L’image du mois de juin 2024 : taches solaires et aurore boréale
Actualité oblige :
Pour illustrer l’article du mois de juin 2024, voici des photos de l’aurore boréale de la nuit du 10 au 11 mai que les couche-tard ont pu admirer jusqu’au centre de la France, et celle de la tache solaire AR3664 du 9 mai qui lui a donné naissance.
Le vendredi 10 mai 2024, quelques heures après le coucher du Soleil, les astronomes amateurs du club Régulus qui scrutaient le ciel à l’Observatoire du Haut Périgord à Nantheuil de Thiviers observaient à l’œil nu de très faibles lueurs colorées vers l’horizon nord de la voûte céleste constellée d’étoiles de plus en plus brillantes. Non conscients du merveilleux spectacle qui prenait naissance sous leurs yeux, ils rangeaient leur matériel et quittaient l’observatoire…
Mais, vers 1H du matin, les dirigeants du club, Gérard Prédignac et Brigitte Garreau, intrigués par leur précédente vision du ciel perturbé, eurent la curiosité de reprendre soigneusement leur observation en réalisant des photos grand champ à différentes sensibilités et différents temps de pose… Et là, splendeur inespérée, révélées par les hautes performances des capteurs actuels, de splendides aurores boréales, inattendues à des latitudes aussi basses que 45.4167° (Thiviers), étaient clairement observables sur les écrans, avec de magnifiques draperies colorées en rose sombre et en rose fuchsia.
La photo du haut a été enregistrée le 11 mai à 1H27, avec un APN Nikon D800, équipé d’un zoom Nikon 28-300 mm réglé à une focale de 28 mm, une sensibilité de 2500 ISO à F/5.6, et un temps de pose de 13 secondes.
La photo du bas a été prise un peu plus tard, le 11 mai à 2H05, dans les mêmes conditions.
Un petit détour par le logiciel « Astronomy.net » nous permet de dire que le champ photographié contient les constellations de Cassiopée, de Céphée, de la Girafe et du Lézard.
Origine des aurores polaires :
Les aurores polaires comme celles photographiées, apparaissent lorsque le vent solaire chargé en particules très énergétiques vient balayer notre planète. Les atomes d’oxygène et d’azote présents dans l’atmosphère terrestre sont alors excités à des niveaux d’énergie supérieure et leur désexcitation engendre dans le ciel nocturne de splendides draperies lumineuses colorées en rose et vert. En général, celles-ci se cantonnent aux latitudes élevées au niveau du cercle polaire. Mais quand la tempête solaire est assez puissante, les aurores peuvent devenir visibles jusque dans le sud de l’Europe.
C’est ce qui s’est passé vendredi 10 mai sur la planète Terre. Une tempête solaire dite «extrême», de niveau 5, la première de ce niveau depuis les «orages d’Halloween» d’octobre 2003, a commencé à toucher la Terre le vendredi 10 mai au soir, et s’est poursuivie durant tout le week-end suivant. Elle a provoqué d’impressionnantes aurores boréales bien plus au sud que dans les régions où elles sont habituellement observables.
Partout en France, le ciel a été illuminé de tons roses et violets, donnant lieu à des images exceptionnelles. Sur le Web, des clichés montrent une aurore boréale au-dessus de Paris ; d’autres ont été capturées en Isère ou encore dans les Alpes-Maritimes.
Les taches solaires :
Voici le Soleil tel qu’il était visible le 9 mai 2024 à 16H30. L’image ci-contre est donnée par le satellite SOHO (Solar and Heliospheric Observatory, exploité conjointement par l’ESA et la NASA). Avec une nouvelle photo prise toutes les 1,5 heure chaque jour, SOHO nous montre en quasi-direct les taches solaires, dans le domaine visible autour de la longueur d’onde 677 nm. Leur nombre est fonction de l’activité du Soleil, car celle-ci n’est pas constante.
Les taches solaires sont la résultante d’une intense activité magnétique chaotique au sein du Soleil dans la zone dite de « convection ». Cette activité est si puissante qu’elle freine la remontée des fluides et limite l’apport thermique à la surface du Soleil. Les régions impactées, moins chaudes de 1 500 à 2 000 degrés que les régions voisines, émettent un peu moins de lumière, expliquant ainsi pourquoi elles nous apparaissent, par contraste, plus sombres que le reste de l’étoile. Elle sont pourtant à une température proche de 3 000 à 4 000°K ; si on pouvait les observer seules, on les verrait plus lumineuses que la Pleine Lune.
Ces taches solaires ont une taille variable qui peut atteindre plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, soit plusieurs fois la taille de la Terre. Leur durée de vie n’excède pas le temps mis par le Soleil pour effectuer une à deux rotations sur lui-même (1 ou 2 X 27 jours). En suivant leur évolution pendant plusieurs jours sur la photo ci-contre, on les verra se déplacer de la gauche vers la droite.
Il est super intéressant de noter qu’aujourd’hui, 28 mai, la même tache est réapparue de l’autre côté après avoir fait un demi-tour derrière la face cachée du Soleil. Encore quelques jours…, et de nouvelles aurores seront peut-être au rendez-vous !
Lien entre les taches solaires et les aurores :
Les aurores boréales sont en fait liées à la réception sur Terre d’éjections de masses coronales venues directement du Soleil. Autrement dit : l’activité de l’astre solaire est actuellement si grande qu’elle a provoqué une tempête extrême, de niveau 5, la première de ce niveau depuis 2003, rejetant des résidus dans tout l’espace. Il s’agit d’une sorte d’énorme explosion massive qui résulte de la réorganisation du champ magnétique du Soleil, et qui peut être comparée à une éruption, au cours de laquelle une partie du Soleil se soulève de sa surface. Alors, le plasma, les particules, le champ magnétique qui constituent le Soleil sont éjectés et s’envolent dans tout l’espace en constituant une éruption solaire. Celle du 10 mai 2024 est classée X 8,7, la classe X provoquant les tempêtes géomagnétiques les plus intenses.
Ces éjections se déplacent à des vitesses de plusieurs centaines de kilomètres par seconde (200 à 800) et se produisent depuis une même tache solaire, dont le diamètre est ici 15 à 17 fois supérieur à celui de notre planète. Ces rejets interviennent alors que le Soleil approche de son pic d’activité, selon un cycle qui revient tous les 11 ans.
Par un heureux hasard, notre adhérente Fernanda Baudon a immortalisé cette tache sur le cliché suivant, réalisé le 9 mai 2024 en tout début d’après-midi :
Aujourd’hui, mardi 28 mai 2024, la NASA vient de signaler la réapparition de la tache solaire AR3664, après un voyage de deux semaines autour de la face cachée du soleil. Elle s’est présentée avec une éruption solaire de classe X8.2. On peut donc logiquement s’attendre à de nouvelles aurores boréales au niveau de la France lors des prochaines nuits.
On peut aussi en attendre les mois suivants, certains experts ayant prédit le maximum du cycle d’activité du Soleil entre le début et la fin de l’année 2024.
Un spectacle magnifique, mais dangereux :
Bien qu’elles offrent un spectacle visuel impressionnant, les tempêtes magnétiques ne sont pas sans risques pour notre quotidien.
Elles peuvent endommager les satellites, les avions, l’ISS, perturber les réseaux électriques et exposer les astronautes à des radiations dangereuses. Des incidents mineurs ont déjà été rapportés lors des événements qui se sont déroulés entre le 10 et le 12 mai, comme des défaillances temporaires des systèmes GPS agricoles.
Les particules les plus énergétiques (les plus rapides) envoyées vers la Terre au cours de ces tempêtes peuvent traverser la magnétosphère (région de notre planète protégée par le champ magnétique qui s’étend au-delà de l’atmosphère). Entrant en collision avec les gaz de l’atmosphère, elles créent de magnifiques aurores, mais elles peuvent également causer certains dommages aux lignes de transmission d’électricité lorsqu’elles ne sont pas adéquatement protégées, entraînant alors des bris d’équipements et des pannes privant les foyers d’électricité, comme par exemple une panne majeure au Québec en 1989.
Aux altitudes élevées ou dans l’espace, les tempêtes solaires risquent de faire davantage de dégâts. Les particules les plus énergétiques pourraient entraîner jusqu’à la destruction pure et simple des appareils électroniques et de leurs puces.
Un peu plus haut dans le ciel, les satellites de communication et de météo, situés à 36 000 km de la Terre, sont en effet davantage susceptibles d’être affectés par les particules du Soleil émises lors de tempêtes solaires. Les dégâts varient des pannes mineures facilement corrigibles à des pertes totales.
Un peu moins loin de nous, à 20 000 km de la surface terrestre, se trouvent les satellites GPS. Ceux-ci sont mieux protégés par la magnétosphère, mais doivent quand même faire l’objet d’un suivi attentif.
Si vous voulez observer le ciel se teinter de rose et de vert en magnifiques draperies, il faudra vous équiper d’un APN muni d’un objectif grand angle et éviter la pollution lumineuse. Vous devrez choisir un endroit éloigné des lumières de la ville et vérifier la météo (nuages, précipitations et Pleine Lune peuvent obstruer la vue). Soyez attentifs et avertis, il faut observer tout le ciel parce que les aurores peuvent apparaître n’importe où et pas seulement au nord comme on peut l’entendre.
Bonne chance !
Webographie :
https://www.science-et-vie.com/ciel-et-espace/la-tache-ar3664-provoque-leruption-solaire-la-plus-massive-du-cycle-solaire-actuel-136165.html
https://www.tf1info.fr/societe/en-images-photos-tempete-solaire-tres-rare-des-aurores-boreales-observees-partout-en-france-2299005.html
https://theconversation.com/tempete-solaire-voici-ce-qui-est-arrive-et-pourquoi-228265
https://www.horizonactu.fr/actualite-38113-de-nouvelles-aurores-boreales-dans-notre-ciel-d-ici-debut-juin-on-vous-explique
https://www.science-et-vie.com/ciel-et-espace/la-tache-ar3664-provoque-leruption-solaire-la-plus-massive-du-cycle-solaire-actuel-136165.html
http://clubregulus.free.fr/ Rubrique : le Soleil et l’activité solaire aujourd’hui.
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