L’image du mois de juin 2023 : la Lune gibbeuse et la Tête de Cobra
Pour ce premier mois d’été 2023, nous revenons dans notre proche environnement pour contempler notre satellite en couleur. Julien Denis l’a enregistré le 2 mai 2023, dans les règles de l’art en empilant les 10 meilleures photos d’un lot de 80, prises à 20 ms avec une lunette Sky-Watcher Esprit 100ED (100/550) équipée d’une caméra couleur ZWO ASI2600 MC, sur monture EQ6-R Pro, commandée par un antique boîtier AsiAir première génération. La mise au point a été faite manuellement avec un masque de Bahtinov.
L’empilement a été réalisé sous Siril et le traitement sous Pixinsight. La saturation des couleurs a été légèrement forcée, afin de contraster un peu la géologie lunaire.
La lune, gibbeuse à 89%, apparaît alors dans ses vraies couleurs. Les mers sont colorées en gris marron foncé, et noir, les plateaux et les cratères en gris marron clair et blanc.
Cette nuit-là, le terminateur commençait à illuminer une figure particulière, située à l’ouest de la lune, connue sous le nom de la “Tête de Cobra”. Il faut un peu d’imagination, mais sur la portion agrandie, on distingue deux cratères enserrant la tête d’un cobra dont le corps ondulant est constitué par une vallée.
Sur la photo suivante, les deux cratères, Aristarque et Hérodote, sont annotés, ainsi que le corps du serpent : la vallée de Schröter.
Aristarque est un remarquable cratère qui, malgré son modeste diamètre de 40 km, brille intensément. En fait, c’est le plus brillant de tous les grands cratères lunaires, caractère qui justifie son nom de “Phare de la Lune”. Il est même visible dans la lumière cendrée. L’âge d’Aristarque est estimé à 450 millions d’années. Profond de 3000 m, il arbore des versants internes en gradins qui entourent un fond plat portant une petite montagne centrale qu’on distingue ici, mais qui ne dépasse pas 500 m d’altitude.
Hérodote, le cratère voisin, est très différent. Il est plus âgé que lui, son fond de lave gris foncé trahissant une origine antérieure à celle de l’Océan des Tempêtes. Sa muraille de 35 km de diamètre, ne dépassant pas 1500 m est écrasée au nord par un craterlet bien visible.
La vallée de Schröter, sur le versant nord d’Hérodote, constitue la rainure lunaire la plus facile à observer. Longue de 160 km et large de 6 à 10 km, elle se dirige vers le nord, puis oblique vers l’ouest. Elle débute par un craterlet allongé formant “la Tête de Cobra” qui est sans doute une cheminée volcanique. De magnifiques images de cette région sont visibles dans un article de Guillaume Cannat.
Tycho, cratère bien remarquable, a été formé il y a 109 millions d’années, par l’impact d’une météorite de 10 km de diamètre qui heurta le sud de la Lune à grande vitesse. L’étonnante brillance de ce cratère de 85 km de diamètre prouve sa jeunesse. Il apparaît comme découpé à l’emporte-pièce dans la région continentale qui l’entoure. Une montagne centrale, de 10 km de diamètre, et de 1500 m de hauteur, émerge de son fond entouré par une muraille interne de 4800m m d’altitude comportant plusieurs rangs de gradins. Particulièrement visibles à la Pleine Lune, comme ici, de très longs éjectas rayonnent sur plus de 1000 km jusqu’aux trois mers environnantes : Connaissance, Tranquillité et Nectar. C’est dans Tycho que le scénariste du film “2001, l’Odyssée de l’Espace” place le fameux monolithe noir AMT1, véritable sentinelle enterrée là par des extra-terrestres, il y a des millions d’années. Le décor du film rend très bien compte de la réalité des cratères.
Copernic, autre cratère bien reconnaissable, le plus beau de la face visible, un œil presque au centre de la Lune, vu tout près de la verticale. Formé il y a 800 millions d’années, con état de conservation remarquable prouve que l’activité météoritique fut bien calme depuis sa création. Copernic, formé dans une mer, présente un aspect différent de celui de Tycho. Les matières éjectées, visibles sur la photo, se sont étalées comme une toile d’araignée sur une surface de 500 km, alors que celles de Tycho sont parties comme des obus en ligne droite sur des distances dépassant 3000 km. Soit l’impact de Copernic a été moins violent que celui de Tycho, soit mes matériaux marins liquéfiés étaient plus fluides. L’arène de Copernic forme un hexagone de 93 km de diamètre. La muraille, haute de 4000 km s’est effondrée en plusieurs gradins successifs. Le fond du cratère est plat, sauf au centre où s’élève un massif montagneux composé de 3 massifs principaux culminant à 1200 m.
Platon, au nord de la mer des Pluies se présente comme une grande tache sombre, qui constitue un indicateur très fiable de l’importance et de la direction des librations. Avec 100 km de diamètre, son fond plat, quasi-circulaire, est parsemé de quelques minuscules craterlets invisibles sur la photo.
Les mers, enfin, ainsi nommées par les premiers astronomes, parce qu’ils pensaient y voir une réplique des océans de la Terre, sont de vastes étendues basaltiques assez plates, vieilles de 3,8 à 3,1 milliards d’années. Elles recouvrent 17% de la surface totale de la Lune, avec une bien plus grande présence (inexpliquée) sur la face visible que sur la face cachée. Elles sont sans doute le résultat d’impacts météoritiques géants qui se seraient produits il y a 600 millions d’années après le début de la formation de la Lune. Ceux-ci, en perforant la croûte primitive, auraient permis l’épanchement en surface du manteau rocheux encore liquide. Nous avons nommé les principales qu’il est bon de savoir situer pour progresser dans le domaine de la sélénographie.
Bibliographie et webographie :
– Découvrir la Lune, éditions Bordas.
– https://astrogeology.usgs.gov/search/map/Moon/Geology/Unified_Geologic_Map_of_the_Moon_GIS_v2
– https://www.lemonde.fr/blog/autourduciel/2017/07/16/observez-lune-des-plus-belles-regions-lunaires/
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