L’image du mois d’octobre 2014 : spectre de Beta Lyrae : étoile binaire spectroscopique

Comme chaque année à cette époque, nous consacrons cette rubrique à un article sur la spectroscopie des étoiles. Cette fois, nous nous sommes intéressés à l’étoile Shelyak (ou β Lyrae), une « étoile binaire à éclipses » représentative de la classe des « étoiles binaires spectroscopiques ».

1vegagarnetshelyakhrUne telle étoile comprend deux composantes très rapprochées tournant mutuellement autour de leur centre de gravité. Si le plan de révolution des deux astres se trouve sensiblement dans la ligne de vision de l’observateur, ceux-ci s’éclipsent mutuellement à intervalles réguliers. Leur courbe de lumière présente alors des périodes de luminosité pratiquement constante entrecoupées de chutes d’intensité périodiques. C’est ce type de courbe qui trahit leur nature binaire.
Quant au caractère « binaire spectroscopique », il provient de l’effet Doppler-Fizeau, les spectres de chacune des deux étoiles étant décalées en sens inverse l’un de l’autre sur l’échelle des longueurs d’onde. Celui de l’étoile qui s’éloigne de nous est déporté vers le rouge, alors que celui de l’étoile qui se rapproche de nous est dévié vers le bleu. Une binaire spectroscopique présente donc un spectre dédoublé.
Nous présentons trois spectres complémentaires :
– Celui de l’étoile Véga qui servira à étalonner l’appareil en longueurs d’ondes et à caractériser les performances du capteur dans le bleu.
– Celui de l’étoile « Grenat » (Garnet Star ou μCéphée) pour évaluer la résolution effective du spectroscope et la réponse du capteur dans le rouge.
– Et enfin, celui de l’étoile binaire spectroscopique Shelyak (β Lyrae) avec ses pics brillants dédoublés.
Cliquer sur l’image pour l’obtenir en résolution supérieure.

Modalités d’obtention des spectres :
Les trois spectres présentés ci-dessus ont été obtenus avec un spectroscope « sans fente » composé d’un APN Canon EOS 40D complètement défiltré équipé d’un téléobjectif Canon 200 mm ouvert à F/2.8 sur lequel nous avons fixé un nouveau réseau de diffraction par transmission, « blazé » dans l’ordre 1, de 300 traits/mm, de dimensions 50 x 50 mm. Par rapport à celui que nous utilisions auparavant (300 t/mm, 25 x 25 mm), nous devrions gagner un facteur 4 en luminosité et un facteur 2 en résolution. Le réseau tourne dans son logement de façon à rendre la direction de dispersion parallèle au grand côté du capteur. La focale de l’objectif et la fréquence spatiale du réseau de diffraction ont été choisis pour qu’un spectre dans le domaine visible couvre presque entièrement la largeur du capteur. L’APN est muni d’un dispositif de rotation autour d’un axe vertical de façon à centrer le spectre visible de l’étoile visée sur le capteur. L’ensemble est monté sur une monture avec suivi débrayable et fonction GO TO. Une fois le spectre de Véga convenablement centré sur le capteur, celui des autres étoiles est recherché avec leurs coordonnées AD et RA entrées dans la mémoire de la raquette.
L’APN est commandé par un ordinateur portable qui permet le stockage et l’analyse sur le terrain des spectres photographiés. Leur traitement (offset, dark, registration, empilement, rotation, slant, conversion en noir et blanc, analyse des spectres bruts, étalonnage en longueurs d’ondes, …) sont faits avec IRIS. Ils seront repris ultérieurement avec Visual Spec pour une analyse calibrée en intensité.

Exploitation du spectre de Véga :
Le spectre de Véga présenté ci-dessous (cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure) va nous servir de référence pour analyser les deux autres spectres réalisés au cours de la même séance.
Il résulte de l’addition de 2 pauses de 30 secondes enregistrés avec le suivi débrayé. Cette façon de faire (uniquement avec des étoiles lumineuses) donne directement un spectre facilement lisible, car étalé en hauteur. Les possibilités de réglage rapportées plus haut permettent d’avoir une direction de dispersion parallèles au grand côté du capteur et des bandes sombres d’absorption bien perpendiculaires à celle-ci.
2vegaspectreetcourbehrOn distingue sans aucune ambiguïté 6 (voire 7) raies sombres correspondant à l’absorption sélective de la lumière par l’Hydrogène contenu dans la chromosphère de l’étoile, ainsi que 2 bandes d’absorption par l’atmosphère terrestre.
En repérant les positions des raies Hα (pixel : 2962, λ = 656,3 nm) et Hβ (pixel : 1218, λ = 486,1 nm) sur l’enregistrement, on étalonne l’axe horizontal en longueurs d’onde. Pour cela, nous menons les calculs avec la loi des réseaux et les données suivantes : focale de l’objectif : 193,33 mm (mesurée au moyen d’une manipulation dédiée), taille d’un pixel : 5,71 µm, adresse du pixel au milieu du capteur : 1954. On détermine alors :
– l’angle d’incidence du faisceau sur le réseau : 9,72°,
– le pas du réseau : 3,3055 µm, correspondant à une fréquence spatiale de 302,5 traits/mm (donnée fabricant : 300 traits/mm).
– la dispersion : 0,976 Angström/pixel en moyenne.

Grâce à ces résultats préliminaires, on peut, toujours avec la loi des réseaux, déterminer avec précision la longueur d’onde des autres raies sombres d’absorption. Les résultats sont résumés dans le tableau suivant :

vegatableauComme on peut le constater, l’erreur absolue sur les longueurs d’onde ne dépasse  pas 0,3 nm : la précision de nos mesures est donc très satisfaisante. Il est probable que le logiciel Visual Spec conduise à la même précision, mais la transformation ultérieure de cette étude en un TIPE nous a fait préférer cette méthode de calcul illustrant les cours d’optique ondulatoire enseignés en classe préparatoire.

Au passage, on remarque que le domaine spectral mesuré par notre chaîne instrumentale s’étend de 380 nm dans le bleu jusqu’à 740 nm dans le rouge. On peut noter qu’il est difficile de faire plus large, puisque le spectre d’ordre 2 commence à partir de la longueur d’onde : 2 x 380 = 760 nm.

Exploitation du spectre de Garnet star :
Garnet star ou « étoile Grenat » passe pour être l’étoile la plus rouge du ciel. Elle doit donc présenter un spectre très pauvre dans le bleu et très fourni dans le rouge et le proche infrarouge. Le spectre présenté ici est obtenu par l’empilement sous Iris de 10 enregistrements posés 30 secondes chacun.

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3garnetspectrecourbe
Commé prévu, le spectre de Garnet star est très intense dans le rouge (jusqu’à 800 nm environ, limite au-delà de laquelle on voit poindre le spectre d’ordre 2) et très pauvre dans le bleu (rien en dessous de 450 nm). Pour ce type d’étoiles « froides », l’intérêt du défiltrage du capteur est évident. La mesure de la tempétature de la photosphère est impossible ici. Le logiciel Visual Spec étant nécessaire pour s’affranchir de la réponse instrumentale en intensité de l’appareillage.
On peut néanmoins estimer la résolution effective de l’ensemble en analysant l’allure du doublet du Sodium dont les raies sont espacées de 0,6 nm. Ici, les 2 raies sont parfaitement résolues et on peut estimer à 0,3 nm la limite du plus petit détail spectral observable.
Cette estimation conduit à une résolution effective de 589/0,3 = 1 963 arrondis à 2 000. 
Compte tenu du coût raisonnable du réseau et de la simplicité d’emploi de l’instrument, cette performance est très honorable.

Exploitation du spectre de β Lyrae (Shelyak) :
β Lyrae est un système d’étoile binaire à contact à éclipses constitué d’une étoile naine bleue-blanche de type spectral B7Ve et d’une étoile blanche de type A8V. Les deux étoiles sont assez proches pour que la matière de la photosphère de l’une soit attirée vers l’autre, donnant aux étoiles une forme ellipsoïdale. β Lyrae est le prototype de ce type de binaires à éclipses, dont les composantes sont si proches qu’elles sont déformées par leur attraction mutuelle. La magnitude apparente de Beta Lyrae varie de +3,4 à +4,6 sur une période de 12,9075 jours. Les deux composantes de l’étoile principale sont si proches qu’elles ne peuvent être résolues avec un télescope optique, formant une binaire spectroscopique que l’analyse spectrale permet de dévoiler [1].
Le spectre de β Lyrae présenté ci-dessous a été obtenu à partir de l’empilement de 11 enregistrements de 30 secondes chacun.
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5shelyakspectreourbeL’une des étoiles étant de type Be, c’est à dire une étoile chaude à émission, il est normal de trouver des pics d’émission brillants dans le spectre. Ceux-ci proviennent des gaz excités de la photosphère, traversés par le rayonnement lumineux très énergétique de l’étoile. Nous avons signalé les trois plus importants qui correspondent aux longueurs d’onde Hα (656,3 nm), Hβ (486,1 nm) et Hélium1 (587,6 nm).
On en distingue d’autres moins intenses à 492.1, 501.5, 667.8, 706.5 nm…, qui correspondent aux autres raies de l’Hélium. L’abondance des pics d’émission « secondaires » traduit le bon comportement de l’instrument.
On distingue aussi des raies d’absorption provenant de l’autre étoile de type A un peu plus froide.
Quand on analyse plus en détail la courbe d’intensité de chaque pic d’émission avec la fonction « coupe » d’Iris appliqué au spectre originel s’étendant sur plus de 3800 pixels (attention, la photo présentée a subi un changement d’échelle de facteur 0,35 selon l’axe horizontal), on remarque que chaque pic est creusé par une étroite raie d’absorption décentrée toujours du même côté. Ce profil spectral, caractéristique des étoiles binaires spectroscopiques, provient du décalage par effet Doppler-Fizeau, des spectres différents de chaque composante. Le jour de l’observation, l’une des composantes entraînée par son mouvement de rotation, s’éloignait de nous. Son spectre est donc décalé vers le rouge (vers la droite, ici). Alors que l’autre se rapproche de nous, mouvement qui entraîne son spectre vers le bleu (vers la gauche). Ici, c’est la composante de type Be (avec ses pics d’émission) qui s’éloigne de nous, et celle de type A (avec ses raies sombres d’absorption) qui s’approche.
Sur les profils à l’échelle 1, nous avons mesuré les écarts spectraux entre la raie d’absorption et le pic d’émission. Les raies spectrales non décalées par effet Doppler se trouveraient juste au milieu de ces écarts. Aux erreurs de mesure près, nous avons trouvé un écart moyen Δλ de 4 Angströms. Cette mesure permet de remonter à l’ordre de grandeur des vitesses radiales, notées VrA et VrBe, avec laquelle chaque composante s’approche ou s’éloigne de nous. Cette mesure seule ne permet pas d’accéder aux vitesses réelles.
Au moyen de la relation : Δλ/λ = 2 Vr/c (c= célérité de la lumière dans le vide = 300 000 km/s), on trouve, en faisant la moyenne des trois mesures :
VrBe : + 108 km/s  (elle s’éloigne),  et VrA = – 108 km/s (elle s’approche).
Au vu des valeurs trouvées dans les catalogues d’étoiles binaires, ces valeurs sont parfaitement plausibles.
Pour compléter cette étude, il faudrait encore faire :
– une analyse en intensité, pour trouver le vrai profil spectral de l’étoile (ici, il est déformé par la réponse spectrale de l’appareillage),
– plusieurs observations espacées de quelques jours pour analyser l’évolution du profil spectral des pics Δλ passe par 0 quand les composantes sont alignées par rapport à nous, puis la raie d’absorption passe à droite du pic brillant, et ainsi de suite…),
– plusieurs observations avec analyse de la courbe de lumière, c’est à dire de la magnitude apparente de l’étoile au fil des jours.
Ce travail est réalisé par les chercheurs professionnels, mais aussi par des amateurs passionnés (et compétents) qui répondent à des campagnes d’observation lancées par des grands organismes de recherche en astronomie.

Webographie :
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/Beta_Lyrae

Rédaction : Michel Vampouille




L’image du mois de novembre 2013 : spectres d’étoiles des types Be et LBV

Une fois par an, nous essayons de nous intéresser à la spectroscopie des étoiles ou du soleil. Pour ce mois de novembre 2013, voici deux spectres d’étoiles « en émission » : Gamma Cassiopée et P Cygni. La première est  une étoile « de type B à émission » (en abrégé : une étoile de type Be). La seconde est une « Variable Lumineuse Bleue » (LBV). Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.

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Depuis 1987 (Collins), la définition admise pour une étoile Be est la suivante [1] : c’est une étoile de type spectral B possédant une température effective comprise entre 10 000 et 30 000 °K, non supergéante (de 3 à 20 masses solaires), qui a été observée, au moins une fois, avec au moins, une raie spectrale en émission (c. à d. brillante) appartenant à la série de Balmer de l’Hydrogène (trois raies dans le visible : Hα dans le rouge à 656.3 nm , Hβ dans le bleu à 468.1 nm, et Hγ à 434,0 nm). Sur le premier spectre présenté (Gamma Cassiopée), on distingue très bien deux raies brillantes et fines, l’une dans le rouge, l’autre dans le bleu, qui sont respectivement les raies Hα à et Hβ.
Quant à la « Lumineuse Variable Bleue » P Cygni, il s’agit d’une étoile hypergéante de type B1, une des étoiles les plus lumineuses de la voie Lactée. Ces étoiles sont si massives et si énergétiques (typiquement 50 fois la masse de notre Soleil et des dizaines de milliers de fois plus lumineuses) qu’elles épuisent leur carburant nucléaire très rapidement. Après avoir brillé seulement quelques millions d’années, elles dégénèrent en supernovas. Elles émettent les raies de l’Hydrogène, et aussi d’autres raies de composants chimiques plus lourds. C’est ce que nous montre le deuxième spectre dans lequel on distingue nettement une raie brillante dans le jaune-orange. Nous allons essayer déterminer son origine.

Conditions de prise de vue :
Les enregistrements ont été réalisés en août 2013 par Michel Vampouille avec le dispositif déjà décrit en 2011 dans l’article du mois d’octobre, à savoir un réseau de diffraction en aval de l’objectif de l’appareil photo numérique qui disperse la lumière des étoiles visées et forme leurs spectres dans le plan du capteur.
Sur l’APN Canon EOS 40D complètement défiltré pour augmenter sa sensibilité dans le rouge, un filtre EOS-Clip neutre, d’épaisseur identique à celui qui a été supprimé, a été ajouté pour permettre la mise au point à l’infini. Le boîtier est équipé d’un objectif Canon 200 mm ouvert à F/2.8 sur lequel est monté un réseau de diffraction par transmission de 300 traits/mm, de dimensions 25 x 25 mm, donnant une ouverture de F/10 environ. Comme dans la direction de diffraction, la transmission est de l’ordre de 25 %, l’ouverture effective tombe à F/20 d’un point de vue luminosité. C’est évidemment assez peu. L’achat d’un réseau 50 x 50 mm est en cours.
La position du réseau est ajustée pour que les spectres soient orientés parallèlement à la grande base du capteur. La résolution de l’ensemble a été précédemment estimée à 1200 [3].
L’APN est fixé sur une monture Vixen GP sans GO TO, mais avec suivi. Détail pratique : celui-ci tourne sur son axe en conservant la hauteur et l’orientation des spectres sur le capteur.
La sensibilité utilisée a toujours été poussée à 1600 ISO en sachant très bien que le bruit engendré ne sera pas négligeable.
La température de couleur a été abaissée à 3000°K pour atténuer la dominante rouge du ciel due au défiltrage du capteur.
Le temps de pose pour chaque photo est de 30 secondes afin de conserver un fond de ciel relativement noir. Plusieurs poses sont répétées pour chaque spectre.
La commande de l’APN et le contrôle des images enregistrées se font au moyen d’un ordinateur portable et du logiciel « Canon EOS Utility ». Avec ce dispositif, on visualise les spectres en temps réel de façon très confortable. Le « Live-view » de l’APN est inopérant à cause de la très faible luminosité.

Repérage des étoiles :
Le repérage de l’étoile γ Cassiopée ne pose pas de difficulté. Elle est relativement isolée au milieu de la constellation et sa magnitude confortable de 2,5 permet de la visualiser dans le viseur de l’APN. Une fois qu’elle est centrée dans le champ, on fixe le réseau sur l’objectif, on l’oriente convenablement, on tourne l’APN sur son écrou de fixation d’une dizaine de degrés dans le bon sens et on voit apparaître très faiblement le spectre cherché dans le viseur.
Pour l’étoile P Cygni (34 du Cygne), l’opération est plus délicate à cause de sa plus faible magnitude (4,8 en moyenne) et de son entourage très peuplé. Ainsi que le montre la photo suivante qui représente un quart de la surface du capteur de l’APN, il faut commencer par la trouver sur l’écran de l’ordinateur en se référant à Stellarium qui donne la position des étoiles voisines plus lumineuses (Sadr notamment, à l’intersection du corps et des ailes du Cygne) et de l’amas ouvert M29. Avec une monture GO TO, cette étape serait plus simple.

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Ensuite, on monte le réseau et on tourne l’APN de 10 degrés. Une vingtaine de spectres de très faible luminosité apparaît à l’écran. Pour trouver celui qui nous intéresse, on a pris soin de mesurer la différence de hauteur entre Sadr et P Cygni sur l’original de la photo ci-dessus, et on la reporte sur l’image qui contient tous les spectres. Des points brillants permettraient d’identifier le spectre de P Cygni avec certitude, mais sur le moment, ils sont invisibles. Ce n’est qu’avec le logiciel Iris qu’ils apparaîtront…, le lendemain matin.

Traitement des images :
Il a été fait avec le logiciel Iris. Après un prétraitement soigné (offset, dark avec fichier cosmétique conséquent, flat) appliqué à chaque image, on procède à un recalage (registration) des spectres, puis à leur addition. Toute la procédure pour la spectroscopie est très bien expliquée dans un article [4] de Christian Buil, le créateur du logiciel Iris.
Quatre spectres ont été empilés pour chaque étoile. Sur chaque empilement, on procède à un nettoyage manuel avec la commande manuelle « Max » pour supprimer les points chauds résiduels et les spectres non utiles, et on ajuste la direction des lignes spectrales pour les rendre rigoureusement horizontales.
En vue de procéder à des analyses quantitatives, on convertit les images couleur en noir et blanc (commande « 48 bits vers 16 bits ») et on élargit en hauteur les lignes spectrales avec la commande manuelle « l_bin ». On obtient alors des spectres en noir et blanc, de hauteur 20 pixels, qu’on peut ajuster aux dimensions désirées avec la fonction  » changement d’échelle ». A ce stade, l’analyse quantitative peut se faire avec la commande « Coupe » qui délivre un graphique avec les numéros de pixels en abscisse et les intensités spectrales en ordonnée. Une étude plus poussée passera par les logiciels spécialisés comme « Isis », « Spectrace » ou « Visual Spec ».

Sur les deux photos-montages suivants, on a représenté les spectres en noir et blanc en correspondance avec leurs graphes respectifs obtenus avec la commande « Coupe ». Les numéros des pixels ont été remplacés par un étalonnage en longueur d’onde. Les raies brillantes Hα et Hβ apparaissent sans ambiguïté sur les deux spectres. Celui de P Cygni présente en outre une troisième raie brillante dans le jaune orange au voisinage de 580 nm dont nous allons déterminer l’élément chimique qui en est responsable. graphegammacassiopéerectifié

Étalonnage des spectres en longueur d’onde :
En vue de réaliser un TIPE avec cette étude, nous avons choisi d’étalonner chacun des spectres avec la loi des réseaux de diffraction par transmission qui fait intervenir l’angle d’incidence des rayons lumineux sur le réseau, l’angle d’émergence des rayons diffractés, la longueur d’onde et le pas du réseau. La position des différentes raies brillantes Hα et Hβ sur le capteur est déterminée au moyen de leur adresse (pixels numéros : 3168 et 1441) donnée par le logiciel Iris. Avec le numéro de pixel situé au milieu du capteur (1944) correspondant à la direction d’émergence perpendiculaire au réseau, la taille des pixels : 5,71 µm, et la distance focale du téléobjectif utilisé : 193,3 mm mesurée au moyen d’une manipulation préalable (et non 200 mm comme indiqué sur la monture), on calcule successivement :
– l’angle d’incidence des rayons lumineux provenant de l’étoile visée : 9,25° (cette valeur explique pourquoi on doit tourner le réseau d’une dizaine de degrés pour faire apparaître le spectre de l’étoile visée),
– pour vérification, la longueur d’onde de la raie Hα qui correspond bien à 468,1 nm,
– la dispersion moyenne du réseau : 10,10 pixels/µm.
On peut alors tracer une échelle linéaire des longueurs d’onde en abscisse. Il faut bien retenir que cette échelle ne donne qu’une estimation de la longueur d’onde. Pour avoir plus de précision sur la longueur d’ondes d’autres raies, il faut revenir à leur adresse sur le capteur.

Détermination de l’origine de la raie d’émission inconnue dans le spectre de P Cygni :
Avec la loi de dispersion non linéaire des réseaux et le numéro de pixel (2469) de la raie brillante dans le jaune-orange de P Cygni, on trouve que la longueur d’onde inconnue médiane du spectre vaut : 587,4 nm.
En examinant les spectres d’émission des éléments chimiques plus lourds que l’Hydrogène, on trouve sans beaucoup de difficultés que la longueur d’onde mesurée correspond à la raie d’émission jaune-orange de l’Hélium à 587,6 nm [5]. Ce résultat semble assez normal, vu que dans ce type d’étoile très chaude, les réactions nucléaires ont déjà transformé une grande quantité d’Hydrogène en Hélium.

Caractéristiques générales des étoiles des type Be et LBV :
La première étoile de type Be a été découverte en 1866 par le père Angelo Secchi, directeur de l’Observatoire du Vatican. Il remarque que la raie Hβ de l’étoile Gamma Cassiopée (la première que nous avons présentée) est en en émission et qualifie cette émission de « curieuse ». En 1931, Otto Sturve, astronome ukrainien/américain, donne la première explication cohérente en suggérant la présence d’une enveloppe gazeuse autour des étoiles de type B en émission. De plus, il met en évidence le fait que les raies en émission, élargies par effet Doppler, apparaissent dans les étoiles en rotation très rapide, entraînant dans leur course l’enveloppe de gaz qui les entoure. Les étoiles Be sont des rotateurs très rapides qui tournent près de la vitesse critique à laquelle la force centrifuge contrebalance la gravité.
Sujettes à de nombreuses variations sur différentes échelles de temps, elles subissent des variations périodiques de leurs caractéristiques :
– à court terme dues à des pulsations et à la rotation,
– à plus long terme, reliées à la présence d’un vent radiatif et du disque,
– et épisodiques, associées à des éjections de matière de l’étoile vers son disque.

Quant aux étoiles LBV dont P Cygni est la plus typique [6], ce sont des étoiles très massives (50 à 150 fois notre soleil), très chaudes (50 à 100 000 degrés) et très actives (des millions de fois plus brillantes que notre soleil) entourées d’un vent violent qui éjecte constamment de la matière et fait varier lentement leur luminosité. Ponctuellement secouées par des expulsions occasionnelles et importantes de matière, elles sont habituellement entourées de nébuleuses créées par ces explosions. A cause de leur masse élevée et de leur très grande luminosité, leur durée de vie est relativement très courte : quelques millions d’années. P Cygni a été vue la première fois vers 1600 par Willem Ja, un astronome hollandais, avec une magnitude 3 . En 1626, on ne la voyait plus à l’œil nu. Elle s’éclaircit à nouveau en 1655, mais disparaît en 1662. Une explosion se produit en 1665, suivie par de nombreuses fluctuations. Depuis 1715, P Cygni est une étoile variable de magnitude 4,8 ± 0,5. Elle est située à environ 5 000/6 000 années-lumière de nous.

Afin de comprendre les mécanismes complexes qui régissent leurs fluctuations, des campagnes d’acquisitions des spectres de ces types d’étoiles (notamment le profil de la raie Hα pour les LBV) sont périodiquement lancées par les professionnels en direction des amateurs [par exemple : 7-8].

Si la spectroscopie des étoiles vous tente, n’hésitez pas, lancez-vous…

Webographie :

[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89toile_Beγ
[2]
http://en.wikipedia.org/wiki/P_Cygni
[3]
http://saplimoges.fr : L’image du d’octobre 2012 ou comment obtenir le spectre du Soleil
[4] http://www.astrosurf.com/buil/us/stage/session2/course3.htm
[5] http://classroom.dexter-southfield.org/nasa/files/imagine/docs/teachers/lessons/xray_spectra/worksheet-specgraph2-sol.html
[6] https://fr.wikipedia.org /
[7]
http://spectro-aras.com/forum/viewforum.php?f=17
[8]
http://gabalou.canalblog.com/archives/2013/03/28/26758710.html

Note : pour plus d’informations sur le détail les calculs, s’adresser à l’auteur, cette manipulation faisant actuellement l’objet d’un TIPE (Travail d’Intérêt Personnel Encadré).

Rédaction : Michel Vampouille. Relecture : Christian Jacquier




L’image du mois d’octobre 2011 : spectroscopie d’étoiles

Pour ce mois d’octobre 2011, nous vous présentons des images portant sur le thème de la spectroscopie des étoiles. Depuis plus de deux ans (voir l’image du mois d’août 2010), l’auteur de ces lignes essaie d’améliorer et de valider la technique d’enregistrement des spectres d’étoiles qui consiste à remplacer le spectroscope traditionnel par un simple réseau de diffraction placé sur l’objectif de l’appareil photographique lui-même fixé sur un pied classique. Dans cette configuration, c’est le mouvement de la Terre pendant la pose (1 minute environ) qui élargit le spectre en hauteur grâce au déplacement relatif de l’étoile visée sur le film.
Quelle résolution (faculté de distinguer deux raies spectrales très rapprochées) peut-on attendre de cette technique ?
C’est à cette question que les trois spectres présentés ci-dessous vont tenter d’apporter une réponse.
Ils ont été obtenus par Michel Vampouille avec un réseau par transmission de prix modique, à 300t/mm, très efficace dans le 1er ordre de diffraction, de dimension 30 X 45 mm. L’appareil photo est un Canon EOS 40D posé sur un pied très stable et muni d’un objectif de focale 200 mm, ouvert à F/2,8 (un téléobjectif « classique » aurait suffi).
Cliquer sur les spectres pour les observer en haute résolution numérique.
SpectreshrbisLe premier spectre est celui de l’étoile Véga. Sa forme générale bien respectée et les trois raies d’absorption bien visibles de l’hydrogène nous serviront à l’étalonnage en intensité et en longueurs d’onde.
Le deuxième correspond à l’étoile Arcturus. On y distingue bien les nombreuses raies d’absorption, mais leur contraste et leur netteté sont inférieures à ce qu’on pouvait espérer.
Le troisième est encore celui d’Arcturus, mais cette fois le réseau a été diaphragmé pour atténuer ses défauts et malgré la baisse de luminosité, les performances sur la résolution sont en bon accord avec les prévisions.
Si vous voulez en savoir plus sur la méthode d ‘analyse de ces spectres et sur la mesure de la résolution atteinte, lisez la suite.
Les informations ci-dessous sur l’analyse des spectre et la mesure de la résolution sont données à titre indicatif. Elles n’ont pas d’autre prétention que de décrire les différentes étapes suivies par l’auteur pour parvenir à l’amélioration de la résolution. Il y a bien d’autres manières de procéder pour atteindre le même résultat. Il appartiendra donc au lecteur intéressé d’adapter, de remplacer, voire de supprimer telle ou telle consigne en fonction de son matériel et de son savoir-faire.

Pour commencer, rapportons la technique de prise de vues :
– APN Réflex avec « Live View », objectif de bonne qualité optique de focale autour de 200mm, sensibilité inférieure à 800 ISO si possible, pied classique très stable, déclencheur à distance avec minuterie (ou retardateur). Format RAW vivement recommandé.
– Viser l’étoile souhaitée (sans le réseau) et réaliser la meilleure mise au point possible avec le « Live View » et la loupe 10X.
– Réseau par transmission 300t/mm avec dispositif rotatif permettant de le placer sur l’objectif. Un montage en carton suffit amplement pour commencer.
– Placer le réseau sur l’objectif avec précaution pour ne pas dérégler la mise au point. Orienter les traits du réseau perpendiculairement au plateau de fixation de l’APN.
– Tourner l’APN d’environ 8° sur son support pour faire apparaître le spectre souhaité.
– Faire une première pose de 1 minute pour connaître la direction du filé de l’étoile.
– Par approches successives, essayer de mettre cette direction à peu près perpendiculaire au spectre.
Vous devez obtenir une image qui ressemble à celle donnée ci-dessous, avec éventuellement un fond moins noir.
3 Arcturusbrut– Lorsque l’image obtenue vous convient, la répéter plusieurs fois.
– Ne pas oublier de faire des « darks » et des « offsets ».

Continuons par le « développement » numérique des enregistrements. Nous en ferons deux distincts :
– un pour obtenir des spectres en couleur publiables dans un article, mais inexploitable de manière quantitative,
– un autre en noir et blanc, peu esthétique, mais riche d’informations exploitables avec le logiciel gratuit adapté au traitement des spectres « Visual Spec ».

Développement couleur adapté à leur présentation :
– Transférer les fichiers RAW sur un ordinateur et les ouvrir avec le logiciel de la marque de votre APN (Digital Pro pour Canon) qui va conserver l’information sur les adresses des pixels.
– Les convertir en JPG et les enregistrer.
– Les importer dans le logiciel gratuit de traitement d’images IRIS.
– Utiliser les fonctions « Rotation » et « Slant » pour rendre les spectres horizontaux et les raies spectrales bien perpendiculaires à la direction des spectres. Sauver les images obtenues.
– Les transposer dans le logiciel cosmétique de votre choix pour améliorer le rendu des couleurs et la qualité du noir et. Découper la partie intéressante.

On obtient alors un des spectres présentés sur la première photo.
Les autres provenant d’autres étoiles sont obtenus de la même façon.
Les juxtaposer les uns au-dessous des autres en respectant la position des raies sombres communes. En faisant ainsi, on identifie très facilement la présence ou l’absence des raies d’absorption. Par exemple : raie Hβ (dans le bleu) du spectre d’Arcturus, ou bien raies du Sodium à peine visibles (dans l’orange) du spectre de Véga.

Développement Noir et Blanc adapté au traitement quantitatif des données :
– Transférer les fichiers RAW de départ dans le logiciel IRIS et les sauver au format PIC noir et blanc (un des formats admis par Visual Spec).
– Idem pour les « darks » et les « offsets ». Faire le prétraitrement habituel pour supprimer les points chauds et obtenir un fond noir « d’intensité » comprise entre 0 et 100. Si certains points chauds résistent, intervenir manuellement avec les fonctions « Max » et « Erase » d’Iris. Il est préférable qu’aucun point chaud ne figure sur le spectre.
– Utiliser les fonctions « Tilt » et « Slant » pour rendre les spectres horizontaux et les raies spectrales bien perpendiculaires à la direction des spectres. Soigner particulièrement ces deux opérations.
– Utiliser la fonction « Fenêtrage » pour découper la partie utile du spectre.

L’image que vous obtenez doit ressembler à celle-ci : toutes les opérations effectuées ont respecté à la fois l’adresse des pixels et l’intensité spectrale, deux conditions indispensables pour faire des mesures.

4 veganb

– Transférer ensuite ce fichier au format PIC noir et blanc dans le logiciel « Visual Spec ». Celui-ci a pour rôle (entre autres) de transformer le spectre ci-dessus en un graphe donnant, après étalonnage, l’intensité spectrale en fonction de la longueur d’ondes. Le spectre ci-dessus prend alors l’allure du graphe ci-dessous :
5b spectrevega51mai avec légendesLe spectre mesuré est la courbe en bleu. Faire l’étalonnage avec deux raies d’absorption. On peut la comparer à la courbe réelle (en violet) contenue dans la bibliothèque du logiciel. Bien évidemment, le spectre réel est affecté par la réponse spectrale du capteur en forme de cloche comprise entre les longueurs d’ondes limites 4 150 et 6 800 Angströms (1 Angström = 0,1 nanomètre). Avec ces deux courbes, le logiciel va pouvoir calculer la réponse spectrale de notre appareillage et corriger ensuite tous les spectres obtenus ultérieurement avec celui-ci.

Mesure de la Résolution  :
Si l’on revient à notre intention de mesurer la résolution, on remarque tout d’abord que les trois raies d’absorption tombent bien à la bonne place, et qu’ensuite, on voit poindre un tout petit creux vers 5890 Angströms qui n’est rien d’autre que la signature du Sodium.
Pour faire notre mesure, il faut enregistrer le spectre d’une étoile plus froide qui comporte plus de raies rapprochées : Arcturus par exemple.
Le même traitement a donc été fait avec sur cette étoile avec le réseau de 300t/mm illuminé dans sa totalité. Son spectre en couleur est le deuxième sur la première photo. Comme on peut le remarquer, les raies spectrales sont peu contrastées et pas assez bien définies.
Nous avons donc cherché à réduire ces défauts en diaphragmant le réseau en hauteur et en largeur. Des études annexes menées en laboratoire avec une lampe spectrale au sodium nous ont conduits vers cette solution qui consiste à ne conserver qu’une toute petite partie du réseau (20 X 15 mm) soigneusement sélectionnée. Compte-tenu du mode de fabrication de ce type de réseau, et de son prix modique, les défauts remarqués n’ont rien d’étonnant. On peut les minimiser en choisissant une zone « correcte », mais on ne peut pas les supprimer. Cette diaphragmation présente l’inconvénient de réduire la quantité de lumière reçue sur le capteur, mais augmente considérablement la résolution.

Avec le réseau diaphragmé, le spectre coloré est le troisième de la photo du haut. Le spectre en noir et blanc au format PIC et son graphe correspondant sont donnés ci-dessous :

6 arcturusnbbr
spectrearcturus71aout avec légendes
Là encore, le graphe fait apparaître une courbe en cloche que nous traiterons ultérieurement. Mais, et c’est ce qui nous intéresse, on distingue très nettement un grand nombre de raies très rapprochées reproduisant avec fidélité les raies de la courbe « réelle » fournie par la bibliothèque de Visual Spec.
L’étalonnage selon l’axe des longueurs d’ondes nous donne 0,98 Angström par pixel. Mais attention, cela ne signifie pas que cette valeur correspond au plus petit écart en longueur d’ondes qu’on sait résoudre.
Pour mesurer la résolution réelle, il nous faut faire un zoom, par exemple sur la raie d’absorption du Sodium (celle de droite) située vers 5 890 Angströms et regarder si elle est résolue.

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On voit nettement sur le zoom du spectre mesuré que la raie du Sodium se divise en deux : un creux à 5 890 Angströms et un autre à 5 896. Soit un écart spectral de 6 Angströms que l’on soupçonnait d’ailleurs sur le 3ème spectre de l’image haute résolution du spectre coloré du début. On peut même estimer qu’un écart plus faible aurait été détecté. Bien que la courbe mesurée soit entachée de bruit dû à la sensibilité trop élevée de 1 600 ISO utilisée pour l’enregistrement de ce spectre, on voit qu’il y a d’autres doublets que l’analyse graphique a détectés alors qu’ils ne sont pas mentionnés sur les spectres du logiciel. On remarque aussi la résolution du triplet dans le vert.

Quoi qu’il en soit, nous sommes maintenant en mesure d’évaluer la résolution réelle de notre appareillage. Sa définition est donnée par le rapport existant entre la longueur d’onde moyenne de travail (ici 5 890 Angströms) et le plus petit écart en longueurs d’ondes mesurable. Si on l’estime à 5 Angströms, il nous donne une valeur approximative de 1 200 pour la résolution réelle.

Cette valeur est à comparer avec la résolution théorique du réseau seul qui est ici donnée simplement par le nombre de traits du réseau illuminés, soit 300 traits/mm X 20 mm = 6 000.

Le résultat que nous avons obtenu est très satisfaisant, car tous les spectroscopistes savent bien que seul un montage parfait au point de vue optique est capable d’approcher la valeur théorique. En général, une résolution expérimentale égale au tiers de la résolution théorique est considéré comme correct. Nous en sommes au cinquième avec un composant optique de qualité basique. C’est donc une bonne performance.

Certes, il nous reste le problème de la trop faible quantité de lumière captée par le réseau diaphragmé, mais ceci est un autre sujet d’étude dont nous reparlerons dans les prochains mois.
Une autre amélioration possible pourrait aussi être obtenue en supprimant le filtre infra-rouge placé devant le capteur de l’APN. Elle se traduirait par une extension notable du spectre dans l’infra-rouge.

En conclusion, nous pensons avoir montré que la technique d’enregistrement des spectres d’étoiles présentée dans cet article, c’est à dire en remplaçant le spectroscope ‘traditionnel » par  un réseau de diffraction, est une alternative intéressante qui permet d’atteindre des résolutions expérimentales supérieures à 1 000. Un réseau de meilleure qualité optique, de dimensions comparables à celui, non diaphragmé que nous possédons, devrait conduire à des performances supérieures, aussi bien en résolution qu’en luminosité.

Webographie :
– http://www.astrosurf.com/vdesnoux/download.html : pour le logiciel gratuit « Visual Spec ».
http://www.astrosurf.com/buil/iris/iris.htm : pour le logiciel gratuit « Iris ».

Rédaction : Michel Vampouille




L’image du mois d’août 2010 : spectres d’étoiles

Pour l’image du mois d’août, nous revenons à un thème déjà abordé en juin 2009, à savoir le spectre des étoiles. Nous avons apporté quelques améliorations techniques et les résultats sont au rendez-vous.
Trois séances de prises de vues en avril et mai 2010 ont été nécessaires à Michel Vampouille pour obtenir cette séquence de six spectres différents d’étoiles connues.
Cliquer sur l’image pour l’obtenir en résolution supérieure.
spectre 6 étoilesLe disperseur est toujours le réseau à 100 traits/mm, de diamètre 31,5 mm, proposé par la société Shelyak. La monture permettant de le fixer contre l’objectif Canon de focale 200 mm, d’ouverture f/2.8, a été revue pour que sa mise en place soit assurée mécaniquement et sa rotation facilitée. L’appareil photo est maintenant un Canon 20D équipé du « Live View » qui permet une mise au point très précise sur l’écran de contrôle avec une loupe X5 et X10 avant chaque prise de vue. L’appareil est fixé sur un pied classique sans suivi, mais l’expérience nous a montré que le vent, même faible, pouvait provoquer des vibrations gênantes durant les 60 secondes de pose. L’ouverture du diaphragme est choisie suffisamment grande (f/2.8) pour que toute la lumière issue du réseau soit captée. Le réseau est tourné dans sa monture pour que la direction de dispersion soit perpendiculaire à la trace que l’étoile laisse sur le film au cours de son déplacement. Le spectre enregistré présente alors une épaisseur de quelques millimètres qui facilite grandement son analyse. Les défauts résiduels sont corrigés au traitement numérique avec les fonctions « TILT » et « SLANT » du logiciel Iris.

– Étoile de type A : l’étalonnage en longueur d’onde a été réalisé en comparant le spectre connu de l’étoile Sirius avec celui que nous avons enregistré (spectre n° 2). Cette étoile de type A renferme beaucoup d’Hydrogène. Son spectre d’absorption présente alors 3 cannelures bien nettes dans le domaine visible : ce sont les trois raies de la série de Balmer notées Hα, Hβ et Hγ situées aux longueurs d’ondes respectives : 656 nm, 486 nm et 434 nm. Reconnaissables sans ambiguïté, elles nous permettent de dire que notre appareillage fournit une dispersion de 0,2984 nm/pixel dans le domaine visible qui, compte tenu du filtre placé devant le capteur s’étale entre le bleu à 416 nm et le rouge à 685 nm (en toute rigueur, la loi de dispersion d’un réseau n’est pas linéaire, mais ici, la faible valeur des angles d’incidence et de dispersion autorise cette approximation). Les étoiles de classe A sont parmi les plus communes visibles à l’œil nu. Elles sont blanches, leur spectre s’étale sur tout le domaine visible et leur température de surface est comprise entre 7 000 et 10 000°K.
Pour les autres spectres, nous nous sommes efforcés de relever ceux d’étoiles de différents types. Celles-ci sont classées en 7 groupes principaux selon la température et la composition gazeuse de leurs couches externes.

– Étoile de type B : le premier spectre correspond à celui d’Alkaid (l’étoile du bout du manche de la grande Casserole) qui appartient au groupe d’étoiles de type B. Elles sont aussi très lumineuses et encore plus chaudes que celles de type A : de 10 à 20 000°K. Les raies de l’Hydrogène sont plus faibles, ici le raie Hα est disparue et, comme prévu par la théorie, on distingue dans le bleu une raie d’Hélium neutre très faible à 447 nm ainsi qu’une raie du Fer à 438 nm. Parmi les 100 étoiles les plus brillantes, 1/3 sont des étoiles de type B.

– Étoile de type F : le troisième spectre est celui de Procyon, une étoile de type F dont la température de surface est comprise entre 6000 et 7200°K. Il est caractérisé par des raies d’Hydrogène plus faibles mais encore visibles, et la présence de raies de métaux neutres comme le triplet du Magnésium dans le vert à 517,5 nm, du Calcium neutre et du Fer neutre à 527 nm. L’étoile polaire appartient à ce groupe.

– Étoile de type G : le quatrième spectre correspond à l’étoile Capella qui appartient au groupe G, le mieux connu car notre Soleil en fait partie. Les raies des métaux neutres ou ionisés sont très prononcées, comme celles du Calcium. Malheureusement, elles sont bloquées par le filtre placé devant le capteur de l’APN  (une raie à 393 nm dans le bleu et un triplet dans le proche infrarouge à 850, 854, 866 nm). Par contre le Calcium neutre et le Fer sont présents avec une raie bien visible à 430 nm. Beaucoup d’autres raies apparaissent pour le Fer à 527, 534, 571 nm, le Nickel à 571 nm, le Chrome à 579 nm, le Sodium à 590 nm, le Titane ionisé à 446 nm. La température de surface des étoiles de type G varie entre 5 000 et 6 000°K.

– Étoile de type K : le cinquième spectre appartient à Arcturus, une étoile de la classe K de couleur orange, moins chaude que notre Soleil (entre 3 500 et 50 00°K). Le spectre est moins étendu dans le bleu : il commence à 423,5 nm au lieu de 416 nm pour les précédents. Les raies d’Hydrogène sont très faibles, voire complètement disparues. Par contre celles des métaux (Fer et Nickel) sont de plus en plus intenses et nombreuses. Certaines s’élargissent en bandes, comme celles autour de 430 nm et 527 nm.

– Étoile de type M : le sixième et dernier spectre est celui de Bételgeuse qui appartient au groupe M dont la température de surface est comprise entre 2 500 et 3 500°K. Toutes les naines rouges, soit 90 % des étoiles existantes sont de ce type. Leurs spectres présentent moins de bleu (début  à 447 nm au lieu de 416 nm), montrent des raies et des bandes correspondant à des métaux neutres et des molécules (CH, mais non visible à 430 nm). Celles de l’Oxyde de Titane (496-504 nm ou 545-552 nm) peuvent être très intenses et celle de l’hydrogène en sont généralement absentes.

Il nous manque une étoile du type O (le premier) : Iota Orionis ou Sigma Orionis par exemple. Ces étoiles, plutôt rares, sont excessivement lumineuses (100 000 fois la luminosité du Soleil) et très chaudes. Leur couleur bleue traduit leur température de surface qui dépasse 25 000°K. Certaines peuvent même atteindre 50 000°K. Leur spectre est caractérisé par des raies d’émission d’Hélium ionisé, des raies d’absorption d’Azote et d’Oxygène, ainsi qu’un important continuum ultraviolet.
Avec certaines nébuleuses planétaires qui sont aussi caractérisées par des bandes d’émission, elles constitueront le sujet central de la prochaine campagne sur les spectres.

Pour toute information ou commentaire : contact@saplimoges.fr

Rédaction : Michel Vampouille