L’image du mois de novembre 2024 : l’anti-queue de la comète C/2023 A3 Tsuchinshan-ATLAS

Actualité oblige : pour le mois de novembre 2024, nous allons revenir vers la comète C/2023 A3 Tsuchinshan-ATLAS qui a été visible durant une bonne partie du mois d’octobre. La plupart des astronomes amateurs de notre association ont eu le plaisir de l’observer à plusieurs reprises aux jumelles, et pour certains de la photographier avec divers instruments.
Dans cet article, nous allons nous intéresser à ses caractéristiques astronomiques générales, et notamment à l’observation de son anti-queue, phénomène assez rare pour une comète.

Qu’est-ce qu’une comète : 
Tous les astronomes connaissent les comètes…
Rappelons quand même quelques notions de base :
Ce sont des objets stellaires dont le noyau (seule partie existante loin du Soleil), de petites dimensions (de 1 à 40 km pour Hale-Bopp), constitué d’un agglomérat lâche et poreux de neige, de glace d’eau (80%), de roches, de gaz et de poussières, est soumis au champ de gravitation solaire. Leur densité est très faible comparée à celle d’une planète comme la Terre : 480 kg/m3 versus 3 000 kg/m3 pour le manteau terrestre. Les comètes périodiques tournent autour du Soleil, dans un réservoir de comètes, appelé la « ceinture de Kuiper », située bien au-delà de l’orbite de Pluton (30 à 50 ua de la terre). Ce sont des résidus du Système Solaire !
Il suffit d’un petit coup de pouce, une perturbation gravitationnelle par exemple, pour que celles-ci sortent de la ceinture et soient attirés par l’énorme champ de gravitation solaire. Les comètes, qui ont été éjectées de la ceinture, suivent alors une orbite elliptique très allongée (ou parabolique, ou hyperbolique) dont l’un des foyers est constitué par le Soleil. Au cours de leur révolution, les comètes passent donc très près du Soleil, pour s’en éloigner ensuite beaucoup la plupart du temps. Bien évidemment, il n’y a aucune raison pour que leur plan orbital soit confondu avec le plan de l’écliptique terrestre. Ce qui fait qu’au cours de leur trajectoire autour du Soleil, les comètes traverseront donc deux fois le plan de l’écliptique : une première fois en s’approchant du Soleil, elles seront alors visibles le matin,  et une seconde fois en s’en éloignant, elles seront visibles le soir.

La comète, son noyau, sa chevelure :
Tant qu’elle est loin du Soleil, la comète n’est pas lumineuse et n’a pas de queue. Son noyau est constitué de glace d’eau, de roche, de poussière et de gaz gelés. Son albédo est très très faible, entre 2 et 7% (à cause d’une croûte noire de poussière et de roche qui enveloppe la majorité de la glace), ce qui en fait un des objets les plus sombres du Système Solaire. Elle est donc invisible.
Lorsqu’elles sont réchauffées par le Soleil, les glaces se subliment (les solides se transforment en gaz), et les gaz issus de la sublimation produisent une atmosphère très ténue entourant le noyau : la chevelure (ou la coma).

La comète : ses queues de plasma et de poussière :
Quand la comète contourne le Soleil, la force exercée sur la chevelure par :
la pression de radiation du Soleil = pression mécanique exercée sur des objets stellaires quelconques (ici : le gaz de la chevelure) par l’échange de quantité de mouvement entre le champ électromagnétique du rayonnement solaire et les objets stellaires,
et les vents solaires = flux de particules constitué essentiellement d’ions et d’électrons (particules chargées électriquement) qui sont éjectés de la haute atmosphère du Soleil,
provoque la formation de deux queues distinctes, qui pointent à l’opposé du Soleil. Si la comète est suffisamment active en passant près du Soleil, elle présente généralement deux queues, de longueurs considérables (10 à 100 millions de kilomètres) qui deviennent visibles depuis la Terre.

Photo « classique » d’une comète avec son noyau, sa chevelure et sa très longue queue de poussière opposée à la direction du soleil. Comme c’est une photo du soir, la comète a déjà contourné le Soleil, sa queue de plasma devrait être à droite de la queue de poussière, mais ici, il faut les yeux de la foi pour la distinguer. Bien noter que la comète s’éloigne du Soleil, et que par conséquent, sa direction de propagation est dirigée vers le haut ! Contrairement aux apparences, sa queue la précède !
@ Crédit photo : Michaël Belleville, 13 octobre 2024, 21H26, Canon 2000D, f = 35 mm, F/2.8, ISO = 1000, 6 secondes.

On distingue :

– la queue de plasma ou queue ionique (plasma = phase de la matière constituée de particules chargées, d’ions et d’électrons), de couleur bleue et rectiligne, composée de particules ionisées issues du noyau et repoussées par le vent solaire. La couleur bleue de cette queue est due au monoxyde de carbone ionisé CO+, qui diffuse principalement cette couleur. Elle pointe toujours dans la direction opposée au soleil, car le CO+ est balayé rapidement par le vent solaire. Sa direction évolue donc à mesure que la comète contourne le Soleil. Les particules chargées de CO+ qui la composent se déplacent à grande vitesse, de l’ordre de de 300 à 500 km/s pour la comète Atlas, alors que sa vitesse de propagation au périhélie (là où elle est la plus rapide) n’est que de 67 km/s. Cette différence de vitesse explique l’énorme longueur de sa queue de plasma.
la queue de poussière, plus large et de couleur blanchâtre, constituée des poussières les plus fines (diamètre inférieur à 100 µm), qui sont facilement repoussées par la pression de radiation solaire compte tenu de leurs faibles masse et densité. La queue de poussière, qui est confinée dans le plan orbital de la comète, est incurvée sous l’influence de la gravitation du Soleil sur ses petits grains de matière. Elle est clairement dissociée de la queue de plasma. La vitesse des poussières dépend de leur taille. Les toutes petites sont très peu attirées par la gravitation du Soleil, la pression de radiation solaire les emporte au loin : leur vitesse est de l’ordre de celle des particules ionisées. Les plus grosses sont soumises à la gravitation solaire : elles restent dans le sillage de la comète : 50 à 100 km/s, en s’incurvant vers le Soleil. Cette queue de poussière a un aspect blanchâtre ou blanc jaunâtre, car les particules de poussière reflètent simplement la lumière incidente du Soleil.

Illustrons notre propos avec ces deux schémas :

Ce premier schéma montre le plan orbital de la comète, contenant l’orbite de la comète, la comète et le Soleil, incliné par rapport au plan de l’écliptique terrestre, contenant le plan de l’orbite terrestre, la Terre et le Soleil. L’observation de la comète depuis la Terre sera optimale lorsque la comète croisera le plan de l’écliptique. Ce qu’elle fera par deux fois : l’une, lorsque, venant du bas, elle s’approchera du Soleil, l’autre, lorsqu’elle aura contourné le Soleil par le haut et qu’elle s’éloignera du Soleil. Au voisinage de ces deux croisements, les queues de poussière et de plasma seront dans le plan de l’écliptique. Depuis la Terre (qui est aussi dans le plan de l’écliptique), on verra ces deux queues par la tranche. De la même façon que, depuis la Terre, on voit la Voie Lactée par la tranche, parce qu’on est « dedans ».

Ce second schéma montre la formation et la direction des queues de poussière et de plasma au cours de la trajectoire de la comète sur son orbite elliptique.
Loin du Soleil, il n’y a que le noyau qui subsiste. Il est invisible par les instruments des amateurs. Sa taille et son albédo sont trop faibles.
A l’approche du Soleil, la chevelure commence à se former, puis les deux queues : de poussière (due à la pression de radiation qui exerce une poussée mécanique) et de plasma (due au vent solaire qui exerce une poussée électrique).
Encore plus près du soleil, la gravitation de celui-ci agit sur les particules fines de la queue de poussière qui s’incurve alors dans la direction du Soleil et se sépare nettement de la queue de plasma qui demeure dans la direction opposée au Soleil. D’où la vision de deux queues distinctes !
Pour être complet, il faut se rappeler que plan de l’écliptique terrestre et le plan orbital de la comète sont inclinés l’un par rapport à l’autre. Autrement dit, le plan orbital de la comète n’est pas dans le plan du schéma, et la trajectoire de la comète traverse par deux fois le plan de l’écliptique.

La comète vue par le télescope « intelligent « Vespéra » II :
Michel Tharaud, possesseur d’un télescope « intelligent » Vespéra II a souhaité connaître les performances de son instrument dans le cadre de la photographie de la comète Atlas. Notons de suite que l’empilement des différentes images va se faire sur les étoiles, et que par conséquent, le noyau de la comète risque d’apparaître déformé, voire allongé. La photo ci-dessous, prise avec une focale de 250 mm, a été recadrée pour obtenir une vue agrandie de la comète et de sa queue.

Comète Atlas recadrée, photographiée par Michel Tharaud le 23 octobre 2024 avec le télescope intelligent « Vespéra II » de 250 mm de focale. Temps de pose : 30 images de 10 secondes = 5 minutes.

Comme prévu, les étoiles sont fixes. Et le noyau n’est pas conforme à la réalité. Ils est dédoublé du fait qu’il s’est déplacé par rapport aux étoiles durant le temps d’acquisition. Une série de poses plus courtes, et un traitement adéquat post-prise de vue devrait pouvoir résoudre cet artéfact.
Ce qu’il est intéressant de constater, c’est un bon enregistrement de la chevelure, et de la queue de poussière, sur une grande longueur, identique à celle des images obtenues avec des instruments classiques et publiées sur Internet.
Sur la photo, la queue de plasma n’est pas visible, mais ceci ne doit pas être assigné à une quelconque défaillance du Vespéra II. En effet, une recherche quasi-exhaustive sur Internet montre que seulement quelques rares photos de la comète Atlas avec sa queue de plasma ont été publiées !
Même de grands photographes professionnels comme Guillaume Cannat ou Petr Horalek n’ont pas réussi à la photographier ! Cependant, ils ont réussi de superbes photos de la queue de poussière qui valent le détour !
Nicolas Biver, responsable de la Commission des Comètes de la Société Astronomique de France, assure que la comète n’est pas passée suffisamment proche du Soleil pour que la queue de plasma soit correctement distinguable. Cependant, voir la photo finale de cet article !
Voir aussi une belle photo de la comète Atlas obtenue avec le télescope « intelligent » ZWO Seestar 50.
En conclusion, on peut dire que : moyennant quelques contraintes  : date de prise de vue bien choisie, pose de séries plus courtes, et empilement post-enregistrement, ce récent instrument doit être apte à saisir d’intéressantes images de comètes. A vérifier lors du passage de la prochaine….

La comète et son anti-queue :
Observons attentivement les deux photos ci-dessous réalisées par deux de nos adhérents.
Comète Atlas, photographiée par Michaël Belleville le 23 octobre 2024 avec une lunette Skywatcher 80ED sur monture Eqm-35n, équipée d’un APN Canon 6D défiltré partiellement et d’un filtre Optolong L-Pro 2. Le temps de pose  est 1h05, correspondant à l’empilement de 130 photos de 30 secondes.

La chevelure et la queue de poussière sont très bien rendues, aussi bien en épaisseur qu’en longueur. Les spécialistes évaluent son étendue à 9 ou  10 degrés. Ce qui permet de la compter comme une comète « respectable », mais non comme la « comète du siècle ». La comète C/2020 F3 Neowise était plus lumineuse et sa queue était plus longue !

Comète Atlas, photographiée par Pierre Drumel le 20 octobre 2024, avec un APN Sony Alpha 7, muni d’un objectif Samyang : F= 50 mm, F/1.4, 2000 ISO,

Là aussi, la queue de la comète apparait fort longue….
Mais scrutons maintenant le côté opposé à la queue. On a la surprise de distinguer une « trace » blanchâtre « sortant » de la tête de la comète. Les astronomes lui donnent le nom d’anti-queue. Celle-ci est plus visible sur le cliché de Pierre que celle sur le cliché de Michaël ! Mais elle existe, plus empâtée ! !
De notre point de vue de Terrien, cette anti-queue semble dirigée vers le Soleil, donc vers le bas sur la photo, dans la direction opposée aux deux autres queues.

Quelle est donc son origine ?
Il faut se souvenir que le noyau de la comète tourne sur lui-même. Comme pour un tourniquet, les débris et les poussières sont éjectés tout autour du noyau, formant la chevelure visible depuis la Terre. Au-delà de la chevelure, les débris et les poussières se groupent pour former un disque contenu dans le plan orbital de la comète (comme les anneaux autour des planètes).
La majeure partie de ces poussières, les plus fines, sont entraînées par les forces mécaniques de la pression de radiation et par les forces électriques du vent solaire. Elles vont constituer les deux queues de la comète, tandis que les plus grosses vont rester dans le plan orbital, cantonnées dans un disque autour de la chevelure.
Ce disque sera particulièrement bien visible depuis la Terre, lorsque celle-ci passera à travers le plan orbital de la comète. On le verra alors par la tranche.  La partie du disque de poussière qui se trouve « devant » la chevelure aura alors l’aspect d’un « pic » blanchâtre qu’on nomme « anti-queue ». Pour la comète Atlas, la traversée du plan orbital de la comète par la Terre se situe le 14 octobre. C’est donc durant les soirées entourant celles du 14 octobre qu’on aura le maximum de chances d’apercevoir cette 3ème queue ! Nos reporters ont quand même réussi à la photographier les 16 et  30 octobre.

Une fois n’est pas coutume sur l’origine des photos publiées :
Voici un très beau cliché de José J. Chambo issu de cometografia.es : anti-queue très fine et bien contrastée de 3°, 16 octobre, Canon 6D, Samyang 135 mm, F/2, 400 ISO, 20 min (70 X17 sec.), Valence.

Et dessous, une autre image superbe, de Miguel Claro, issue de epoctimes.fr, un chasseur de comètes, où les trois queues sont parfaitement visibles. La queue de plasma est celle qui est la plus à droite. Le Soleil se situe vers le bas, en dehors de la photo. La comète s’éloigne du Soleil, vers le haut, précédée de ses queues de poussière et de plasma, à l’opposé du Soleil.

Et enfin, pour terminer, une particularité très intéressante vue sur le cliché ci-dessous, issu de Facebook, réalisé le 29 octobre 2024 (F = 730 mm, temps de pose : 80 X 40 sec = 52 minutes) par Bernard Murch, un astronome passionné de la Fédération des Astronomes Amateurs du Québec qui dévoile un gros plan de la tête de la comète. Sur la pointe de la coma, en direction du Soleil (vers le bas), on distingue une boule vert turquoise qui n’a rien d’un artefact !

Quid de cette boule vert turquoise sur la pointe de la chevelure tournée vers le soleil ?

Deux principales molécules se détachent en abondance des noyaux par sublimation lors du réchauffement de la comète quand elle s’approche suffisamment du soleil : ce sont le carbone diatomique (C2) et le cyanogène (CN). Ces deux molécules émettent un rayonnement lumineux coloré lorsqu’elles sont excitées, ce qui est le cas ici pour la comète Atlas. Le carbone diatomique rayonne une couleur vert turquoise, alors que le cyanogène s’illumine plutôt en bleu.
Donc ici, la couleur vert turquoise révèle la présence de carbone diatomique (C2) dans le noyau. Par ailleurs, le lien entre les deux atomes du carbone diatomique (C2) se brise facilement pour redonner deux atomes libres de carbone qui ne rayonnent pas. Ce n’est donc que sur la pointe du noyau exposée au Soleil que le carbone diatomique est produit en quantité suffisante pour survivre assez longtemps dans son état diatomique et rayonner en vert turquoise. L’analyse spectrale de la coma permettrait de confirmer ce résultat, et de déterminer les autres gaz émis (en moindre quantité) qui rayonnent dans des longueurs d’onde spécifiques connues.
Attention
: l’absence de couleur bleue ne signifie pas forcément l’absence de cyanogène dans la coma et dans la queue de plasma. Absence de preuve n’est pas synonyme de preuve de l’absence !

Webographie :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Noyau_com%C3%A9taire
https://fr.wikipedia.org/wiki/Com%C3%A8te
https://destination-orbite.net/astronomie/cometes-asteroides/images/full_hr/trajectoire_comete.jpg
fbclid=IwY2xjawGdeoZleHRuA2FlbQIxMAABHUg_SRLWYRlnmUfT-5u3GpD1pATHGvrdfx69yU_Gax4zxIFV8g8hG1FgUg_aem_syqoOyTzwmbh
https://www.google.com/search?q=orbite+d%27une+com%C3%A8te+wikipedia&sca_esv=14a1435c53c98b02&udm=2&biw=1344&bih=633&ei=BtYwZ9-hCpGakdUPoOXHgQE&ved=0ahUKEwjfvP7tjtKJAxURTaQEHaDyMRAQ4dUDCBA&uact=5&oq=orbite+d%27une+com%C3%A8te+wikipedia&gs_lp=EgNpbWciHm9yYml0ZSBkJ3VuZSBjb23DqHRlIHdpa2lwZWRpYUj5PlChG1jvOnACeACQAQCYAYUBoAGBBqoBAzkuMbgBA8gBAPgBAZgCAKACAJgDAIgGAZIHAKAHwgM&sclient=img#vhid=9wlztRsvxOdadM&vssid=mosaic
https://fr.slideshare.net/slideshow/vitesse-comte-ison-au-prihlie/22567203
https://www.numerama.com/sciences/1826924-pourquoi-la-comete-tsuchinshan-atlas-visible-a-loeil-nu-en-france-a-3-queues.html
https://x.com/EricLagadec/status/1846199571673694305?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1846199571673694305%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=
https://x.com/EricLagadec/status/1846199527239291022?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1846199527239291022%7Ctwgr%5E1d50f9fd2e02634b58b84cda8b98d5061ae34102%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.numerama.com%2Fsciences%2F1826924-pourquoi-la-comete-tsuchinshan-atlas-visible-a-loeil-nu-en-france-a-3-queues.html
https://new.societechimiquedefrance.fr/wp-content/uploads/2020/10/2020-455-valeur-hd-p8.pdf?




L’image du mois d’avril 2013 : la comète C/2011 L4 Panstarrs

Actualité astronomique du mois de mars oblige : nous présentons les photographies de la comète C/2011 L4 Panstarrs que plusieurs adhérents ont eu la chance d’immortaliser les 14 et 15 mars derniers vers 19H30/20H. Profitant de trop rares éclaircies, les amateurs photographes de notre association se sont retrouvés dans le vignoble de Verneuil sur Vienne, notre site d’observation à l’ouest des lumières de Limoges. Voici leurs meilleures images :

panstarrsj2528hrPasser la souris sur les photographies pour obtenir les informations techniques de prise de vue, et cliquer dessus pour les observer en résolution supérieure.
Cette première image montre l’ambiance générale de la soirée : ciel bleu en altitude, rougeoyant au dessus de l’horizon, et comète bien visible aux jumelles, mais pas à l’œil nu.
Pour voir d’autres ambiances et en savoir plus sur cette comète, lisez la suite :

Les deux images ci-dessous révèlent quelques détails la comète : chevelure blanchâtre, puis jaune orangé à l’approche de l’horizon, queue de poussières très reconnaissable, sur fond de ciel encore bien bleu avec étoiles fixes.

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Ci-dessous : ambiance bleu orangé très douce avec comète et étoiles fixes, mais premier plan terrestre mobile, phénomène typique dans ce genre de photos, dû au mouvement du capteur durant l’exposition de 44 secondes.

panstarrsd1hrAutre ambiance sympathique sur fond de ciel bleu nuit.

panstarrsd2hrQuelles informations se cachent derrière le nom donné aux comètes [1] ?
– la lettre, P ou C définit sa période : P pour périodique (période < 200 ans) et C pour non périodique (ou à période > 200ans).
– les 4 chiffres suivants forment un nombre qui indique l’année de sa découverte.
– la lettre après l’année donne la quinzaine de découverte dans l’année. On compte deux quinzaines par mois, donc 24 par an, les lettres I et Z ne sont pas utilisées.
– le chiffre suivant renseigne sur le numéro d’ordre de découverte dans la quinzaine considérée.
– enfin, le dernier mot révèle le nom du ou des découvreurs.

Ainsi, C/2011 L4 Panstarrs est une comète non périodique (ou à période longue), on ne la reverra sans doute jamais, la 4ème à être découverte durant la 11ème quinzaine de l’année 2011 (L est la 12ème lettre de l’alphabet, mais on ne compte pas le « I »), c’est à dire entre le 1 et le 15 juin. Ce n’est pas Monsieur Panstarrs qui l’a observée pour la 1ère fois, mais un programme automatique dénommé Pan-Starrs (pour Panoramic Survey Telescope and Rapid Response System) dont les 4 télescopes ont pour mission de repérer les objets célestes croisant l’orbite terrestre et de détecter ceux susceptibles de percuter la Terre dans un avenir plus ou moins lointain (les géocroiseurs).

C’est donc par hasard que cette comète a été découverte dans la nuit du 5 au 6 juin 2011 lors des observations de surveillance de ce télescope installé à l’Observatoire du mont Haleakala sur l’île Maui de l’archipel d’Hawaï. Équipé d’un miroir de 1,8 m et du plus grand capteur du monde (1,4 Gigapixels), il est capable d »analyser en une nuit tous les objets brillants jusqu’à la magnitude 24 contenus dans un champ de 1000 degrés carrés, soit 33° x 33°.  La nuit suivante, l’astronome Richard Wainscoat et son élève Marco Micheli ont confirmé la nature cométaire de l’astre au moyen du télescope Canada-France-Hawaï situé sur l’Observatoire principal du Mauna Kea [2].

Au moment de sa découverte, celle qui va devenir Panstarrs est distante de 7,9 unités astronomiques (1 U.A. = distance Terre/Soleil = 150 millions de kilomètres), soit approximativement à mi-chemin entre les orbites de Jupiter et de Saturne et sa magnitude apparente est mesurée à 19,4. Suite aux nombreuses observations qui ont suivi, sa trajectoire est maintenant bien déterminée : elle gravite sur une orbite hyperbolique, avec une inclinaison de 84,2° par rapport à l’écliptique (ce qui signifie qu’elle la traverse presque à angle droit). Elle est passée à son périhélie (point de l’orbite le plus proche du Soleil) le 10 Mars 2013, et le plus près de la Terre les 13 et 14 mars à 45 millions de km environ. Son éclat apparent (magnitude de l’ordre de 2-3) était en fait très atténué par les lueurs du Soleil au dessus de l’horizon dans le ciel du soir [3]. On n’a pu que la deviner à l’œil nu et encore fallait-il un œil exercé.

Sur cette dernière image prise en gros plan :

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On ne voit pas le noyau [1] : corps de forme généralement allongée (1 à 40 km) constituant l’élément central de la comète, composée de glaces diverses (eau, mono et dioxyde de carbone, méthanol….) et de matières météoritiques agglomérées, très poreuses et peu conductrices de la chaleur. L’albédo (le pouvoir réflecteur) du noyau est très faible, (de l’ordre de 3 à 4 %), ce qui fait de cet objet l’un des plus sombres que l’on connaisse dans l’univers. La sonde européenne Rosetta devrait nous en apprendre plus sur ces corps encore très mal connus.

Par contre, on distingue très bien :
– la coma : quand le noyau commence à se rapprocher du Soleil, la sublimation des glaces provoque l’arrachement de molécules (H2O, CO, CO2, H2CO, CH3OH, CH4…) qui vont constituer une véritable
chevelure ou coma [1]. Ses dimensions sont très grandes par rapport à celles du noyau : entre 10 000 et 200 000 km. Sur la photo, c’est la boule blanche qui entoure le noyau.
– la queue de poussière [1]: formée par les poussières issues de la sublimation des glaces du noyau. La combinaison de la gravitation et de pression de radiation solaire les repousse dans une queue spécifique qui s’élargit en forme de « V » arrondi. Attention, la pointe de ce « V » n’indique pas du tout la direction de propagation de la comète. Souvent de couleur jaune, les grains de poussière sont constitués pour l’essentiel de silicates. Leur pouvoir réflecteur est assez élevé (de 0,1 à 0,4). Sur l’image, on notera la présence d’une étoile en arrière plan de la queue, phénomène qui donne une idée de sa grande transparence et de sa très faible densité.

On ne voit pas la queue de plasma [1] (aussi appelée queue de gaz ionique). Celle-ci est constituée des gaz sublimés par échauffement solaire des glaces de la croûte du noyau et ionisés par l’action du rayonnement ultraviolet. Ces gaz forment un plasma électriquement neutre, mais transportant un champ magnétique. Le conflit entre ce dernier et celui du plasma solaire donne à la queue ionique une direction opposée à celle du Soleil.

Aux dernières nouvelles, il semblerait que la comète se soit disloquée lors de son passage à proximité du Soleil [4]. Le spectacle n’est peut-être pas terminé. Après les superbes détails enregistrés par Michael Jäger [5,6] sur la queue de cette comète, voilà une raison de plus pour essayer de la photographier une dernière fois !

Bibliographie et webographie :
[1] Les Cahiers Clairaut, N° 141 – Mars 2013.
[2] http://clubregulus.free.fr/C2011_L4.html
[3] http://pgj.pagesperso-orange.fr/2011-L4-PANSTARRS.htm    
[4] http://spaceweather.com/gallery/indiv_upload.php?upload_id=78751
[5] http://fr.groups.yahoo.com/group/Meteoros/message/45
[6] https://ofncpa.bay.livefilestore.com/y1pC0hUJ7begtB7CyXJ3OL4kYAPSnOtV6gupzUpfVnSuYytJM5BxUZ3VP5l4zwA0VdCPL2c29_B5GFUsYie1_EHeocaR5ApNrGA/zrgblastlast2011L420130316l.jpg?psid=1

Rédaction : Michel Vampouille

 




L’image du mois de novembre 2010 : la comète P103 Hartley 2

Actualité oblige, voici une image de la comète du moment : P103 – Hartley 2. Cette dénomination signifie que c’est la 103ème comète périodique (P) numérotée et qu’elle a été découverte par Malcolm Hartley (le 15 mars 1986 à l’observatoire de Siding Spring en Australie). Tous les 6,47 ans, elle passe à proximité de notre Soleil en décrivant une trajectoire elliptique très allongée (au plus près, à 1,06 UA, le 28 octobre ; au plus loin, à 5,9 UA, dans 3,2 ans).
Avec une période inférieure à 20 ans, elle appartient au groupe des comètes de Jupiter : elle a subi par deux fois au moins l’influence gravitationnelle de cette planète.
Depuis sa découverte, elle a été observée à chacun de ses retours.
9P DE 3MNS comète fixe

Le 20 octobre 2010, elle est passée à 0,12 UA seulement de la Terre, soit 18 millions de kilomètres.
Dans la nuit du 8 au 9 octobre, elle était à proximité du Double Amas de Persée… C’est au cours de cette nuit-là que Jean-Pierre Debet l’a photographiée.

Avec sa lunette TMB 92/500 autoguidée équipée d’une caméra CCD Atik 16HR (monochrome), il a réalisé 9 images noir et blanc de 3 minutes qui ont ensuite été compositées avec le logiciel IRIS de façon à présenter la comète fixe. On distingue très bien son noyau et sa chevelure sur la gauche de l’image. Par contre, on ne voit aucune queue. Comme la comète se déplace assez rapidement dans le ciel, les étoiles présentent un filé de 9 pointillés. On reconnait aussi un des deux amas ouverts de Persée dans le coin inférieur droit. On le voit beaucoup mieux quand on choisit de présenter l’image en gardant les étoiles fixes comme ci-dessous.
9POSES DE3 MNS étoiles fixesCette façon de faire donne la direction de la comète (et accessoirement sa vitesse puisque son déplacement a été enregistré en 27 minutes et quelques secondes). Quand on reporte cette image sur une carte du ciel, on constate que la comète Hartley se dirige vers la constellation du Cocher en passant à proximité de l’étoile η Persée (ou HIP 13268).
Notons au passage qu’une caméra CCD (munie de sa roue à filtres) ne permet pas d’obtenir la couleur d’une telle image, car les enregistrements R, V, B, forcément réalisés à des instants différents, ne sont plus superposables. Ils conduisent, soit à des filés d’étoiles multi-points multicolores, soit à une trajectoire de comète fractionnée en trois couleurs. Une photographie prise avec un appareil numérique devrait faire apparaître une chevelure verte caractéristique du cyanogène de la chevelure.

Toutes les comètes sont des petits astres brillants de « neige sale »  créés à 50 000 UA du Soleil, aux confins de notre système, dans ses régions les plus froides. Cette lointaine réserve, qui contiendrait 1 000 milliards de comètes est baptisée : « Nuage d’Oort » en l’honneur de l’astronome hollandais qui a prédit son existence. Celles qui viennent vers nous ont été expulsées du Nuage par une perturbation de leur trajectoire (tel le passage rapproché d’une étoile) et captées par l’attraction du Soleil.  Elles sont composées :
– d’un noyau solide de forme irrégulière (environ 1,14 km de diamètre pour Hartley P103), constitué de glaces (principalement eau, mais aussi monoxyde et dioxyde de carbone) et de poussières météoritiques agglomérées. Sous l’action du rayonnement solaire, les glaces se subliment en un nuage de gaz et de poussières qui donne naissance à la chevelure, puis aux queues. On dit alors que la comète est active ou qu’elle « dégaze », et ce d’autant plus qu’elle passe à proximité du Soleil (c’est le cas de Hartley – P103). Cependant, chaque passage lui fait perdre de sa masse et après un temps plus ou moins long, elle n’émettra plus ni gaz, ni poussière.  A ce stade, la chevelure et la queue auront disparu et il ne restera plus qu’un cœur de noyau complètement inactif ressemblant très fort à un astéroïde. Il peut aussi arriver que la comète passe trop près du Soleil ou d’une planète géante comme Jupiter : effets de marée et/ou vaporisation explosive entraînent alors sa dislocation en plusieurs fragments.
– d’une chevelure entourant le noyau et constituée d’atomes de gaz et de poussières expulsés sous forme de jets. Son diamètre évolue entre 50 000 et 250 000 km (Terre = 12 656 km). Soumis au rayonnement ultraviolet du Soleil, les atomes « s’ionisent » (ils se chargent électriquement en perdant un ou plusieurs électrons). La brillance de la chevelure, qui s’identifie souvent avec la tête de la comète, est plus forte à proximité du noyau.
– de deux queues : l’une, rectiligne, à l’opposé du Soleil, constituée des atomes ionisés échappés de la chevelure et poussés par le vent solaire ; l’autre, constituée de poussières, suit la comète dans son sillage comme une large traînée incurvée dans le plan de l’orbite. Les débris poussiéreux semés par la comète sont responsables des pluies d’étoiles filantes quand la Terre croise leur trajectoire (par exemple, les Perséïdes du mois d’août découlent de la comète Swift-Tuttle).

Pour ceux qui souhaiteraient suivre la trajectoire de la comète au fil des jours et connaître sa position précise avec le logiciel Stellarium, voici la manière de procéder :
1) Taper (éditer) dans la ligne d’adresse tout en haut : « C:\Program Files\Stellarium\data\ssystem.ini » et faire un clic gauche. Vous avez ainsi accès au fichier d’initialisation de Stellarium.
2) Une fenêtre « Téléchargements de fichiers » apparaît sur l’écran. Elle vous demande : Voulez-vous ouvrir ou enregistrer ce fichier (ssystem.ini) ? Choisir la case « Ouvrir ».
3) Une nouvelle fenêtre « ssystem-Bloc-notes » s’ouvre. Elle contient le fichier d’initialisation. Il commence par [sun].
4) Faire un copier- coller des instructions ci-dessous à la fin du fichier.

 [103P-Hartley]
name = 103P-Hartley
parent = Sun
coord_func = comet_orbit
radius = 10
oblateness = 0.0
albedo = 1
lighting = true
halo = true
color = 1.0,1.0,1.0
tex_map = nomap.png
tex_halo = star16x16.png
orbit_Epoch = 2455470.5
orbit_SemiMajorAxis = 3.4726656
orbit_Eccentricity = 0.6951420
orbit_Inclination = 13.61768
orbit_AscendingNode = 219.76087
orbit_ArgOfPericenter = 181.19852
orbit_MeanAnomaly = 355.84874

5) Ensuite, onglet à gauche : « Fichier », puis « Enregistrer », et c’est fini.
Le nouveau fichier « ssystem.ini » avec les infos sur le tracé de la trajectoire de la comète Hartley vient remplacer le précédent.
Quand vous ouvrirez Stellarium, vous aurez la position de la comète (ainsi que sa magnitude et sa distance dans le cartouche en haut à gauche) en écrivant son nom : 103P-Hartley (attention, dans cet ordre) dans la boîte de recherche.
Bonne préparation en salle, et bonnes observations sur le terrain…

Bibliographie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/103P/Hartley
http://fr.wikipedia.org/wiki/Com%C3%A8te
Javaux Gilbert : http://pgj.pagesperso-orange.fr/103P_Hartley.htm
Frankel Charles :  Dernières nouvelles des planètes, Collection Science Ouverte, Editions du Seuil.

Rédaction : Michel Vampouille