L’image du mois d’avril 2016 : la Nébuleuse d’Orion M42

Continuité oblige : après la constellation d’Orion de mars 2016, voici la grande Nébuleuse d’Orion, ou Messier 42 (ou encore NGC 1976), nébuleuse en émission/réflexion bien connue de tous les astrophotographes amateurs qui espèrent réussir une belle image sans trop de difficultés. Nous ne dérogeons pas à cette tradition, puisque nous présentons ici une des premières images de Thierry Barrault, faite le 5 février 2016, avec une lunette William-Optics Megrez II 80/500 SD, équipée d’un APN Canon EOS 450D. La photo plein format présentée ici a été traitée durant l’atelier astrophoto mensuel de mars 2016. Elle résulte du cumul sous Iris de 21 photos de 30 secondes (soit un temps de pose global de 10,5 minutes) et d’une retouche cosmétique “classique” sous Photoshop.
Nébuleuse d'Orion plein FormatCliquer sur l’image pour l’observer en grand format.
Deux photos de M42 ont déjà été publiées dans cette rubrique en mars 2014 et mars 2011. Les lecteurs qui souhaitent des informations astrophysiques sur cette nébuleuse pourront se reporter à ces articles.
Nous allons poursuivre ici en rapportant les différents traitements apportés à cette image “brute” dans le but de l’optimiser. Cette phase de traitement, souvent passée sous silence, devrait permettre à l’amateur débutant d’améliorer quelque peu ses propres images sans pour autant décider d’échanger son matériel contre un plus performant. L’objectif est de prendre conscience des limites et performances de son matériel et d’en tirer le meilleur parti.

Aberrations géométriques :
Ce ne sont pas les plus visibles, mais nous allons quand même commencer par elles.
On remarque que les étoiles situées dans les coins dessinent des petits traits étirés vers le centre. Ce défaut est dû à l’aberration de courbure de champ et aussi à la coma.
Dans une lunette équipée d’un objectif à 2 lentilles accolées (un doublet), les images se forment, non pas dans un plan perpendiculaire à l’axe optique, mais sur une portion de sphère. Comme le capteur est plan, les étoiles en périphérie, défocalisées, prennent une forme floue et allongée vers le centre : c’est la courbure de champ [1].
Quant à la coma qui se traduit par des petites aigrettes allongées, on peut l’assimiler à l’aberration sphérique dans les bords du champ. Pour ces 2 aberrations : coma, et aberration sphérique, les rayons incidents parallèles ne convergent pas en un seul point [2].
Pour un instrument donné, ces aberrations se réduisent en limitant l’ouverture des lentilles et l’inclinaison des rayons incidents. Pour nous, cela revient à diaphragmer l’objectif (technique rarement utilisée) et/ou à réduire le champ photographié en ne conservant que la partie centrale de la photo.
Ici, comme l’esthétique de la nébuleuse le permet, nous avons éliminé la périphérie de l’image.
4M42bPSPaprès IRISAtelierastroAberrations chromatiques :
Le deuxième défaut qu’on remarque ici, ce sont les halos bleus qui entourent les étoiles…
Ils sont dus à l’aberration chromatique provoquée par l’objectif de la lunette. Celui-ci, composé de 2 lentilles accolées, dont l’une en verre ED (pour Extra-Low Dispersion), est connu pour présenter un réel défaut de chromatisme, notamment dans la couleur bleue [3].
Dans ce type d’objectif, dit “achromatique”, on accole une lentille convergente en verre de très faible dispersion (verre ED) à une lentille divergente en verre fortement dispersif. Le défaut chromatique de la 1ère, minimisé par le verre peu dispersif, peut ainsi être corrigé par le défaut de signe opposé de la 2ème. Le signe du défaut chromatique est toujours celui de la distance focale de la lentille, d’où l’association de 2 lentilles, l’une convergente, l’autre divergente. Bien évidemment, la distance focale positive de l’ensemble résulte de la combinaison des deux lentilles.

Malheureusement, cette association ne peut corriger les défauts de chromatisme que pour une région limitée du champ d’observation, bien souvent le centre, et pour seulement 2 couleurs, généralement le rouge et le jaune. Partout ailleurs et pour les autres couleurs, des défauts résiduels de chromatisme subsistent [4]. Il faut associer une 3ème lentille pour les compenser [5]. On obtient alors un objectif  “apochromatique” (un triplet). L’ajout d’une 3ème lentille permet aussi de corriger partiellement la courbure de champ et la coma.

Avec la lunette équipée d’un doublet, il convient donc de soigner particulièrement la mise au point. Au besoin, de tolérer une légère défocalisation centrale pour atténuer les halos bleus autour des étoiles. Tout est affaire de doigté…

Il est aussi possible d’intervenir dans la phase de traitement numérique. Sans trop entrer dans les détails techniques, on conçoit qu’une méthode consiste à atténuer la couleur bleue au prix de certains détails perdus…  C’est ce qui a été fait sur la version ci-dessous réalisée par Denis Lefranc, en ouvrant la photo dans “Camera Raw” (onglet “corrections de l’objectif > couleur”), le plugin de traitement des fichiers RAW livré avec Photoshop. Cette action a aussi permis de réduire la surexposition centrale.
5M42bCorrection aberr. chrom.Denis

Réduction des étoiles :
Comme on peut le constater, les halos bleus sont disparus, mais certaines étoiles ont gardé une taille exagérée. Il est possible de les réduire avec des logiciels appropriés. Denis s’y est attaqué sous Photoshop, avec la méthode présentée par Tromat, membre du forum Webastro, et il a obtenu le résultat suivant :
5M42c réduction étoiles Denis recoupée

La taille des étoiles a bien diminué, mais leur nombre a considérablement chuté…! La correction a été trop violente.
Jean Pierre Debet l’a reprise en faisant appel au logiciel Pixinsight, très performant, mais payant. Voici l’image qu’il a obtenue.
6M42bPréduction étoiles.JP

Noter au passage que ce logiciel a peu joué sur la taille des étoiles, mais qu’il a surtout  renforcé les détails colorés de la nébuleuse. Au final, l’image présente une version alternative, à l’accentuation plus marquée.

Tous ces divers essais montrent qu’il est parfois possible de réduire certains défauts dus aux aberrations géométriques et chromatiques des instruments, mais que cette étape du traitement numérique demande beaucoup de technique et de savoir faire.

Webographie :

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Courbure_de_champ
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Aberration_g%C3%A9om%C3%A9trique
[3] http://www.astrosurf.com/luxorion/rapport-coating-fr2.htm
[4] http://www.astrosurf.com/luxorion/Documents/lunette-courbure-champ-dwg.gif
[5] http://www.astrosurf.com/luxorion/Documents/tec-apo-140f7.gif

Rédaction : Michel Vampouille
Correction : Denis Lefranc

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