L’image du mois de mai 2013 : collection de météorites
Pour faire suite à la comète Panstarrs publiée en avril, nous présentons ce mois-ci une autre catégorie d’objets célestes tombant parfois sur la Terre : les météoroïdes, taille inférieure au mètre, et les astéroïdes de taille supérieure (jusqu’à 100 km). Ces deux objets volants prennent le nom de météorites quand ils tombent sur notre Terre ou sur une autre planète. Tant qu’ils sont dans le ciel, ce sont des “bolides” ou des “étoiles filantes” dont la traînée lumineuse dans le ciel due à leur friction avec les molécules de l’atmosphère s’appelle : le météore [1]. Il tombe environ 100 tonnes de météorites par jour, dont 90% sous forme de poussières. Leur vitesse d’arrivée au sol varie entre 11 et 78 km/s. Ces vitesses élevées expliquent la création de cratères parfois énormes…
L’image ci-dessus est celle d’une météorite métallique (84 à 92% de Fer, 7 à 15% de Nickel) provenant de la collection personnelle de Daniel Debord. Dans tout cet article, cliquer sur les images pour les obtenir en résolution supérieure.
D’un poids de 1,010 Kg, elle a été trouvée en Argentine centrale, à un millier de km au nord-ouest de de Buenos Aires. La zone impactée par l’astéroïde, appelée Campo del Cielo depuis sa découverte vers 1 500, contient au moins 26 cratères répartis dans une bande de 3 km sur 20, le plus grand mesurant 115 x 90 mètres. Cette disposition suggère que l’astéroïde initial s’est fragmenté après être entré dans l’atmosphère terrestre, mais avant d’atteindre le sol. Au vu de la masse totale des fragments connus et récupérés (> 100 tonnes), on estime que la taille de ce corps mesurait au moins 4 m de diamètre. Une datation au Carbone 14 d’échantillons de bois calcinés prélevés dans des fragments indique que l’impact est âgé de 4 200 à 4 700 ans. Cette météorite est de très loin, la plus grosse jamais retrouvée sur Terre [2].
Si vous souhaitez en savoir plus sur les météorites et notamment sur les météorites ferreuses dont on peut révéler chimiquement les figures de Widmanstätten ou de Neumann, lisez la suite.
ORIGINE ET INTERETS DES METEORITES [3] :
Les météorites sont toutes des fragments de corps du Système Solaire. Une petite fraction d’entre elles nous parviennent de la Lune ou de la planète Mars, mais la plupart proviennent des astéroïdes : “petits” corps dont les orbites se trouvent en majorité entre celles de Mars et de Jupiter. Ces objets peuvent être considérés comme “des débris d’une planète avortée” : dans cette zone, la formation des planètes par accrétion a été perturbée par le puissant champ de gravité de la planète géante Jupiter qui a provoqué de très nombreuses collisions destructrices. Les astéroïdes se sont fracassés les uns sur les autres avant d’avoir eu le temps de grossir ! Et ce sont leurs débris, plus ou moins gros, que nous recevons sur Terre aujourd’hui. Ils datent donc de la formation de notre Système Solaire, c’est-à-dire de 4 à 5 milliards d’années. Bien qu’ils soient très loin d’avoir livré tous leurs secrets, chacun ayant vécu plusieurs étapes successives de l’évolution planétaire, ces débris constituent notre principale source d’information sur la formation du Soleil, des étoiles et de leur cortège planétaire. Leur étude a pour but de démêler leur histoire en faisant interagir de nombreuses disciplines telles que la minéralogie, la géologie, la physique, la chimie, l’astronomie, l’astrophysique nucléaire… Les astrophysiciens s’intéressent beaucoup aux météorites dans la mesure où elles constituent des sortes de “fossiles” contemporains de la formation du système solaire, et même au-delà, car on y découvre parfois de minuscules cristaux de diamant, de carbure de silicium et d’autres métaux qui ont été créés avant le Système Solaire. Ils auraient pris naissance auprès d’étoiles géantes rouges, puis éjectés. Après avoir voyagé dans l’espace interstellaire, ils se sont retrouvés dans la nébuleuse solaire et se sont incorporés dans les planétoïdes en formation gravitant autour du Soleil…
LA DIFFERENCIATION [1]:
Aujourd’hui, on distingue deux grandes classes de météorites : les “différenciées” et les “non différenciées”.
La différenciation , c’est l’ensemble des transformations que subissent les roches d’une nébuleuse primitive sous l’effet conjugué de l’accrétion (due à l’auto-gravité), de la chaleur et de l’hydratation. Ces transformations aboutissent à la formation d’une planète tellurique avec ses différentes couches de roches ou de métal qui s’ordonnent de la périphérie vers le centre selon la densité croissante des composants chimiques qui la constituent.
Schématiquement, la formation d’une planète se déroule en plusieurs étapes :
1) dans une nurserie d’étoiles, un nuage de poussières et de petits grains de matières noyés dans une matrice, appelés “chondres”, s’agglomèrent entre eux sous l’effet de leur gravité,
2) par endroits, la densité locale augmente, la température grimpe, les gaz, les poussières et les chondres se condensent en “amas de chondres” de plus en plus compacts,
3) sous l’effet de la gravité, les différents amas “s’accrétionnent” en blocs, de plus en plus gros, souvent informes,
4) la chaleur et l’hydratation modifient leur composition chimique et donnent naissance à des “astéroïdes chondritiques”.
5) à ce stade, l’astéroïde n’est pas encore différencié.
6) s’il en percute un autre, il donnera naissance à des météorites non différenciées (ou pierreuses) qui se subdivisent en “chondrites ordinaires” (80 % des chutes) et en “chondrites carbonées” (4 %),
7) par contre, si le phénomène d’accrétion a le temps de se poursuivre, certains agglomérats continuent à grossir et leur masse devient critique. Les éléments radioactifs qu’ils contiennent produisent de la chaleur qui fond la matière, et c’est à ce stade que se produit la différenciation : les éléments lourds migrent vers le cœur du planétoïde et les plus légers en surface forment une croûte en se refroidissant. Si l’astéroïde rencontre un de ses voisins, le choc produit des météorites « différenciées » dont la nature dépend de la zone dont elles proviennent :
– la croûte et le manteau donneront des “achondrites” (8 %), très riches en silicates,
– la couche intermédiaire entre le manteau et le noyau produira des “sidérolithes” ou “météorites métallo-pierreuses” (2 %),
– le noyau explosera en “sidérites” ou “météorites métalliques” (6%).
Après cette première approche, nous pouvons maintenant nous attarder sur les météorites métalliques et leurs figures particulières de réseaux cristallins qu’on peut révéler par attaque chimique.
LES SIDERITES [4] :
Les sidérites, quelquefois appelées « météorites de fer » sont principalement composées de Fer (sous forme métallique) et de Nickel en proportions variables. Comme nous l’avons noté, ce sont des vestiges de noyaux d’astéroïdes, témoins de la différenciation d’embryons planétaires. Comme le fer métallique résiste très bien aux conditions d’entrée dans l’atmosphère terrestre, ces météorites causent la majorité des cratères découverts sur Terre (alors que la plupart des météorites rocheuses se désagrègent en altitude). En outre, leur bonne résistance aux agressions climatiques, leurs propriétés magnétiques faciles à reconnaître, leur morphologie extérieure et leur masse volumique comprise entre celle du Fer (7,32 grammes/centimètre cube) et celle du Nickel (8,9) supérieure à celle des minéraux d’origine terrestre (5,2 pour la magnétite par exemple) les rendent assez facilement identifiables. Leurs découvertes sont donc assez nombreuses.
Comme le montre la photo ci-dessus, les météorites de fer ont un aspect noirâtre, une surface parsemée de creux en « marques de pouces » : les « regmaglyptes » formés par fusion et abrasion lors de la traversée de l’atmosphère, des arêtes émoussées. Ces 3 météorites pesant respectivement 105, 42 et 115 grammes proviennent de la sidérite dite de « Sikhote-Alin », tombée le 12 février 1947 dans une région boisée de la Sibérie Orientale portant ce nom. Cette météorite, dont le poids a été évalué à 70 tonnes (diamètre de 6 à 7 mètres) se fractura en plusieurs milliers de morceaux à une dizaine de kilomètres du sol. Les débris parsemèrent une surface de 50 kilomètres carrés. Plus de 20 tonnes de fer et de nickel ont été récupérés, avec un fragment majeur de 1,7 tonne [5]. C’est souvent une “Sikhote-Alin” qu’on achète quand on débute une collection.
REVELATION DE LA NATURE CRISTALLINE DES SIDERITES :
Pour tenter de révéler les figures de Widmanstätten, nous avons choisi l’une des météorites présentées ci-dessus. Après un polissage soigné de l’une de ses faces, Saverio Calléa, Daniel Debord et moi-même avons procédé à une attaque chimique avec une solution d’acide nitrique (10 à 20 %) et d’alcool. Cette opération, à mener avec précaution, s’est déroulée dans le laboratoire de chimie du lycée Gay-Lussac de Limoges que nous remercions ici pour nous avoir permis d’utiliser gracieusement ses installations.
Dans les sidérites, c’est la quantité de Nickel par rapport à la quantité de Fer qui crée la structure cristalline que l’on révèle après attaque avec un acide faible. Cette structure, connue sous le nom de figures de Windmanstätten (du nom du Comte Alois von Windmanstätten), qui les découvre en premier en 1804), ne se trouve que dans les météorites métalliques. Aucun corps sur Terre ne la possède. La masse de fer est traversée par des lames de nickel (et parfois d’autres métaux) selon un réseau enchevêtré de bandes dont l’orientation varie avec le sens de la coupe. La largeur de ces bandes dépend du rapport entre les quantités de fer et de nickel présents dans la météorite.
Par ailleurs, c’est aussi ce rapport qui détermine le type de la sidérite qu’on étudie [1 et 6]:
– Si ce rapport est de 5 à 6 %, la structure cristalline présente une symétrie hexaédrique (celle d’un polygone à 6 faces), et la sidérite appartient à la classe des “Hexaédrites”. Celles-ci ne présentent généralement pas de figures de Widmanstätten. Par contre, après attaque acide, certaines montrent des lignes parallèles rapprochées d’orientations diverses qu’on appelle “lignes de Neumann”.
– Avec 7 à 15 % de Nickel, la structure cristalline change d’aspect et sa symétrie devient octaédrique (celle d’un polygone à 8 faces) : on a alors affaire à une “Octaédrite” . Les météorites de cette classe présentent toutes des figures de Widmanstätten.
– Enfin, si le rapport Nickel/Fer dépasse 15 %, on est en présence d’une “Ataxite” (très rare et très recherchée), qui ne comporte aucune structure visible à l’œil nu après attaque acide.
Sur la photo ci-dessus, on peut voir l’aspect de la surface de notre sidérite après attaque chimique : pas de bandes, mais des lignes parallèles dont les directions varient selon les sections considérées. Est-ce un résidu du polissage ? Ou bien la figure particulière des lignes de Neumann révélant une sidérite du type “Hexaédrite”, alors que celles provenant du site de Sikhote-Alin sont plutôt des “Octaédrites” ? La manipulation devra être reprise soigneusement avec de l’acide chlorhydrique pour trancher… La mesure précise de sa masse volumique devrait aussi apporter des informations précieuses, la limite théorique entre Hexaédrite et Octaédrite se situant autour de 7,43 gramme/centimètre cube.
Terminons avec une nouvelle sidérite présentant cette fois de véridiques figures de Widmanstätten. Appartenant toujours à la collection privée de Daniel Debord, cette Octaédrite de 68 grammes provient de Muonionalusta, un petit village du nord de la Scandinavie qui a donné son nom à la météorite. Tombée là il y a environ un million d’années à l’ère quaternaire, elle serait la plus vielle météorite connue à ce jour. Le premier fragment a été découvert en 1906 ; une quarantaine de gros morceaux sont aujourd’hui connus [7].
Comme on peut le constater, on observe bien un réseau de bandes claires de largeur différentes, le Nickel, dans la masse plus sombre du Fer oxydé par endroits. Beaucoup de bandes claires forment entre elles des angles de 60° ou de 120° environ.
En essayant de simplifier au maximum, on peut dire que ces fameuses figures de Widmanstätten résultent de la présence dans la sidérite de deux alliages Fer/Nickel différents : le premier contient seulement 6 % de Nickel dans sa structure moléculaire : c’est la “Kamacite”, le second en contient 19 % : c’est la “Taenite”. Ces deux alliages cristallisent à des températures différentes selon des structures propres à chacun. Ils s’imbriquent donc l’un dans l’autre sans se mélanger au cours de la différenciation du planétoïde initial qui, après le choc avec un autre planétoïde, donnera naissance à une multitude d’astéroïdes. Il est donc normal, mais pas obligatoire, de retrouver cette imbrication sur les surfaces tronquées des sidérites qu’on découvre sur Terre… Comme ces deux alliages réagissent différemment à l’acide nitrique (ou à la chaleur), on peut alors révéler leur présence [8].
Ces figures sont évidemment très recherchées par les collectionneurs et très étudiées par les scientifiques.
Bibliographie et webographie :
[1] J. J. Chevallier dans : http://www.mineraux-du-monde.com/Meteorites.htm
[2] http://fr.wikipedia.org/wiki/Campo_del_Cielo
[3] Brigitte ZANDA et Albert JAMBON, Les météorites différenciées, Les Cahiers du Monde Minéral, n°1, p. 5-8, 2012.
[4] Mathieu ROSKOZ et Hugues LEROUX, Les météorites de fer, Les Cahiers du Monde Minéral, n°1, p. 31-36, 2012.
[5] http://www.astrosurf.com/macombes/chapitre%2010-me.htm
[6] http://tpemeteorites.free.fr/holosiderite.htm
[7] http://en.wikipedia.org/wiki/Muonionalusta
[8] http://www.astrosurf.com/meteorites/iron.htm
Rédaction : Michel Vampouille, Louis Duplaix.
Photographies : Daniel Debord.
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