Puis-je photographier ces étoiles avec mon appareil sur un pied non motorisé ?
Pour obtenir des photographies d’étoiles aussi ponctuelles que possible malgré la rotation de la Terre, il faut utiliser un temps de pose optimal.
Pour les étoiles équatoriales, celui-ci est donné par la relation approchée :
T (en secondes) = 100/F(en mm)
où F est la distance focale en millimètres de l’instrument utilisé.
– Si vous souhaitez utiliser directement cette formule, lisez la suite.
– Si vous voulez savoir comment elle a été établie, reportez-vous aux paragraphes 2 à 4.
1) Utilisation de la formule : essais et corrections
Le temps de pose donné par la formule ci dessus constitue une bonne base à partir de laquelle on peut faire des essais sur le terrain. Comme il est calculé pour les étoiles équatoriales, il faut le multiplier par un facteur 1,5 environ pour les étoiles situées à 45° de la polaire, et passer à 2, voire 3 pour les circumpolaires.
Il se peut que la quantité de lumière ne soit pas suffisante pour impressionner le capteur et que quelques étoiles manquent sur la photo : il faut alors jouer sur le diaphragme (attention aux aberrations qui déforment les étoiles) et/ou augmenter la sensibilité de l’APN (attention au «bruit» qui se traduit par un fond granuleux).
Si ces actions ne suffisent pas, il faut recourir aux logiciels spécialisés de traitement d’images (Starmax, Iris, Prism…) qui permettent de cumuler plusieurs images tout en les recalant soigneusement les unes par rapport aux autres. Ceci est un autre sujet qui sort du cadre de cet article. L’aide d’un club ou d’une association est vivement conseillée pour acquérir la maîtrise de ces logiciels sans trop de difficultés.
2) Influence de la position des étoiles visées par rapport à l’étoile polaire
Dans le ciel, les étoiles sont fixes. Leur déplacement apparent provient en fait de la rotation de notre Terre autour de son axe passant par les pôles Nord et Sud.
Actuellement, le prolongement de cet axe passe très près de l’étoile « polaire » située à l’extrémité du bras la Petite Ourse. Quand on prend une photographie du ciel nocturne pendant plusieurs minutes avec l’appareil pointé vers le nord, on obtient non pas des points lumineux, mais de petits arcs de cercle presque centrés sur l’étoile polaire, ainsi que le montre l’image ci-dessous.
Les arcs de cercle représentent les déplacements des images des étoiles sur le capteur. Leurs longueurs augmentent d’autant plus qu’on s’éloigne de l’étoile polaire. Si on veut que les images des étoiles soient ponctuelles, il faut des temps de pose courts, plus courts pour les étoiles «équatoriales» que pour les étoiles «circumpolaires».
3) Influence de la distance focale de l’objectif
Tous les objectifs sont caractérisés par leur distance focale. D’un point de vue conceptuel, tout se passe comme si le capteur était placé précisément à cette distance des lentilles pour obtenir l’image nette d’un objet situé à l’infini. Pour les objectifs « grand angle », la distance focale est courte, 15 à 30 mm ; pour les téléobjectifs, elle est grande, supérieure à 100 mm. Tous les photographes savent bien que les téléobjectifs « rapprochent les objets, diminuent le champ de vision et amplifient les mouvements ».
Pour les étoiles, il en est de même. Le mouvement « ou filé » des étoiles sur la surface du capteur sera d’autant plus grand que la distance focale de l’objectif est grande. Il faudra donc des temps de pose plus courts avec un téléobjectif qu’avec un grand angle.
4) Détermination du temps de pose optimal
Calculons maintenant le temps de pose, noté T, pour obtenir une image ponctuelle sans filé, d’une étoile se trouvant au voisinage de l’équateur céleste. C’est le cas le plus défavorable, car elle décrit la plus grande trajectoire possible dans le ciel.
– vitesse angulaire apparente de l’étoile due à la rotation de la terre
Les étoiles font un tour complet de 360° autour de l’étoile polaire en un peu moins de 24 h. Ceci correspond à une rotation de 15° par heure, ou bien 15’ (minutes d’angle*) par minute de temps, ou encore 15’’ (secondes d’angle*) par seconde de temps. En 1 seconde à la montre, les étoiles « équatoriales » tournent donc par rapport à nous d’un angle de 15 secondes d’arc. Ce mouvement apparent se traduira par un trait (un filé) sur la photographie. Si la longueur de ce trait est trop petite pour être perçue à l’œil, on dira que l’image de l’étoile est ponctuelle, si le trait est visible, on dira que la photo présente un flou de filé.
– vitesse de déplacement du spot sur le capteur
La détermination de la longueur d du filé fait intervenir la distance focale (notée F) de l’objectif utilisé pour prendre la photo. Intuitivement, nous savons déjà que cette longueur d augmente avec f. Les lois des lentilles permettent de calculer la vitesse v du déplacement de l’image de l’étoile sur le capteur. Celle-ci, exprimée en millimètre par seconde, vaut environ : v = 0,000073 x F, avec F en millimètre [voir calcul en annexe].
Avec une distance focale F de 100 mm, le spot d’une étoile équatoriale sur le capteur parcourt une distance d = 7,3 micromètres (μm) en une seconde. Avec une focale de 1000 mm (lunette), il se déplace de d = 73 μm par seconde.
– critère d’obtention d’une image ponctuelle sans filé :
Le filé étant inévitable, quel critère prendre pour caractériser une image « ponctuelle » ?
Le plus rigoureux consiste à se référer à la dimension (notée a) du pixel du capteur. Celui-ci est généralement de forme carrée et sa dimension vaut 7 μm environ. Nous dirons que le flou de filé devient visible si, durant le temps de pose T, le déplacement d du spot de l’étoile sur le capteur dépasse la dimension a du pixel.
– calcul du temps de pose optimal
Avec ce critère très sévère, l’image d’une étoile sera perçue comme ponctuelle si d est plus petit que a. Dans ces conditions, le temps de pose sans filé se calcule avec la relation T = d/V en imposant d < a. A la limite, le temps de pose maximum vaut T = a/V.
Avec a = 0,007 mm et V(mm) = 0,000073 x F(mm), on aboutit à la relation approchée facile à mémoriser : T (en secondes) = 100/F(en mm)
Exemples : Si f = 50 mm (objectif standard), T = 2 secondes.
Si f = 1m (lunette), alors T = 0,1 seconde.
Cette relation s’applique aux étoiles équatoriales. Pour les autres étoiles, il faut tenir compte du coefficient multiplicateur donné au paragraphe 1.
Bonnes photographies du ciel nocturne avec votre pied photo non motorisé.
Annexe : calcul de la relation : v = 0,000073 x F
En 1 seconde, les étoiles « équatoriales » tournent par rapport à nous d’un angle α de 15″ ou de :
α = 15 X 3,1416/(180°x 60X60) = 0,73.10-4 radian.
Elles dessineront un filé sur le capteur dont la longueur en millimètre mesurera :
d = α.F, avec α en radian et F en millimètre,
soit d(mm) = 0,73.10-4.F(mm) = 0,000073.F(mm)
* 1 degré d’angle contient 60 minutes d’angle (notées ’) ou 3600 secondes d’angle (notées ’’).
Rédaction : Michel Vampouille
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