L’image du mois de mai 2015 : Protubérance solaire
Pour l’image du mois de mai 2015, voici la première photo du Soleil que Jean Pierre Debet et Daniel Debord ont prise le 21 avril dernier avec la Lunette Lunt H-alpha LS60 B1200 que notre association vient d’acquérir. Cette photo résulte de la compilation avec le logiciel gratuit “Autostakkert” des meilleures images enregistrées avec une caméra monochrome DMK 31 AU03 AS placée derrière la lunette.
Il nous reste encore beaucoup à apprendre, mais le résultat est prometteur..
On distingue très bien une protubérance, des filaments, des facules, une tache sombre, et la granulation. Cliquer sur la photo pour afficher les annotations.
Avant de passer en revue ces différents phénomènes, il peut s’avérer utile de décrire les différentes couches de l’atmosphère solaire.
L’atmosphère solaire :
– La photosphère est la première couche de l’atmosphère solaire. C’est partie “visible à l’œil nu” du Soleil. Elle émet dans tout le spectre des ondes électromagnétiques, depuis l’infra-rouge lointain jusqu’aux rayons X. C’est une zone d’environ 500 km d’épaisseur où la température décroît avec l’altitude de 5 800° K à 4 200° K. 99% de la lumière émise par le Soleil provient de la photosphère.
ATTENTION : ne regardez jamais le Soleil sans des moyens de protection adéquats pour les yeux.
Les structures les plus typiques de la photosphère sont les granules et les taches qui apparaissent sombres car plus froides que leur environnement. Ce sont des zones où des irrégularités de champ magnétique modifient la convection. Ces structures ont déjà fait l’objet de l’article du mois de mai 2014.
– La chromosphère s’étend de 500 à 2 000 km d’altitude. Visible comme un fin liseré rougeâtre autour du Soleil lors des éclipses totales de Soleil, la chromosphère peut aussi être observée au-dessus du disque solaire grâce à des filtres spectraux qui coupent l’intense lumière de la photosphère. Le filtre typique est centré sur la raie dite « Halpha » de l’Hydrogène (à 656,3 nm), mais on peut aussi choisir des filtres centrés autour des longueurs d’onde des raies du Calcium.
La particularité essentielle de cette couche de l’atmosphère du Soleil est que la température croît avec l’altitude, passant de 4 200° K à près de 10 000° K. Cette croissance de la température avec la distance au Soleil reste l’un des grands mystères de la physique solaire actuelle.
Tout comme dans la photosphère, le champ magnétique joue un rôle particulièrement important pour structurer et conditionner l’évolution à court terme de la chromosphère. Les structures caractéristiques sont : les plages, les fibrilles, les filaments/protubérances. Nous y reviendrons plus loin.
– La couronne est le nom que l’on donne à l’ensemble de l’atmosphère extérieure du Soleil qui s’étend jusque dans le milieu interplanétaire. C’est un milieu très peu dense. La température y atteint quelques millions de degrés Kelvin.
Dans la couronne, les lignes de champ magnétique, au lieu de se refermer sur le Soleil, s’ouvrent vers l’espace, favorisant ainsi l’émission rapide de particules dans le milieu interplanétaire. De ce fait, elle est souvent le siège de phénomènes violents comme les éruptions et les éjections de masse coronale.
A cause de sa très faible densité, la couronne solaire n’est observable en longueur d’onde visible qu’au cours d’une éclipse naturelle (disque solaire caché par la Lune), ou artificielle (disque solaire caché par un masque mis à l’intérieur du télescope). Dans ces cas-là, la couronne solaire devient visible car ses particules diffusent vers nous une très faible partie de la lumière émise par la photosphère [1].
Nous pouvons maintenant analyser les différentes structures observables sur la photo qui, rappelons-le, appartiennent toutes à la chromosphère.
Les protubérances :
C’est le phénomène principal qu’un astronome amateur cherche à distinguer les premières fois qu’il utilise une lunette solaire pour observer la chromosphère. La protubérance photographiée ici n’a duré que quelques minutes, mais elle est bien reconnaissable.
Une protubérance, c’est un jet de plasma dense, d’une température de l’ordre de 10 000° Kelvin (équivalente à celle de la chromosphère), lancé à grande vitesse dans la couronne solaire bien plus chaude (mais invisible à cause de sa très faible densité), et confiné par le champ magnétique coronal [2].
Le plasma, tout comme le solide, le liquide, ou le gaz, est un autre état de de la matière (on dit parfois le 4ème). Il n’est visible sur Terre qu’à très haute température, quand l’énergie est telle qu’elle réussit à arracher des électrons (chargés négativement) aux atomes. Ceux-ci deviennent des ions (chargés positivement). On observe alors une sorte de “soupe” d’électrons extrêmement actifs dans laquelle “baignent” des noyaux d’atomes. En présence d’un champ électromagnétique, les particules chargées du plasma donnent naissance à des comportements particuliers.
Le plasma est l’état le plus commun dans l’univers. On le trouve dans les étoiles, le milieu interstellaire, le vent solaire, et aussi l’ionosphère terrestre [3].
Le plasma des protubérances solaires est composé principalement d’Hydrogène et d’Hélium, avec en plus faible quantité, certains autres éléments plus lourds comme le Calcium ou le Sodium. Dans les domaines visible et infra-rouge, on observe les protubérances aux longueurs d’onde qui correspondent aux raies spectrales de l’Hydrogène (raie Hα = 656,28nm), de l’Hélium (raie D3 = 587,6 nm) et parfois du Calcium (raie K = 383,38 nm et raie H = 396,85 nm). La photo présentée ici a été réalisée avec un filtre qui sélectionne uniquement la lumière de la raie Hα. Sans lui, nous aurions été éblouis par l’intense lumière visible de la photosphère, et la protubérance serait restée invisible à nos yeux.
Si on admet que le diamètre du Soleil représente 110 fois celui de la Terre, on voit de suite que le volume occupé par la protubérance correspond à 3 ou 4 fois celui de la Terre. L’énergie contenue dans une protubérance est donc considérable.
Parfois, la géométrie magnétique ne parvient plus à confiner le plasma des protubérances. Celui-ci est alors éjecté violemment, donnant lieu à un phénomène éruptif qu’on appelle éjection de matière coronale. Ses effets peuvent affecter notre environnement terrestre (en particulier notre magnétosphère), perturber nos systèmes de télécommunications, ou produire des aurores boréales [2].
Les filaments solaires :
Ce sont les lignes sombres plus ou moins courbes qu’on voit sur la photo à la surface du Soleil. Les filaments solaires ne sont rien d’autre que des protubérances vues de dessus. Ayant la même origine, ils sont composés d’Hydrogène et de Calcium éjectés sous forme de plasma.
Les filaments solaires peuvent être vus en émission lorsqu’ils se produisent près du limbe (bord) solaire, ils se détachent alors sur le fond de ciel (la couronne) et prennent le nom de protubérances. La durée de telles formations s’étend de quelques minutes à plusieurs semaines [4].
Comme pour les taches, ces filaments sont des régions où le plasma est piégé. Elles nous apparaissent sombres à cause de leur température plus faible que celle du milieu environnant.
Les fibrilles :
Ce sont des tubes de plasma confinés magnétiquement qui apparaissent dans les régions actives du Soleil. Les régions actives correspondent aux zones de regroupement de plusieurs taches solaires. Les fibrilles peuvent ou bien, émerger radialement du disque solaire (on voit alors leurs pointes) ou bien dessiner une multitude de lignes courbes “horizontales”. On en devine en bas et à gauche de la tache solaire (point sombre au milieu et en haut), mais le grossissement n’est pas suffisant. Une belle photo de fibrilles avec explications est donnée dans [5].
Quand ils se détachent depuis le limbe solaire, ces gigantesques tubes de plasma sont appelés spicules et quand on les observe dans des régions calmes, ce sont des marbrures. Leur durée de vie est de l’ordre de 5 à 10 minutes.
Les plages :
Contreparties des facules photosphériques, les plages sont de grandes régions brillantes de la chromosphère. Le champ magnétique local y est assez important, mais cette fois la température de ces zones est supérieure au milieu environnant [6]. On en voit plusieurs ici qui sont concentrées, ainsi que les filaments, autour de la tache sombre.
La super-granulation :
Attention, la granulation qu’on voit ici trouve son origine dans les fluctuations du champ magnétique qui règnent en permanence dans la chromosphère. Elle n’a donc rien à voir avec celle de la photosphère qui provient de la poussée par convection de cellules de gaz chaud vers l’extérieur. Pour la distinguer, on lui donne le nom de super-granulation chromosphérique. La taille des super granules avoisine les 30 000 km et leur durée de vie se compte en dizaine d’heures (1 000 km et quelques minutes pour les granules photosphériques) [7].
A bientôt pour une nouvelle image du Soleil dans sa totalité et avec plus de détails…
Webographie :
[1] https://media4.obspm.fr/public/AMC/pages_introduction-soleil/atmosphere-solaire_impression.html
[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Protub%C3%A9rance_solaire
[3] http://fr.wikipedia.org/wiki/Physique_des_plasmas
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Filament_solaire
[5] http://www.cidehom.com/apod.php?_date=150217
[6] http://media4.obspm.fr/public/AMC/pages_introduction-soleil/so-chromosphere.html
[7] http://www.astrosurf.com/luxorion/sysol-soleil-ha2.htm
Rédaction : Michel Vampouille
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