L’image du mois de mai 2023 : la Galaxie du Tourbillon ou M51

Pour le mois de mai 2023, nous restons dans le ciel profond avec une photo de la Galaxie du Tourbillon ou M51. Cette image a été enregistrée au cours du mois d’avril 2023 par Julien Denis qui a utilisé sa lunette Sky-Watcher Esprit 100ED (100/550) autoguidée, pilotée par un Asiair de 1ère génération et suivie d’une caméra monochrome ZWO ASI 1600 mm. Des petits problèmes sur le moteur de la mise au point automatique ont fait qu’une grande partie des photos ont du être rejetées : sur les 10H d’exposition, Julien n’a pu en garder que 25%, soit 80 clichés de 2 minutes totalisant 2H40 de pose effective. Le traitement numérique a été effectué avec Siril et Photoshop.
Cliquer sur l’image pour l’observer en grand format avec une meilleure résolution.
Situation de M51 dans la Voie Lactée :
Pour l’amateur, c’est un objet de premier choix, bien facile à repérer dans la petite constellation des Chiens de Chasse, mais à proximité de la Grande Ourse plus facilement reconnaissable. De magnitude apparente 8.9, elle est située sur une droite quasi-perpendiculaire et environ à mi-chemin du segment Alkaid-Mizar, ces deux étoiles formant l’extrémité du manche de la Grande Casserole. Cependant, cette galaxie est assez sensible à la pollution lumineuse et de bonnes conditions d’observation sont nécessaires pour enregistrer convenablement ses bras spiraux.


Historique de sa découverte et description :

L’étoile la plus brillante en bas est Alkaïd, à l’extrémité du manche de la Grande Casserole.
M51 est l’un des objets « iconiques » du ciel, et l’une des plus belles galaxies qu’il soit possible d’imager pour les amateurs. La désignation M51 inclut cependant deux galaxies distinctes : la galaxie principale spiralée NGC 5194 à droite, et sa galaxie satellite lenticulaire NGC 5195 à gauche (appelée parfois M51B), qui est reliée à la galaxie principale par un « pont » de marée riche en poussière, résultat des interactions gravitationnelles entre les deux objets. Celui-ci semble être vu en silhouette contre le centre de NGC 5194, ce qui laisse supposer que NGC 5195 est à l’arrière de NGC 5194.
La galaxie principale a été découverte par Charles Messier en 1773, et la galaxie satellite en 1781 par Pierre Méchain. Mais il faut attendre 1845 pour que lord Rosse découvre sa structure en spirale grâce à son puissant télescope de 183 cm de diamètre, le « Léviathan ». C’est pourquoi on trouve parfois le nom de Galaxie de Rosse, ou encore la galaxie du Point d’Interrogation, à cause du dessin qu’elle fait avec sa voisine NGC 5195.
Le terme « galaxie » n’existant pas à l’époque, les objets de ce type furent désignés « nébuleuses spirales », jusqu’à ce que leur nature exacte – extragalactique – fût démontrée avec certitude par Edwin Hubble dans les années 1920 grâce à l’étude des Céphéides. Le dessin de Lord Rosse met en évidence le « lien » physique entre la galaxie principale et la galaxie satellite, lien qui n’avait jamais été établi auparavant… et qui est encore un sujet d’étude actuel.
L’interaction gravitationnelle entre les deux galaxies a amplifié la structure spirale de NGC 5194 en écartant un de ses bras, alors qu’elle a donné une forme irrégulière à NGC 5195.
Bien que de dimensions modestes en regard de notre Voie Lactée (60 000 années-lumière de diamètre, soit à peine 60% de notre galaxie, et une masse bien inférieure), M51 est cependant la galaxie dominante d’un amas d’au moins 6 autres galaxies plus petites, notamment M63. Situé à environ 25 millions d’années-lumière, il s’agit d’un groupe de galaxies relativement proche à l’échelle cosmologique.
Ce groupe de M51 fait lui-même partie d’un plus vaste amas de galaxies, qui comprend notamment la galaxie M101. L’ensemble de ces groupes font eux-mêmes partie du même superamas local que notre Voie Lactée et Andromède, à savoir le superamas de la Vierge.

Distance des deux galaxies composant M51 :
La mesure de distance de la galaxie principale NGC 5194 a donné lieu à de nombreuses observations et à plusieurs méthodes différentes permettant de les calibrer.
Pour les objets lointains, on se sert de la loi de Hubble qui traduit un décalage spectral vers le rouge (redshift) du à l’expansion de l’Univers. Avec cette méthode, les spécialistes trouvent 30,5 ± 2,2 millions d’années-lumière. Cependant, cette distance est souvent très différente de la distance mesurée par des méthodes indépendantes du décalage spectral, à cause de la vitesse propre de NGC 5194 qui n’est pas négligeable par rapport à la vitesse de fuite produite par l’expansion de l’Univers. Cette vitesse propre fausse la mesure en l’augmentant sensiblement…
Dans le cas de NGC 5194, plus d’une cinquantaine de mesures non basées sur le décalage vers le rouge ont été réalisées à ce jour. La distance moyenne de ces mesures donne une valeur de 23,6 ± 6,9 millions d’années-lumière. Selon ces mesures, la distance de NGC 5194 est comprise entre 16,7 et 30,5 millions d’années-lumière.   
Une valeur plus précise de 27,4 ± 2,3 millions d’a.l a été obtenue en se basant sur les deux supernovas qui sont apparues dans la galaxie en 2005 et 2011.
Les mesures de distance pour la galaxie satellite NGC 5195, menées aussi selon des observations non basées sur le décalage vers le rouge conduisent à des valeurs similaires à celles de NGC 5194.
Finalement, la distance « officielle » retenue pour M51 est 23,6 millions d’années-lumière.

Observation visuelle :
A l’observation visuelle dans de bonnes conditions atmosphériques, un télescope de 200 mm permet d’observer la nature double de l’objet en noir et blanc, ainsi que le bulbe central de M 51 dont on devine la structure spirale.

Bibliographie :
http://fr.wikipedia.org/wiki/M51 (astronomie).
https://millenniumphoton.com/portfolios/m51/
https://fr.wikipedia.org/wiki/NGC_5195




L’image du mois d’octobre 2015 : Le Trio de galaxies du Dragon

Plongée dans ciel profond pour le mois d’octobre 2015 avec cette image contenant un groupe de trois galaxies toute différentes, curieusement alignées, connu sous le nom de Trio du Dragon.
De gauche à droite, on trouve :
– NGC 5981, une galaxie spirale barrée vue de profil,
– NGC 5982, une galaxie lenticulaire,
– NGC 5985, une galaxie spirale vue de face.
– NGC 5976, la galaxie spirale de gauche, ne fait pas partie du trio.
Cliquer sur l’image pour l’observer sans annotation.
Trio du Dragon annotéCette image a été réalisée à Saint Léonard de Noblat par Jean Pierre Debet sur les deux nuits su 6 et 7 juin 2014 avec un télescope Célestron C9 autoguidé, muni d’un réducteur de focale 0,66 (focale = 1560 mm), d’une roue à filtres et d’une caméra SBIG STF 8300.  Le temps de pose global atteint 5H07 et se décompose ainsi : Luminance : 2H42 en 27 poses de 6 minutes (bin 1), Bleu : 62,5 minutes en 25 poses de 2,5 minutes (bin 2), Rouge : 45 minutes (18 X 2,5, bin 2) et Vert : 37,5 minutes (15 X 2,5, bin 2). Le traitement numérique est conduit avec Pixinsight.

Localisation de ce Trio :
Ce trio de galaxies est localisé dans la constellation du Dragon.
Draco_constellationAinsi que l’indique le schéma ci-dessus [1], il est situé au plus creux de la courbure opposée à la Petite Ourse, à proximité du segment joignant les étoiles θ (thêta) Dra et ι (iota)Dra, dans la continuation de l’alignement : Polaire –> ζ (dzêta) UMi.
Ce groupe compte trop peu de galaxies pour être considéré comme un amas et il n’a jamais été classé comme un groupe compact, bien que les galaxies soient toutes les trois situées à environ 100 millions d’années-lumière du Système Solaire.

Galaxie NGC 5981 :
Elle est classée dans la catégorie « galaxie spirale barrée », comme notre Voie Lactée. Elle est notée : Sbc (= Spirale barrée à bras moyens longs) dans la « séquence de Hubble », une classification des différents types de galaxies, développée en 1936 par Edwin Hubble, et basée sur des critères morphologiques (plus d’infos dans [2-3]). Cette catégorie recouvre les galaxies dont les bras spiraux n’émergent pas du centre, mais d’une bande d’étoiles formant une barre et traversant ce centre [4].
Assemblage1Pour trouver cette propriété sur la photo présentée, il faut l’agrandir fortement et l’observer dans la pénombre. Sur la galaxie NGC 5981 vue ici de profil, on distingue alors une bande centrale légèrement plus rougeâtre que les extrémités : c’est la fameuse barre d’où partent les bras spiraux !
On découvre aussi son noyau central, plus blanchâtre que la barre.
Cette galaxie est de magnitude 13 ; sa plus grande dimension angulaire vaut 2’7″ [3].

Galaxie NGC 5985 :
Sur la photo agrandie, il apparaît clairement que NGC 5985 est une galaxie spirale (non barrée, cette fois). On voit très bien que les bras spiraux partent du centre. Elle est notée Sbb dans la séquence de Hubble.
On sait maintenant que les bras spiraux sont des régions de formation d’étoiles. Leur existence en forme de spirale est encore une question ouverte pour les astrophysiciens.

Doit-on la relier à une rotation différentielle de la galaxie autour de son noyau ? Les parties internes tournant plus vite que les parties externes feraient-elles apparaître une structure spirale tout naturellement avec le temps. ? Non ! S’il en était ainsi, les bras auraient fini par s’enrouler sur eux-mêmes et auraient peuplé toute la galaxie, ce qui est contraire à l’observation.

Une autre théorie prévoit que les bras spiraux ne sont pas liés à des étoiles données, mais à des régions où la matière, temporairement plus concentrée forme des ondes densité (de matière). Ainsi, les bras peuvent se déplacer en bloc, indépendamment de la matière, ce qui explique que leur forme ne change pas avec le temps. Dans ces régions de forte densité, le gaz interstellaire fortement comprimé favorise la formation de nombreuses étoiles massives et brillantes. Alors que les régions de faible densité restent plus sombres, car aucune étoile massive ne peut y être créée. Questions : quelle est l’origine physique de ces ondes de densité ? Pourquoi subsistent-elles alors qu’elles devraient s’évanouir avec le temps ? Pourquoi sont-elles elliptiques ?

Une 3ème théorie propose l’auto-propagation de proche en proche des zones de formations d’étoiles : la fin explosive des étoiles massives en supernova déclenche l’effondrement des nuages moléculaires et donc la naissance de nouvelles étoiles massives. Si les premières explosions ont lieu le long d’un bras spiral, les suivantes gardent la même géométrie. La forme spirale se conserve de génération en génération d’étoiles. Question : quelle est l’origine de la première spirale ? Réponse : à partir des premières étoiles nées par collisions aléatoires entre nuages moléculaires et mises en forme spirale par rotation différentielle de la galaxie.

Laquelle des deux théories est la bonne ? Il semble en fait que les deux derniers mécanismes existent et qu’ils donnent lieu à des types différents de spirales. Les ondes densité pour les galaxies possédant bras spiraux fins, nets et clairement définis. L’auto-propagation de la formation d’étoiles pour les galaxies présentant des bras spiraux incomplets, épais ou mal définis [5].
Découverte par William Herschel en 1788, de magnitude 11, cette galaxie s’étend angulairement sur 5,5′ X 3′.

Galaxie NGC 5982 :
NGC5982agrandiElle appartient à la catégorie « galaxie lenticulaire » (de type SO ici) qui regroupe les galaxies à disque sans bras spiraux. Formellement, elles ressemblent à des galaxies spirales qui auraient perdu leurs bras, mais contrairement à celles-ci, elles possèdent un bulbe galactique plus important et plus lumineux. Elles ont perdu ou transformé la majorité de leur matière interstellaire. En conséquence, on n’y observe que très peu de formation d’étoiles, mais elles en abritent de très âgées vieilles en majorité de plus d’un milliard d’années. Elles contiennent également plus d’amas globulaires que les galaxies spirales de masse et de luminosité comparables, ainsi qu’une grande quantité de poussière [6].
L’image agrandie de NGC 5982 montre clairement les caractéristiques énoncées ci-dessus.
Tout comme les galaxies spirales et elliptiques, une galaxie lenticulaire peut comporter une bande d’étoiles traversant son centre. On parle dans ce cas d’une galaxie lenticulaire barrée, voir par exemple la galaxie du Fuseau dans le Dragon [7]. Elles n’ont pas encore été beaucoup étudiées.

Il existe deux grandes hypothèses quant à la formation des galaxies lenticulaires.
Dans un premier cas, leur forme en disque, l’absence de gaz, la présence de poussière, le manque de formation stellaire récente et la rotation de ces galaxies sont tous des attributs que l’on pourrait attendre d’une galaxie spirale qui aurait épuisé à peu près tout son gaz dans la formation d’étoiles. On parle alors de galaxie en fin de vie ou de galaxie anémique [6].
Cependant, dans un second cas, la luminosité supérieure des galaxies lenticulaires par rapport aux galaxies spirales laisse plutôt croire qu’elles pourraient résulter d’une fusion galactique qui est la plus violente forme d’interaction  entre deux galaxies. Celle-ci augmente la masse totale stellaire et donne à la galaxie nouvellement formée sa forme discoïdale exempte de bras spiraux.
De magnitude 11, cette galaxie présente un « diamètre angulaire » de 3′ environ.

Quant à NGC 5976, c’est une galaxie spirale de type SO, de magnitude 14.8, s’étendant sur 50″ selon son grand axe.

Webographie :
[1] https://pt.wikipedia.org/wiki/NGC_5976#/media/File:Draco_constellation_map.png
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9quence_de_Hubble
[3] http://www.astro5000.com/Objects/Cherche/index.php3?cat=NGC&obj=5981
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Galaxie_spirale_barr%C3%A9e
[5] http://www.astronomes.com/les-galaxies/bras-spiral/
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Galaxie_lenticulaire
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/NGC_5866

Rédaction : Michel Vampouille