’un réducteur ramenant la distance focale à 1567 mm et l’ouverture à F/6,3.
Cliquer sur l’image pour l’obtenir en haute résolution.
M27hrTechnique de prise de vue et de traitement numérique :
La technique en fausses couleurs employée ici est dénommée  « technique SHO », pour les initiales du Soufre, de l’Hydrogène et de l’Oxygène.
Décrite pour la 1ère fois dans cette rubrique, elle mérite quelques explications : trois filtres particuliers sont utilisés pour réaliser trois séries d’images qui viendront remplir les couches des trois couleurs de base qui sont habituellement le rouge, le vert et le bleu. On dit que cette technique donne des images en fausses couleurs parce qu’ici, deux des filtres transmettent des bandes colorées dans l’infra-rouge non visible à l’œil nu…. Sur l’image finale, elles sont traduites par des couleurs visibles à l’œil choisies arbitrairement par l’opérateur.
– Une 1ère série d’images a été obtenue avec 10 poses de 10 minutes à travers un 1er filtre nommé « SII » (ou Soufre 2 pour Soufre ionisé 1 fois) qui laisse passer une bande colorée étroite de 13 nm centrée autour de la longueur d’onde de 672 mm (infra-rouge non visible à l’œil). Leur cumul conduit à l’image notée « SII » du montage photographique (cliquable) ci-dessous :
M27hr– Une 2ème série d’images est constituée de 13 poses de 10 minutes prises à travers un 2ème filtre appelé « Halpha » (raie alpha de la série de Balmer de l’Hydrogène) qui transmet une bande colorée étroite 13 nm autour de la longueur d’onde de 656 nm peu visible à l’œil. Cette série conduit à l’image notée « HA ».
– Quant à la 3ème, elle contient 15 poses de 10 minutes à travers un 3ème filtre appelé OIII (Oxygène 3 pour Oxygène ionisé 2 fois) transparent dans une bande de 8 nm autour de la longueur d’onde 501 nm correspondant au bleu-vert. Les 15 poses cumulées donnent l’image « OIII ».
Ces trois séries de photos conduisent à un temps de pose global de 380 minutes, soit 6 heures et 20 minutes (réparties sur 2 nuits).
Le traitement numérique de ces images réalisé par Christophe Mercier, fait appel au logiciel Iris pour l’empilement des 3 séries d’images selon la méthode « LRVB » (Luminance, Rouge, Vert, Bleu) , puis à Photoshop pour le rendu colorimétrique.

L’image finale n’a pas été obtenue par le traitement « SHO classique » avec les images Soufre (SII) pour la couche rouge, les images Hydrogène (Ha) pour la couche verte et les images Oxygène (OIII) pour la couche bleue. Cette combinaison donne une dominante verdâtre jugée peu esthétique par de nombreux amateurs. La combinaison choisie par Christophe est la suivante : couche rouge  = 50% Halpha + 50% SII ; couche verte = 75% OIII + 25% SII ; couche bleue = 85% OIII + 15% Halpha ; couche luminance = 100% Halpha. Elle donne une nébuleuse et des extensions caractérisées par une dominante bleue (image finale en bas à droite).

Caractéristiques physiques de Dumbbell :
Cette nébuleuse planétaire est la première à être découverte par l’astronome français Charles Messier le 12 juillet 1764. Son nom « Dumb-bell », mot anglais signifiant « haltère », lui a été donné en 1828 par l’astronome britannique John Herschel qui la comparait à « un boulet à deux têtes ». Il faudra attendre 1866 pour que la présence de gaz ionisé soit révélée par l’astronome britannique William Huggins au moyen d’un spectroscope.
Comme toute nébuleuse planétaire, M 27 est constituée d’un nuage de gaz entourant un noyau d’étoile : une « naine blanche » située en son centre. Elle résulte de l’expulsion de la matière des couches externes de l’étoile, à l’occasion de la mort de cette dernière. La température superficielle de l’étoile centrale atteint 85 000° K. Cette température est l’une des plus importantes connues à ce jour, mais reste normale pour une naine blanche.

Quand une petite étoile (moins de huit masses solaires) a fini de consommer tout son hydrogène, puis son hélium, son cœur s’effondre pour former une naine blanche, tandis que les couches externes sont expulsées sous forme de gaz par la pression de radiation.
Celles-ci forment alors un nuage de matière qui s’étend à grande vitesse et qui s’ionise sous l’action des photons ultraviolets émis par l’étoile centrale. Le nuage de gaz est très lumineux (sa magnitude apparente est ici de 7,4), car la grande quantité d’énergie apportée par les photons UV de la naine blanche (que l’on distingue nettement sur la photo en haute résolution malgré une magnitude apparente de 13,5) est réémise sous forme de rayonnements lumineux visibles et infrarouges.
Dans la plupart des nébuleuses, la majeure partie de cette lumière visible se situe dans le vert à la longueur d’onde 501 nm, celle qui correspond à la raie d’émission de l’Oxygène ionisé deux fois, et qu’on choisit justement comme longueur d’onde centrale de la bande transmission du filtre OIII. C’est aussi pour cette raison que les nébuleuses présentent souvent une dominante verte sur les photos « classiques » prises sans aucun filtre.

Comme on le constate, les nébuleuses planétaires n’ont en fait aucun rapport avec les planètes. L’adjectif « planétaire » a une origine purement historique. Observées en basse résolution, les nébuleuses sont apparues aux premiers astronomes comme des disques d’aspect « nébuleux » ressemblant quelque peu aux planètes. En raison de cette ressemblance, ils leur ont attribué ce qualificatif. Malgré son inexactitude, il est ensuite resté dans l’usage courant.

La nébuleuse Dumbbell est située à environ 1 200 années-lumière de nous dans la constellation du Petit Renard, constellation d’été entre le Cygne et la Flèche. Elle est facile à trouver quand on sait que son ascension droite (19h 59min 36 sec) coïncide avec celle de l’étoile rouge g de la pointe de la Flèche. Il suffit alors de pointer sur cette étoile et de remonter légèrement en déclinaison (+22° 43′ 16,1 ») pour voir apparaître la nébuleuse M 27 dans le champ de l’oculaire. Ses dimensions angulaires apparentes sont de 8 X 5 secondes d’arc.

Bonnes observations.

Webographie :
http://www.astropolis.fr/catalogue-Messier/articles/M27/astronomie-messier-M27.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_de_l%27Halt%C3%A8re