L’image du mois de février 2011 : la galaxie du Feu d’Artifice

Pour le mois de février, retour au ciel profond avec cette photo de Jean Pierre Debet prise en décembre 2010 à Saint Léonard de Noblat (87 400) : la grande et belle galaxie du Feu d’Artifice (NGC 6946) et l’amas ouvert NGC 6936, tous deux situés à la frontière des constellations de Céphée et du Cygne.
Halo lunaireCette image a été obtenue avec une lunette TMB 92/500 autoguidée et équipée d’une caméra ATIK 16 HR. Elle résulte de l’addition sous Iris de 30 poses de 8 minutes pour la luminance et de 62 poses de 3 minutes pour les trois couleurs rouge, vert et bleu, soit un temps de pose global de 7 Heures 46 minutes. Cette durée permet de faire apparaître les bras spiralés de la galaxie qui sont obscurcis par la matière interstellaire de la Voie Lactée.

Découverte par William Herschel en 1798, la galaxie du Feu d’Artifice se situe à une distance de 10 à 20 millions d’années-lumière.  C’est une des plus proches de nous n’appartenant pas au Groupe Local. Avec une magnitude apparente de 8,9 et une extension angulaire de 11 minutes entièrement résolue (voir note [1]) correspondant à un diamètre de 40 000 années-lumière, elle nous apparaît de face avec un noyau central jaunâtre rempli de vieilles étoiles, des bras jaunes-bleutés parsemés d’étoiles jeunes et plusieurs nébuleuses rosées, pépinières d’étoiles en formation. Cette galaxie très active est une cible très prisée des astronomes professionnels : au cours des 100 dernières années, neuf supernovas (explosions d’étoiles massives) y ont été découvertes, la dernière datant de 2008. Par comparaison, le taux moyen d’apparition de supernovas de la Voie Lactée est d’environ 1 par siècle.
Quant à NGC 6936, c’est un amas ouvert “classique” de magnitude apparente 7,8, distant d’environ 2 000 années-lumière, composé d’une centaine d’étoiles couvrant un domaine angulaire de 8 minutes.
Le 25 avril 2010, la comète C/2009 Mc Naught est passée dans la région située entre NGC 6936 et NGC 6946.

La constellation de Céphée mérite quelques développements.
1) D’abord pour sa mythologie. Céphée, roi d’Ethiopie marié à Cassiopée, eut une fille nommée Andromède. Cette dernière prétendant être la plus belle suscita la jalousie des nymphes Néréïdes qui, fort en colère, demandèrent à Neptune de punir la présomptueuse. Celui-ci envoya un monstre marin (la Baleine) pour dévaster les côtes du pays. Les oracles conseillèrent à Cassiopée de sacrifier sa fille Andromède pour apaiser le monstre. Céphée la fit enchaîner sur un rocher en pleine mer et l’abandonna. Mais Persée, chevauchant son cheval ailé Pégase, pétrifia la baleine et libéra Andromède qu’il épousa. Les cinq constellations: Céphée, Cassiopée, Andromède, Persée et Pégase se trouvent rassemblées dans la même portion de ciel. Et sous Andromède se tient la constellation de la Baleine.
2) Ensuite pour sa forme : dans de bonnes conditions de visibilité, on peut facilement reconnaître son allure : un rectangle surmonté d’un triangle dont le sommet pointe en direction de l’étoile polaire, le tout ressemblant à la vision enfantine d’une “maison”.

3) Enfin pour les étoiles particulières qui la composent :
– a Cephei ou Alderamin (= le “bras droit” du roi Céphée), la plus brillante (magnitude : 3.2, distance : 45 années-lumière) située au pied droit de la « maison ». A cause du phénomène de précession des équinoxes, Alderamin sera l’étoile la plus proche du pôle Nord céleste dans 5 500 ans, à moins de 3° d’écart.

– d Cephei, située près de Zeta Cephei, au pied gauche de la « maison » est le prototype des étoiles variables “céphéides” et leur a donné son nom. Elle passe de la magnitude 3,5 à la magnitude 4,3 sur une période très régulière de 5 jours 8 heures 47 minutes et 32 secondes. Grâce à cette propriété, et à sa distance mesurable par la méthode de la parallaxe (982 années-lumière), Henrietta Leavitt (Harvard, 1910-1920) et Harlow Shapley (1916, Harvard) ont pu établir une loi entre la période, la luminosité absolue et la distance d’autres étoiles variables plus éloignées et des galaxies qui les contiennent. Cette loi sert toujours aujourd’hui à mesurer la distance d’autres “céphéides”.

– g Cephei (Errai ou Alrai), la pointe du « toit », se trouve à 13° seulement de l’étoile polaire et indique sa position.

– m Cephei, qu’on appelle aussi l’étoile Grenat (ou Garnett Star) à cause de sa couleur rouge éblouissante qui n’est cependant visible qu’avec un instrument. Située au milieu des fondations de la “maison”, éloignée de 5 260 années-lumière, c’est l’une des plus grandes supergéantes rouges (magnitude 4,2) avec un diamètre de 15 UA (ou 1 420 diamètres solaires). Si elle remplaçait le Soleil, elle s’étendrait à mi-chemin des orbites de Jupiter et de Saturne. C’était l’étoile préférée de William Herschel qui terminait toujours ses observations par un petit détour vers “the Garnett Star”. Par une coïncidence intéressante, c’est l’étoile polaire de Mars.

– x Cephei (Kurhah ou HIP 108917 A et B), presque au croisement des diagonales du rectangle de la “maison”, la plus attractive des étoiles doubles de Céphée, avec une composante A bleue-blanche de magnitude 4,4 séparée de 8 secondes d’arc d’une composante B jaune-rougeâtre de magnitude 6,35.

– VV Cephei (ou HIP 108317),  à 1 degré environ “sous” x Cephei (magnitude  : 5,10 ; distance 8 363 années-lumière) est encore plus grande que μ Cephei, mais moins brillante à l’œil nu, et dépasserait l’orbite de Saturne si on la mettait à la place du Soleil.

Note [1] : avec le logiciel Iris, on dénombre 245 pixels pour le diamètre de la galaxie. Sachant que la taille d’un pixel vaut 6,45 µm, le diamètre réel de la galaxie sur le capteur mesure 6,45 X 245 = 1 580 µm ou 1,58mm. D’après le résultat obtenu dans l’article du mois dernier, l’angle sous lequel la galaxie a été enregistrée vaut : 1,58/500 = 0,00316 radian = (0,00316 X 180)/3,1416 = 0,182° ou 10,86 minutes d’angle, valeur très proche des 11 minutes annoncées.

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Rédaction : Michel Vampouille