L’image du mois d’avril 2021 : les nébuleuses de la Flamme et de la Tête de Cheval

Pour avril 2021, nous replongeons dans le ciel profond avec cette image toujours appréciée des nébuleuses de la Tête de Cheval (ou nébuleuse Barnard 33) et de la Flamme (ou nébuleuse NGC 2024) dans la constellation d’Orion. L’image présentée a été réalisée par Julien Denis les 10 et 18 janvier 2021 en milieu urbain avec une lunette Sky Watcher Esprit 100 ED, fixée sur une monture Sky Watcher EQ-6 R Pro, équipée d’une caméra monochrome ZWO ASI 1600 MM et de sa roue à filtres ZWO.
Le temps de pose cumulé avec un filtre rouge Halpha à bande spectrale étroite (6 nm) est de 3H 40 minutes, soit 22 poses unitaires de 10 minutes. Le traitement numérique a été conduit avec les logiciels Siril et Gimp.

Cliquer sur l’image pour la voir en grand format sans annotation.

La nébuleuse obscure de la Tête de Cheval :
Reconnaissable à son profil caractéristique, la nébuleuse de la Tête de Cheval, de son vrai nom Barnard 33, est une nébuleuse obscure (ou sombre).
Les nébuleuses obscures ou encore nébuleuses en absorption sont des régions où les poussières du milieu interstellaire semblent se concentrer en grands nuages qui apparaissent comme des régions pauvres en étoiles. Les nébuleuses sombres peuvent être vues si elles obscurcissent une partie d’une nébuleuse en émission (comme ici) ou en réflexion, ou bien, si elles bloquent la lumière des étoiles en arrière-plan.
L’hydrogène de ces nuages sombres et opaques existe sous forme moléculaire (H2). Les nuages moléculaires sont constitués principalement de gaz et de poussières, mais peuvent aussi contenir beaucoup d’étoiles. Leurs cœurs sont complètement cachés dans le domaine visuel et seraient indétectables si leurs molécules constitutives n’émettaient pas dans le domaine des rayonnements micro-ondes non absorbés par la poussière et traversant aisément ces nuages.
Ceux-ci possèdent un champ magnétique interne qui les empêche de s’effondrer sur eux-mêmes sous l’effet de leur propre gravitation.
Cette nébuleuse, située à 1600 années-lumière, a été découverte en 1888 par Williamina Flemming sur une plaque photographique prise William Henri Pickering à l’observatoire du Harvard College dans l’état du Massachussets aux Etats Unis. Cette femme astronome faisait partie des « calculatrices de Harvard » que Pickering engageait pour traiter mathématiquement d’importantes quantités d’informations astronomiques [1].
Nous savons aujourd’hui que ces objets sont le siège d’importants évènements dans la formation des étoiles.

La nébuleuse en émission IC 434 :

En arrière plan de la Tête de Cheval, on trouve la nébuleuse en émission IC 434, de couleur rouge, d’étendue égale à 2 fois le diamètre de la pleine Lune. Les nébuleuses en émission sont des nuages de gaz ionisé dans le milieu interstellaire qui absorbent la lumière d’une étoile chaude proche – ici, Sigma Orionis A à 1150 a-l, de magnitude 4,3, de type spectral O, rayonnant fortement dans l’ultraviolet extrême et ionisant ainsi le gaz alentour – et la réémettent sous forme de couleurs variées à des énergies plus basses.
La couleur des nébuleuses en émission dépend de leur composition chimique et de l’intensité de leur ionisation. Ici, la couleur rouge de la nébuleuse IC 434 est celle de la raie de l’hydrogène alpha (ionisé une fois, noté HII) à 656,3 nanomètres de longueur d’onde, en raison de la forte présence de ce gaz dans le milieu interstellaire et de son potentiel d’ionisation relativement bas. Si l’ionisation est plus intense, d’autres éléments peuvent être ionisés et les nébuleuses peuvent émettre dans d’autres nuances de rouge (comme le soufre II à 671,9 et 673,0 nm), aussi dans le vert (oxygène III à 495,9 et 500,7 nm) ou bien dans le bleu (hydrogène bêta à 486,1 nm).
Les plus connues des régions HII sont :
– la nébuleuse d’Orion, dans notre Voie Lactée,
– la nébuleuse de la Tarentule, dans le Grand Nuage de Magellan,
– NGC 604, dans la galaxie du Triangle.

La nébuleuse en émission de la Flamme ou NGC 2024 :
La nébuleuse de la Flamme  ou NGC 2024 est une nébuleuse en émission découverte en 1786 par l’astronome William Herschel. Située à 1350 années-lumière de nous, elle couvre une étendue de 12 années-lumière.
C’est Alnitak {en arabe : ceinture) ou Zeta Orionis, l’étoile brillante la plus à l’est du baudrier d’Orion à 800 a-l, de type spectral O, avec une magnitude apparente de 1,85, qui active la nébuleuse. L’intense rayonnement ultraviolet de cette super géante bleue ionise les atomes d’hydrogène de la nébuleuse qui émettent une lueur rouge à 656,3 nm de longueur d’onde lorsqu’ils capturent un électron libre (émission Halpha).
Le ruban sombre que l’on voit en travers de la nébuleuse en lumière visible provient des nuages de gaz et surtout de poussières opaques qui, placés devant la nébuleuse, en absorbent le rayonnement.
Les observations en rayons X réalisées à l’aide de l’observatoire spatial Chandra ont montré la présence de près de 300 jeunes étoiles au centre de la nébuleuse sur une population totale estimée à 800 étoiles. Les étoiles centrales sont âgées de 200 000 ans, alors que celles en périphérie datent de 1,2 million d’années. La nébuleuse de la Flamme s’est donc formée très récemment !

Comparaison avec une image en couleur de ces trois nébuleuses :
Il est intéressant de constater que la prise de vue en noir et blanc avec un filtre rouge qui ne laisse passer qu’une étroite bande spectrale étroite centrée sur la raie Halpha de l’hydrogène, réduit considérablement l’intensité du rayonnement visible émis par toutes les étoiles, en particulier par  Alnitak et Sigma Orionis. De ce fait, la structure des trois nébuleuses est correctement traduite sur toute la surface de l’image.
On pourra faire la comparaison avec la même photo, prise en lumière visible, et publiée en février 2010 par Christophe Mercier et Jean Pierre Debet.

Webographie :
https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_de_la_T%C3%AAte_de_Cheval
https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_obscure
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gion_HII
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sigma_Orionis
https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_de_la_Flamme
https://fr.wikipedia.org/wiki/Zeta_Orionis
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Harvard_Computers




L’image du mois de décembre 2016 : la Trompe de l’Éléphant

Pour la fin de l’année 2016, nous restons dans le ciel profond avec la Trompe de l’Eléphant, parfaitement reconnaissable à sa forme. C’est une nébuleuse obscure contenue dans la nébuleuse par émission IC 1396, elle-même immergée au cœur d’un jeune amas stellaire.
En astronomie, les nébuleuses sombres, les nébuleuses obscures ou encore nébuleuses d’absorption sont des régions où les poussières du milieu interstellaire semblent se concentrer en grands nuages opaques dans le domaine visible qui, de ce fait, apparaissent à nos yeux comme des régions pauvres en étoiles.
Alors qu’en réalité, c’est dans les régions internes de ces nébuleuses sombres que la formation des étoiles se produit.
Cette région du ciel a déjà été présentée en septembre 2014 par Christophe Mercier qui l’avait photographiée en fausses couleurs afin de favoriser une dominante bleue.
Ici, seule la région entourant la Trompe de l’Éléphant a été sélectionnée par Jean Pierre Debet. Elle a été réalisée au mois d’août 2016 sur plusieurs nuits en 10H 26 minutes de pose avec une lunette TMB de focale 520 mm, équipée d’une caméra SBIG 8300 et des 3 filtres SII, HII et OIII, dont les images recombinées permettent de présenter l’Hydrogène sous sa couleur rouge. Le traitement numérique a été conduit avec le logiciel Pixinsight.

ic1396-la-trompe-delephantRépartis dans tout le volume de la nébuleuse IC 1396, on distingue très bien ici les nombreux nuages sombres qui dessinent des formes souvent irrégulières, sans frontières bien définies, mais ressemblant parfois à des « piliers ». Ce sont des poches de poussières et de gaz froid relativement dense, principalement de l’hydrogène sous forme moléculaire (H2), opaques à la lumière visible en provenance de la nébuleuse qui se trouve derrière. Ces nuages denses possèdent un champ magnétique important les empêchant de s’effondrer sous l’effet de leur propre gravitation.

Nous ne pouvons les observer dans le domaine visible que si elles obscurcissent une partie d’une nébuleuse en émission (comme c’est le cas ici) ou en réflexion, ou bien si elles bloquent la lumière des étoiles qui se trouvent en arrière-plan.

Par contre, elles deviennent détectables directement dans les domaines infrarouge et micro-ondes à cause de leur température interne froide et de leur émission dans ces domaines de longueurs d’ondes. Leur rayonnement n’est pas absorbé par la poussière et peut donc traverser aisément les nuages sombres. Grâce à l’imagerie infrarouge, on sait que la Trompe de l’Éléphant contient de nombreuses étoiles très jeunes de moins de 100 000 ans, ce qui est très peu pour une étoile. D’une longueur de 20 années-lumière et plusieurs centaines de milliers de fois plus massive que le Soleil, elle contient le matériau brut à partir duquel vont se former les étoiles et les proto-étoiles.
Elle est du même type que la célèbre « Tête de Cheval » dans Orion.

D’autres informations sur la position et les caractéristiques de la nébuleuse IC 1396, ainsi que sur la Trompe de l’Éléphant ont déjà été publiées dans l’article de septembre 2014. Les lecteurs intéressés pourront s’y reporter s’ils le souhaitent.

Webographie
[1] http://saplimoges.fr/limage-du-mois-de-septembre-2014-ic-1396-amas-detoiles-plonge-dans-une-nebuleuse-a-emission/
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9buleuse_obscure
[3] http://www.astropegase.com/emission+reflexion.htm

Rédaction : Michel Vampouille

 




L’image du mois de novembre 2016 : la Nébuleuse North America ou NGC 7000

Pour le mois de novembre, nous vous proposons une fraction de la Nébuleuse en émission North America (ou NGC 7000 ou encore Caldwell 20), un objet céleste du ciel profond souvent photographié avec différents filtres (notamment UHC, OIII…) et différentes focales (de 30 à 1 000 mm).

North AmericaCertains amateurs prétendent l’avoir observée à l’œil nu dans de très bonnes conditions…. Ce qui est certain, c’est qu’avec des jumelles 7 X 50 et un ciel standard, cette nébuleuse devient nettement visible. Son extension est bien supérieure à l’image présentée ici. On a d’ailleurs du mal à définir ses frontières, tant elles dépendent de la longueur d’onde avec laquelle on la photographie… C’est en infra-rouge, vue par le satellite Spitzer, qu’elle est la plus étendue et la moins reconnaissable [1].

situation-de-ngc-7000Sur la carte céleste ci-contre réalisée à partir de Stellarium, on remarque que la Nébuleuse NGC 7000 est située dans la constellation du Cygne (aussi appelée la « Croix du Nord »), à l’est  de sa plus brillante étoile Deneb. Elle se présente sous une forme remarquable qui ressemble à celle du continent de l’Amérique du Nord, avec ses côtes est et ouest et un golfe du Mexique bien dessinés.
L’image ci-dessus a été réalisée par Michel Tharaud en juillet 2016 à Aureil, dans la banlieue de Limoges avec un APN Canon EOS 350 D défiltré, équipé d’un zoom Canon réglé à la focale de 70 mm, fixé sur une monture Sky-Tracker I-Optron pour le suivi, elle-même montée sur un pied photographique. Son traitement numérique a été réalisé en commun lors de notre dernier atelier astrophotographique d’octobre. Elle résulte de l’empilement sous Iris de 8 photos de 30 secondes à 800 ISO suivi d’un  traitement cosmétique avec Photoshop.

Le défiltrage de l’APN fait bien ressortir la couleur rougeâtre de la très grande zone de nébulosité à émission qui s’étend sur 3 degrés  environ, correspondant à 50 années-lumière environ   Cette couleur est due à la raie d’émission Hα (à la longueur d’onde de 656,3 nm) des nuages d’hydrogène ionisé qui est le composant majoritaire des nébuleuses. Cette raie est souvent utilisée pour déterminer la forme et la taille des nuages [1] [2].
Ce n’est pas l’étoile Alpha Cygni (Deneb) qui excite North America.  On ne la connaît pas précisément, mais certains auteurs pensent que c’est une étoile beaucoup plus chaude et bleue contenue dans la nébuleuse HD 199579 [3].

En analysant l’image avec le logiciel « Astrometry.net », on fait apparaître une fraction de la nébuleuse du « Pélican » (cliquer sur l’image de départ pour la localiser).  Ces deux nébuleuses sont en fait deux parties du même nuage interstellaire d’hydrogène ionisé (région HII) qu’on voit séparées par une bande de poussière interstellaire intercalée entre la Terre et la nébuleuse. En absorbant la lumière des étoiles et de la nébuleuse se trouvant derrière elle, cette bande de poussière dessine le Golfe du Mexique. C’est une nébuleuse sombre classée dans le catalogue « Lynds Dark Nebula » sous le numéro LDN 935 [4]. Il est très difficile de déterminer les distances des nébuleuses sombres, mais elle doit être à environ 300 années-lumière en avant de North America.

Astrometry-net signale un amas d’étoiles ouvert NGC 6997 qu’on a bien du mal à distinguer parmi les autres étoiles environnantes [3]. Mais il est assez âgé, et ne s’est probablement pas formé dans la nébuleuse [5]. D’après [6] , NGC 6997 est à environ 200 années-lumière en arrière de North America.

La Nébuleuse est située entre 1 500 et 2 000 années-lumière, sa distance n’étant pas connue avec précision. Elle a été découverte par William Herschel le 24 octobre 1786, de Slough, en Angleterre [7].

Webographie :
[1] http://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/astronomie-video-nouveau-visage-nebuleuse-north-america-27965/
[2] http://www.nightsky.at/Photo/Neb/NGC7000_WN.html
[3] http://www.astropegase.com/emission+reflexion.htm
[4] http://heasarc.gsfc.nasa.gov/W3Browse/nebula-catalog/ldn.html
[5] http://atunivers.free.fr/5000lys/nebuleuses/ngc7000.html
[6] http://www.cloudynights.com/page/articles/cat/column/whats-up/what%E2%80%99s-up-ngc-7000-and-ngc-6997-in-cygnus-r2833
[7] https://en.wikipedia.org/wiki/North_America_Nebula

Rédaction : Michel Vampouille