L’image du mois de novembre 2013 : spectres d’étoiles des types Be et LBV

Une fois par an, nous essayons de nous intéresser à la spectroscopie des étoiles ou du soleil. Pour ce mois de novembre 2013, voici deux spectres d’étoiles « en émission » : Gamma Cassiopée et P Cygni. La première est  une étoile « de type B à émission » (en abrégé : une étoile de type Be). La seconde est une « Variable Lumineuse Bleue » (LBV). Cliquer sur l’image pour l’observer en résolution supérieure.

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Depuis 1987 (Collins), la définition admise pour une étoile Be est la suivante [1] : c’est une étoile de type spectral B possédant une température effective comprise entre 10 000 et 30 000 °K, non supergéante (de 3 à 20 masses solaires), qui a été observée, au moins une fois, avec au moins, une raie spectrale en émission (c. à d. brillante) appartenant à la série de Balmer de l’Hydrogène (trois raies dans le visible : Hα dans le rouge à 656.3 nm , Hβ dans le bleu à 468.1 nm, et Hγ à 434,0 nm). Sur le premier spectre présenté (Gamma Cassiopée), on distingue très bien deux raies brillantes et fines, l’une dans le rouge, l’autre dans le bleu, qui sont respectivement les raies Hα à et Hβ.
Quant à la « Lumineuse Variable Bleue » P Cygni, il s’agit d’une étoile hypergéante de type B1, une des étoiles les plus lumineuses de la voie Lactée. Ces étoiles sont si massives et si énergétiques (typiquement 50 fois la masse de notre Soleil et des dizaines de milliers de fois plus lumineuses) qu’elles épuisent leur carburant nucléaire très rapidement. Après avoir brillé seulement quelques millions d’années, elles dégénèrent en supernovas. Elles émettent les raies de l’Hydrogène, et aussi d’autres raies de composants chimiques plus lourds. C’est ce que nous montre le deuxième spectre dans lequel on distingue nettement une raie brillante dans le jaune-orange. Nous allons essayer déterminer son origine.

Conditions de prise de vue :
Les enregistrements ont été réalisés en août 2013 par Michel Vampouille avec le dispositif déjà décrit en 2011 dans l’article du mois d’octobre, à savoir un réseau de diffraction en aval de l’objectif de l’appareil photo numérique qui disperse la lumière des étoiles visées et forme leurs spectres dans le plan du capteur.
Sur l’APN Canon EOS 40D complètement défiltré pour augmenter sa sensibilité dans le rouge, un filtre EOS-Clip neutre, d’épaisseur identique à celui qui a été supprimé, a été ajouté pour permettre la mise au point à l’infini. Le boîtier est équipé d’un objectif Canon 200 mm ouvert à F/2.8 sur lequel est monté un réseau de diffraction par transmission de 300 traits/mm, de dimensions 25 x 25 mm, donnant une ouverture de F/10 environ. Comme dans la direction de diffraction, la transmission est de l’ordre de 25 %, l’ouverture effective tombe à F/20 d’un point de vue luminosité. C’est évidemment assez peu. L’achat d’un réseau 50 x 50 mm est en cours.
La position du réseau est ajustée pour que les spectres soient orientés parallèlement à la grande base du capteur. La résolution de l’ensemble a été précédemment estimée à 1200 [3].
L’APN est fixé sur une monture Vixen GP sans GO TO, mais avec suivi. Détail pratique : celui-ci tourne sur son axe en conservant la hauteur et l’orientation des spectres sur le capteur.
La sensibilité utilisée a toujours été poussée à 1600 ISO en sachant très bien que le bruit engendré ne sera pas négligeable.
La température de couleur a été abaissée à 3000°K pour atténuer la dominante rouge du ciel due au défiltrage du capteur.
Le temps de pose pour chaque photo est de 30 secondes afin de conserver un fond de ciel relativement noir. Plusieurs poses sont répétées pour chaque spectre.
La commande de l’APN et le contrôle des images enregistrées se font au moyen d’un ordinateur portable et du logiciel « Canon EOS Utility ». Avec ce dispositif, on visualise les spectres en temps réel de façon très confortable. Le « Live-view » de l’APN est inopérant à cause de la très faible luminosité.

Repérage des étoiles :
Le repérage de l’étoile γ Cassiopée ne pose pas de difficulté. Elle est relativement isolée au milieu de la constellation et sa magnitude confortable de 2,5 permet de la visualiser dans le viseur de l’APN. Une fois qu’elle est centrée dans le champ, on fixe le réseau sur l’objectif, on l’oriente convenablement, on tourne l’APN sur son écrou de fixation d’une dizaine de degrés dans le bon sens et on voit apparaître très faiblement le spectre cherché dans le viseur.
Pour l’étoile P Cygni (34 du Cygne), l’opération est plus délicate à cause de sa plus faible magnitude (4,8 en moyenne) et de son entourage très peuplé. Ainsi que le montre la photo suivante qui représente un quart de la surface du capteur de l’APN, il faut commencer par la trouver sur l’écran de l’ordinateur en se référant à Stellarium qui donne la position des étoiles voisines plus lumineuses (Sadr notamment, à l’intersection du corps et des ailes du Cygne) et de l’amas ouvert M29. Avec une monture GO TO, cette étape serait plus simple.

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Ensuite, on monte le réseau et on tourne l’APN de 10 degrés. Une vingtaine de spectres de très faible luminosité apparaît à l’écran. Pour trouver celui qui nous intéresse, on a pris soin de mesurer la différence de hauteur entre Sadr et P Cygni sur l’original de la photo ci-dessus, et on la reporte sur l’image qui contient tous les spectres. Des points brillants permettraient d’identifier le spectre de P Cygni avec certitude, mais sur le moment, ils sont invisibles. Ce n’est qu’avec le logiciel Iris qu’ils apparaîtront…, le lendemain matin.

Traitement des images :
Il a été fait avec le logiciel Iris. Après un prétraitement soigné (offset, dark avec fichier cosmétique conséquent, flat) appliqué à chaque image, on procède à un recalage (registration) des spectres, puis à leur addition. Toute la procédure pour la spectroscopie est très bien expliquée dans un article [4] de Christian Buil, le créateur du logiciel Iris.
Quatre spectres ont été empilés pour chaque étoile. Sur chaque empilement, on procède à un nettoyage manuel avec la commande manuelle « Max » pour supprimer les points chauds résiduels et les spectres non utiles, et on ajuste la direction des lignes spectrales pour les rendre rigoureusement horizontales.
En vue de procéder à des analyses quantitatives, on convertit les images couleur en noir et blanc (commande « 48 bits vers 16 bits ») et on élargit en hauteur les lignes spectrales avec la commande manuelle « l_bin ». On obtient alors des spectres en noir et blanc, de hauteur 20 pixels, qu’on peut ajuster aux dimensions désirées avec la fonction  » changement d’échelle ». A ce stade, l’analyse quantitative peut se faire avec la commande « Coupe » qui délivre un graphique avec les numéros de pixels en abscisse et les intensités spectrales en ordonnée. Une étude plus poussée passera par les logiciels spécialisés comme « Isis », « Spectrace » ou « Visual Spec ».

Sur les deux photos-montages suivants, on a représenté les spectres en noir et blanc en correspondance avec leurs graphes respectifs obtenus avec la commande « Coupe ». Les numéros des pixels ont été remplacés par un étalonnage en longueur d’onde. Les raies brillantes Hα et Hβ apparaissent sans ambiguïté sur les deux spectres. Celui de P Cygni présente en outre une troisième raie brillante dans le jaune orange au voisinage de 580 nm dont nous allons déterminer l’élément chimique qui en est responsable. graphegammacassiopéerectifié

Étalonnage des spectres en longueur d’onde :
En vue de réaliser un TIPE avec cette étude, nous avons choisi d’étalonner chacun des spectres avec la loi des réseaux de diffraction par transmission qui fait intervenir l’angle d’incidence des rayons lumineux sur le réseau, l’angle d’émergence des rayons diffractés, la longueur d’onde et le pas du réseau. La position des différentes raies brillantes Hα et Hβ sur le capteur est déterminée au moyen de leur adresse (pixels numéros : 3168 et 1441) donnée par le logiciel Iris. Avec le numéro de pixel situé au milieu du capteur (1944) correspondant à la direction d’émergence perpendiculaire au réseau, la taille des pixels : 5,71 µm, et la distance focale du téléobjectif utilisé : 193,3 mm mesurée au moyen d’une manipulation préalable (et non 200 mm comme indiqué sur la monture), on calcule successivement :
– l’angle d’incidence des rayons lumineux provenant de l’étoile visée : 9,25° (cette valeur explique pourquoi on doit tourner le réseau d’une dizaine de degrés pour faire apparaître le spectre de l’étoile visée),
– pour vérification, la longueur d’onde de la raie Hα qui correspond bien à 468,1 nm,
– la dispersion moyenne du réseau : 10,10 pixels/µm.
On peut alors tracer une échelle linéaire des longueurs d’onde en abscisse. Il faut bien retenir que cette échelle ne donne qu’une estimation de la longueur d’onde. Pour avoir plus de précision sur la longueur d’ondes d’autres raies, il faut revenir à leur adresse sur le capteur.

Détermination de l’origine de la raie d’émission inconnue dans le spectre de P Cygni :
Avec la loi de dispersion non linéaire des réseaux et le numéro de pixel (2469) de la raie brillante dans le jaune-orange de P Cygni, on trouve que la longueur d’onde inconnue médiane du spectre vaut : 587,4 nm.
En examinant les spectres d’émission des éléments chimiques plus lourds que l’Hydrogène, on trouve sans beaucoup de difficultés que la longueur d’onde mesurée correspond à la raie d’émission jaune-orange de l’Hélium à 587,6 nm [5]. Ce résultat semble assez normal, vu que dans ce type d’étoile très chaude, les réactions nucléaires ont déjà transformé une grande quantité d’Hydrogène en Hélium.

Caractéristiques générales des étoiles des type Be et LBV :
La première étoile de type Be a été découverte en 1866 par le père Angelo Secchi, directeur de l’Observatoire du Vatican. Il remarque que la raie Hβ de l’étoile Gamma Cassiopée (la première que nous avons présentée) est en en émission et qualifie cette émission de « curieuse ». En 1931, Otto Sturve, astronome ukrainien/américain, donne la première explication cohérente en suggérant la présence d’une enveloppe gazeuse autour des étoiles de type B en émission. De plus, il met en évidence le fait que les raies en émission, élargies par effet Doppler, apparaissent dans les étoiles en rotation très rapide, entraînant dans leur course l’enveloppe de gaz qui les entoure. Les étoiles Be sont des rotateurs très rapides qui tournent près de la vitesse critique à laquelle la force centrifuge contrebalance la gravité.
Sujettes à de nombreuses variations sur différentes échelles de temps, elles subissent des variations périodiques de leurs caractéristiques :
– à court terme dues à des pulsations et à la rotation,
– à plus long terme, reliées à la présence d’un vent radiatif et du disque,
– et épisodiques, associées à des éjections de matière de l’étoile vers son disque.

Quant aux étoiles LBV dont P Cygni est la plus typique [6], ce sont des étoiles très massives (50 à 150 fois notre soleil), très chaudes (50 à 100 000 degrés) et très actives (des millions de fois plus brillantes que notre soleil) entourées d’un vent violent qui éjecte constamment de la matière et fait varier lentement leur luminosité. Ponctuellement secouées par des expulsions occasionnelles et importantes de matière, elles sont habituellement entourées de nébuleuses créées par ces explosions. A cause de leur masse élevée et de leur très grande luminosité, leur durée de vie est relativement très courte : quelques millions d’années. P Cygni a été vue la première fois vers 1600 par Willem Ja, un astronome hollandais, avec une magnitude 3 . En 1626, on ne la voyait plus à l’œil nu. Elle s’éclaircit à nouveau en 1655, mais disparaît en 1662. Une explosion se produit en 1665, suivie par de nombreuses fluctuations. Depuis 1715, P Cygni est une étoile variable de magnitude 4,8 ± 0,5. Elle est située à environ 5 000/6 000 années-lumière de nous.

Afin de comprendre les mécanismes complexes qui régissent leurs fluctuations, des campagnes d’acquisitions des spectres de ces types d’étoiles (notamment le profil de la raie Hα pour les LBV) sont périodiquement lancées par les professionnels en direction des amateurs [par exemple : 7-8].

Si la spectroscopie des étoiles vous tente, n’hésitez pas, lancez-vous…

Webographie :

[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89toile_Beγ
[2]
http://en.wikipedia.org/wiki/P_Cygni
[3]
http://saplimoges.fr : L’image du d’octobre 2012 ou comment obtenir le spectre du Soleil
[4] http://www.astrosurf.com/buil/us/stage/session2/course3.htm
[5] http://classroom.dexter-southfield.org/nasa/files/imagine/docs/teachers/lessons/xray_spectra/worksheet-specgraph2-sol.html
[6] https://fr.wikipedia.org /
[7]
http://spectro-aras.com/forum/viewforum.php?f=17
[8]
http://gabalou.canalblog.com/archives/2013/03/28/26758710.html

Note : pour plus d’informations sur le détail les calculs, s’adresser à l’auteur, cette manipulation faisant actuellement l’objet d’un TIPE (Travail d’Intérêt Personnel Encadré).

Rédaction : Michel Vampouille. Relecture : Christian Jacquier




L’image du mois d’octobre 2012 ou comment obtenir le spectre du Soleil

En octobre 2011, nous avions publié [1] les spectres des étoiles Véga et Arcturus obtenus avec un réseau de diffraction de marque Thorlabs, de 300 traits/mm travaillant par transmission, placé en aval d’un objectif de focale 200 mm, lui-même monté sur un APN Canon EOS 40 D. En reprenant ce montage et en lui ajoutant quelques composants optiques supplémentaires, l’auteur de cet article a réussi à obtenir le spectre du Soleil présenté ci-dessous.
5spectrecoupebrCliquez sur l’image pour obtenir le spectre en haute résolution sur une seule ligne.
Le repérage et l’étalonnage des raies spectrales a été effectué à partir du logiciel référencé en [2].

On remarque de suite qu’on distingue sans difficulté la double raie du Sodium (écart de 0,6 nm) dans l’orange, ainsi que le triplet du Magnésium (même écart) dans le vert. Les performances de ce nouveau dispositif disperseur sont donc identiques à celles que nous avions déjà obtenues en octobre 2011 avec ce même réseau pour l’analyse du spectre des étoiles.

Le deuxième intérêt de cette expérience réside dans la méthode expérimentale d’obtention de ce spectre, à savoir un spectroscope à fente, en ligne, équipé d’un réseau de diffraction par transmission et d’un prisme déviateur de faisceau.

Schéma optique du spectroscope à fente, en ligne :
Dans ce schéma de principe, les rayons solaires se propagent de la gauche vers la droite. On suppose, pour simplifier, que ceux-ci comportent seulement trois rayonnements monochromatiques : le rouge, le vert et le bleu. Nous allons passer en revue les trois parties du spectroscope : le collimateur à fente, le disperseur/déviateur, le récepteur.
schéma optique1) le collimateur à fente : les rayons provenant du Soleil tombent sur le collimateur. Celui-ci est constitué d’une fente très fine F placée dans le plan focal objet d’un téléobjectif photo T1 de focale 200 mm réglé sur l’infini (ici un zoom Sigma 18/200mm, ajusté à 200 mm). La fente est fabriquée manuellement avec deux lames de rasoir collées sur une feuille de carton. Son épaisseur est calculée pour que le lobe central de la tache de diffraction qu’elle produit couvre entièrement la largeur du réseau de diffraction R. Celle-ci étant de 20 mm, on trouve une largeur de fente de l’ordre de 10 micromètres. La feuille de carton est ensuite collée sur un double cylindre coulissant (pour faire varier sa longueur et l’orientation de la fente) qui vient s’adapter sur la capuchon arrière du téléobjectif T1 évidé en son centre. Attention, le téléobjectif est monté à l’envers, car il est destiné à produire un faisceau lumineux parallèle.
Pour cela, le plan de la fente doit coïncider avec le plan focal du téléobjectif. Un pré-réglage est donc indispensable (par auto-collimation avec un faisceau laser vert par exemple) avant l’assemblage des 3 parties. Après réglage, le faisceau sortant du collimateur doit être parallèle et de largeur 20 mm environ.

2) le disperseur/ déviateur : il est composé d’un réseau de diffraction R et d’un prisme déviateur P. L’ensemble de ces deux composants forme un « grism » (assemblage des mots anglais : grating et prism). Le réseau travaillant par transmission est « blazé » dans l’ordre 1. Ici, c’est un réseau Thorlabs à 300 traits/mm dont une largeur de 20 mm a été sélectionnée au préalable (pour ne conserver que la partie présentant un minimum de défauts optiques). Le faisceau diffracté dans l’ordre « blazé » est incliné de 8,5° environ par rapport à sa normale. Chacune des trois couleurs (rouge, vert, bleu) se propage dans des directions légèrement différentes. Pour que ces directions reviennent à peu près dans l’axe du téléobjectif T1, le réseau est suivi d’un prisme déviateur P de petit angle. Ici, un prisme Thorlabs d’angle au sommet 17°, assure une déviation moyenne de 8,5°. La dispersion chromatique de ce prisme est négligeable par rapport à celle du réseau. Dans la pratique, le réseau et le prisme sont montés sur un support mécanique rotatif réalisé à cet effet, se vissant sur le filetage externe du téléobjectif T2, celui du pare-soleil. L’arête du prisme est orientée parallèlement aux sillons du réseau.

3) le récepteur : c’est un appareil photographique numérique réflex muni d’un téléobjectif T2. Ici, un APN Canon EOS 40D équipé d’un téléobjectif Canon de focale fixe 200 mm réglé sur l’infini. En affinant la mise au point, le spectre du Soleil s’affiche directement sur le capteur. On pourrait utiliser à bon escient un APN à capteur défiltré pour obtenir une extension du spectre dans le rouge.

4) la procédure de montage : le disperseur/déviateur se monte sans difficulté sur le filetage de l’objectif T1. On obtient alors un spectroscope, sans fente, en ligne, qui peut être utilisé en l’état pour photographier les spectres des étoiles, soit avec une monture avec suivi (spectre d’étoiles peu lumineuses sur une seule ligne), soit sur une monture fixe sans suivi (spectre étalé en hauteur par le mouvement relatif de l’étoile visée).
Pour obtenir le spectre du Soleil, il faut ajouter le collimateur à fente au montage précédent. Le diamètre de la monture du disperseur/déviateur a été choisi de façon à ce que ce composant vienne s’encastrer dans le pare-soleil de l’objectif T1. Celui-ci est monté sur l’objectif T1 et avec un collier plastique auto-serrant, on vient fixer solidement le collimateur à fente sur l’ensemble précédent. Après orientation de la fente parallèlement aux sillons du réseau et quelques retouches des différents réglages, le spectroscope devient opérationnel.
Il suffit alors de viser directement le soleil pour voir son spectre apparaître dans le viseur. Avec une sensibilité affichée de 400 ISO et une ouverture de F/8 sur l’objectif T2, le temps de pose tourne autour de 1/500 de seconde.

Résolution du spectroscope
La définition de la résolution R d’un instrument disperseur (faculté du dispositif à distinguer deux raies sombres rapprochées) est donnée par le rapport sans dimension entre la longueur d’onde moyenne l de travail et le plus petit écart spectral dl que l’instrument permet de distinguer, ce qui s’écrit : R = l/dl.
Ici, nous pouvons l »évaluer avec la raie double du Sodium ou la raie triple du Magnésium. Pour la raie double du Sodium, la longueur d’onde moyenne l vaut 589,3 nm et l’écart entre les deux raies 0,6 nm. Comme cet intervalle est encore nettement visible, on peut évaluer à 0,5 nm le plus petit écart observable dl. Ce résultat est aussi confirmé par l’observation de la raie triple du Magnésium. Une analyse plus précise avec le logiciel de traitement des spectres « Visual Spec « (non publiée ici) donne le même résultat.
Ainsi, nous arrivons à une résolution : R = 5 893/5 = 1 179 arrondis à 1 200.
Ce résultat est très honorable eu égard à la résolution théorique intrinsèque du réseau de diffraction utilisé seul. Dans l’ordre 1, celle-ci est donnée par le nombre de sillons effectivement illuminés, soit 20 mm X 300 sillons/mm = 6 000.
Dans le dispositif entier, il faut prendre en compte la largeur de la fente, les défauts de réglage, et les défauts optiques du réseau et des composants . Une réduction d’un facteur 5 de la résolution intrinsèque est acceptable.

Conclusion
Cet article rapporte la réalisation et les performances d’un spectroscope à fente se montant directement sur un appareil photographique numérique. Au sein d’une association où il est facile de trouver deux téléobjectifs de focale 200 mm et quelques compétences de mécanique, la construction de ce spectroscope ne nécessite l’achat que de deux composants : le réseau de diffraction et le prisme déviateur. Leur coût s’élève à moins de 200 Euros. Le poids et l’encombrement de l’ensemble restent raisonnables. Son utilisation est particulièrement aisée, aussi bien avec le collimateur à fente (observation du Soleil) que sans (observation du spectre des étoiles). La résolution effectivement atteinte est de l’ordre de 1 200.
Pour tout renseignement complémentaire : contact@saplimoges.fr.

Webographie :
[1] http://saplimoges.fr/l-image-du-mois/145-limage-du-mois-doctobre-2011
[2] http://www.ostralo.net/3_animations/swf/spectres_soleil.swf
[3] http://www.pierron.fr/ressources/fichestp/2nde_phy/CPHY-223_Interpreter_le_spectre_de_la_lumiere_emise_par_une_etoile_fiche_professeur.pdf
[4] http://media4.obspm.fr/public/AMC/pages_tp-spectre-soleil/impression.html

Rédaction : Michel Vampouille.




L’image du mois de juin 2009 : spectre de l’étoile Castor

Pour l’image du mois de juin : une première à la Saplimoges : la partie visible du spectre de l’étoile Castor dans la constellation des Gémeaux.
Ce spectre a été obtenu dernièrement par l’auteur de ces lignesβ au moyen du « Sky Analyser » : un disperseur chromatique à faible résolution que l’on trouve sur le marché. Ce disperseur est constitué d’un « réseau » de traits parallèles, 100 par mm, gravés sur une plaque transparente enserrée entre deux lames de verre de bonne qualité optique. L’ensemble se présente comme un filtre de diamètre 31,75 mm pouvant se visser sur la partie filetée des oculaires.
Cliquer sur le spectre pour l’observer en format supérieur.
spectre réduitLe spectre de l’étoile Castor présenté ci-contre est obtenu avec un appareil photographique numérique muni d’un télé-objectif de distance focale 200 mm. Le disperseur Sky Analyser est placé contre la lentille frontale du télé-objectif. L’appareil est monté sur un pied photo classique sans suivi. L’astuce de la manipulation consiste à orienter convenablement le disperseur pour que, durant le temps de pose de plusieurs dizaines de secondes, chaque étoile provoque un filé perpendiculaire à la direction des étalements spectraux. Ceux-ci s’étendent dans le sens de la hauteur et deviennent alors plus faciles à analyser.

Sur le cliché présenté, on distingue à gauche un trait vertical brillant : c’est l’image filée de l’étoile, ou « ordre zéro » du réseau. On l’appelle ainsi parce que c’est l’image qu’on obtiendrait sans le Sky Analyser. A droite, c’est le spectre de l’étoile (ou ordre 1 du réseau). S’étendant du bleu au rouge, il est particulièrement lumineux. Ce spectre, comparable à celui de notre Soleil, contient toutes les couleurs de l’arc en ciel.

Cependant, en l’observant avec attention, on constate qu’il y a des « échancrures sombres » ou « cannelures ». Correspondant à des absorptions d’énergie pour certaines couleurs (ou longueurs d’ondes), leurs positions permettent de trouver la nature de certains gaz de l’atmosphère de l’étoile. Ici, les deux cannelures noires dans le bleu correspondent aux raies Hβ et Hγ de l’Hydrogène. Il y a donc de l’Hydrogène dans l’atmosphère de Castor. Bien sûr, ce n’est pas une découverte, mais en observant plus finement, on peut aussi remarquer deux autres cannelures (dans le vert et une dans le rouge) qui suggèrent la présence de Fer et de Calcium. Bien évidemment, il faut encore perfectionner la technique pour améliorer la qualité des enregistrements et le contraste des cannelures…, mais ce premier résultat est prometteur.

Le deuxième spectre présenté en dessous est celui d’une lampe à vapeur de Mercure dont on connaît les principales raies d’émission. Il sert à l’étalonnage en longueurs d’ondes du dispositif.

Le Star Analyser est vraiment un outil très pédagogique et très efficace pour débuter en astrophotographie.

Rédaction : Michel Vampouille