Février 2023 : Additif à : Variation de la focale d’un Schmidt-Cassegrain, novembre 2013

Pour le mois de février 2023 : pas d’image du mois, mais une réponse à une très judicieuse remarque de Pierre Bourget, à propos de l’article suivant qui a été examiné par 10 900 lecteurs depuis sa parution en novembre 2013 : “Variation de la focale d’un télescope de Schmidt-Cassegrain en fonction de sa mise au point”.
Cette remarque, la voici :
Cependant, il me semble qu’il manque un volet à votre brillante démonstration, le 3e côté du triangle en quelque sorte : vous avez en effet fort justement explicité les relations entre focale et déplacement du miroir primaire, déplacement du foyer et déplacement du miroir primaire, mais la relation entre focale et déplacement du foyer me paraît encore plus intéressante !
En combinant les 3 tableaux que vous présentez, j’ai trouvé que cette relation
était pratiquement linéaire : var(F) ≃ 3,2 * dépl.foyer Ft, mais ça reste à démontrer.
Le déplacement du miroir, s’il est au centre du phénomène étudié ici, n’est qu’une action correctrice faisant suite à un déplacement, voulu par l’opérateur, du foyer de l’oculaire [ou du capteur de la caméra NDLR] qui complète ce télescope.
Effectivement, quand on est sur le terrain d’observation, ce qui importe d’un point de vue pratique, c’est de connaître, à l’avance, la variation de focale Df du télescope lorsqu’on recule ou qu’on avance volontairement l’oculaire ou la caméra (placées au foyer du télescope) d’une quantité connue et mesurable D(OsFt).

Démonstration de la relation entre la focale du télescope et le déplacement du capteur :
Pour bien resituer le problème, revenons au schéma optique qui a permis d’établir les deux lois dont il est fait état plus haut :schemaoptiqueTSCbr1ère loi : variation de la focale F = OFt en fonction de l’intervalle e entre les 2 miroirs :
1/F = 1/fp + 1/fs – e/fp.fs, avec fp et fs les focales (connues) des miroirs primaire et secondaire.
2ème loi : déplacement du foyer Ft du télescope en fonction de l’intervalle e entre les 2 miroirs :
1/OsFt = 1/OsFp + 1/fs, avec OsFp = fp – e, ce qui donne : 1/OsFt = 1/(fp-e) + 1/fs.

Ces deux lois sont établies avec e comme variable. Dans la pratique, ce qu’on peut mesurer, c’est n’est pas l’épaisseur e entre les deux miroirs, mais la variation de cette épaisseur par l’intermédiaire du nombre de tours avec lequel on a tourné la molette de la mal nommée “mise au point” : 2 tours = 1 mm. Cette mesure est délicate et peu pratique.
L’idée astucieuse du lecteur Pierre Bourget, c’est de combiner les lois 1 et 2 pour établir une seule loi entre la focale F et l’éloignement volontaire OsFt du foyer Ft du télescope, rapporté à Os (miroir secondaire fixe).
Appelons t (comme tirage) cette nouvelle variable, c’est à dire : t = OsFt.
De la loi 2, on tire facilement la quantité : fp – e = t.fs/(fs-t) qu’on reporte dans la relation 1 qui s’écrit :
1/F = (fs + fp -e)/fp.fs.
Après report, on trouve la relation cherchée (3) :
F = fp -t.fp/fs (3),   rappelons ici que fs est négatif, et donc que F croît quand on recule l’oculaire ou le capteur (t augmente).
Relation particulièrement simple et intéressante, révélant la linéarité des variations de la focale du télescope avec le déplacement t de l’oculaire ou de la caméra.

Relation qu’on peut encore simplifier comme suit, pour un usage pratique sur le terrain.
Appelons F0, la focale du télescope pour une position donnée t0 de l’oculaire, la position “constructeur” pour fixer les idées (bien qu’on ne connaisse pas t0).
Pour cette disposition, la relation (3) s’écrit :
F0 = fp -t0.fp/fs (3bis)
Qu’on peut soustraire à la relation (3) pour obtenir :
F – F0 = -(t – t0).fp/fs ou encore :
DF = Dt.fp/lfsl (4)

Relation facile à mémoriser qui démontre que :
la variation de focale du télescope DF est proportionnelle au déplacement Dt de l’oculaire ou du capteur, et que le coefficient de proportionnalité est égal au rapport des focales primaire sur secondaire (sans le signe -).

Ainsi pour le Célestron 8 étudié dans l’article de novembre 2013, fp = 400 mm, lfsl =125 mm, le rapport : fp/lfsl = 3,2, valeur qui vient justifier le résultat numérique trouvé par l’auteur de cette remarque à partir des abaques données dans l’article de novembre 2013.
A partir d’une position t0 donnée, la variation de focale DF du Célestron 8 vaut donc 3,2 fois le déplacement Dt de l’oculaire ou du capteur.

Pour le télescope de l’auteur de la remarque, un Nextar 5, pour lequel Fp = 254 mm et lfsl = 63,5 mm, le rapport d’amplification vaut : fp/lfsl = 4.

Influence de cette méthode d’augmentation de la focale d’un Schmidt-Cassegrain sur la qualité optique de l’image obtenue :
A ce stade du raisonnement, la question légitime qu’on doit se poser est la suivante :
Sur un Schmidt-Cassegrain, peut-on remplacer une lentille de Barlow par un recul “important” de l’oculaire ?
Question d’ailleurs posée par Arnaud Bouvet et Thierry Legault dans une discussion sur Webastro le 13 Août 2020. Ces deux auteurs évoquent à juste titre :
que devient l’aberration sphérique au foyer du miroir primaire, corrigée par la lame de Schmidt travaillant dans des conditions non prévues par le constructeur ?
– un possible problème de baffle “trop court” à l’intérieur du tube, protégeant d’éventuelles lumières parasites, l’ouverture circulaire du barillet du primaire.
Et au final, concluent : “C’est une fausse bonne idée. Depuis le temps que les C8 existent (50 ans tout de même), ça se saurait !”.

Personnellement, je ne serais pas aussi catégorique !
Malgré mes recherches actuelles et mes souvenirs anciens (oubliés !) des cours de Mr Maréchal sur les aberrations géométriques à l’Institut d’Optique d’Orsay, je n’ai pas d’arguments assez probants pour répondre aux deux questions ci-dessus.

Par contre, j’ai un élément de réponse pratique qui illustre bien la réalisation et le fonctionnement du télescope avec la caméra très éloignée en aval de celui-ci.
Cette réponse est constituée par le résultat d’observations de la planète Mars et de deux photographies obtenues en mars et avril 2014 par Christophe Mercier, un adhérent confirmé de notre association.
Son matériel de prise de vue (voir son article à son nom) était le suivant :
– Télescope Schmidt-Cassegrain Meade 10 pouces = 254 mm de diamètre. Focale constructeur : 2 500 mm.
– Barlow X 2 Télévue portant la focale à 5 000 mm.
– Tube de 1 000 mm et 50 mm de diamètre.
– Correcteur de dispersion chromatique de 40 mm de long (supposé).
– Caméra DBK 21AU618.AS.
A partir de ces données, on peut évaluer l’ordre de grandeur de la valeur “théorique” de l’allongement de focale DF avec le résultat de la formule (4) : DF = Dt.fp/lfsl
La miroir du primaire du Meade 2500 est ouvert à F/2. Sa focale fp est donc de 500 mm.
Le miroir du secondaire est aussi ouvert à F/2 et on “évalue” l’écartement entre les deux miroirs à 400 mm, ce qui conduit à fs = – 125 mm. Et le rapport d’amplification à : fp/lfsl = 4.
On en tire DF = 4 Dt = 4 X (1 000 + 40) = 4 160 mm
Le tube de 1 mètre de long + l’ADC de 40 mm conduit donc à une focale résultante “théorique” de :
F = 5 000 + 4 160 = 9 160 mm

Christophe et moi-même avons souhaité vérifier expérimentalement ce résultat avec le rapport entre le diamètre angulaire de la planète Mars donné par Stellarium : a = 15,2″ ou 73,7 nanoradians, et celui, linéaire, de l’image de la planète donnée par la photo sur le capteur : D = 690 µm.
La focale expérimentale estimée vaut donc :
F = D/a = 9 360 ! Valeur compatible avec les 9 160 mm attendus : 2% d’erreur relative !
Visiblement, la théorie fonctionne et la manipulation montre que la photo de la planète Mars est réalisable avec le dispositif décrit.

Qu’en est-il de sa qualité optique ?
Pour en juger, observons l’image obtenue le 18 mars 2014 :

Géographie martienne 18 mars 2014 Christophe Mercier
et celle du 15 avril 2014 :
Géographie martienne 15 avril 2014 Christophe Mercier
Chacun interprétera ces images à l’aune de ses propres résultats ou de ceux publiés par divers amateurs, mais en 2014, tous les membres de l’association ont applaudi et félicité Christophe pour la richesse des détails et des nuances nettement visibles sur la planète. Il serait intéressant de comparer ces photos avec celles qu’on obtiendrait avec le même appareillage muni d’un quadrupleur de focale.
Un défaut optique qui ne peut être observé ici sur un fond de ciel noir : c’est la présence ou l’absence d’un éventuel vignettage.
En ce qui concerne la résolution spatiale, il faut savoir que la tache d’Airy donnée par le dispositif a un diamètre à mi-hauteur de : l.F/D = 18 µm (avec l = 0,5 µm), couvrant 3 pixels du capteur (5,6 µm), et que l’image de la planète ne contient que 437 “échantillons” significatifs.