L’image du mois de juin 2010 : éclipse totale de Lune

Pour l’image du mois de juin, nous avons choisi d’illustrer la méthode de « digiscopie » avec une photographie déjà ancienne de l’éclipse totale de Lune du 28 octobre 2004. Cette méthode de prise de vue consiste à placer l’objectif d’un appareil photographique le plus près possible de la face de sortie de l’oculaire du télescope (ou de la lunette) en respectant le centrage et l’alignement des axes optiques. Elle est intéressante car elle permet d’obtenir des photographies de qualité satisfaisante avec un minimum de matériel astronomique et photographique. En effet, elle ne nécessite « que » :

  • un télescope ou une lunette, ici un Célestron C8 de 200 mm de diamètre et de 2 m de distance focale,
  • un oculaire standard, ici un Célestron de 30 mm
  • une monture avec suivi, mise grossièrement en station,
  • un appareil numérique de type Compact, ici un Nikon Coolpix 4500 équipé d’un zoom 7,85/32 mm diaphragmé de F/2,6 à F/5,1, non débrayable, avec retardateur et mise au point automatique avant chaque prise de vue,
  • et surtout : un dispositif mécanique stable et pratique permettant de plaquer l’objectif de l’appareil contre la face de sortie de l’oculaire tout en l’orientant convenablement. Ici, nous avons profité du filetage de l’objectif pour faire fabriquer une petite bague métallique qui s’adapte sur l’oculaire et se visse sur l’objectif. Le centrage et l’orientation de l’appareil sont donc automatiquement assurés.
    Eclipse totale de Lune 2004Les caractéristiques techniques sont les suivantes :
  • date et heure de prise de vue : 28 octobre 2004 à 4h41, c’est à dire dans la totalité qui s’étalait entre 4h24 et 5h 43.
  • focale de l’objectif : 7,8 mm ; diaphragme : F/2,6 ; temps de pose : 2 sec ; sensibilité : 200 ISO.
  • retouches (cadrage, luminosité, contraste, gamma) avec Microsoft Photo Editor.

Si vous êtes intéressés par des explications supplémentaires sur la digiscopie, les éclipses de Lune et l’origine de la couleur rougeâtre, lisez la suite…

Le principe de la digiscopie est simple à comprendre quand on sait qu’un télescope (ou une lunette) muni de son oculaire est un instrument “afocal” pour tout observateur ayant une vision “normale”. Ceci veut dire qu’il transforme tout objet réel visé à l’infini (par exemple, une étoile) en une image virtuelle placée elle aussi à l’infini. Tout instrument d’optique placé derrière l’oculaire pourra alors observer cette image virtuelle si sa mise au point est réglée sur l’infini.
C’est le cas pour l’œil au repos qui, naturellement, observe les objets à l’infini (pour observer des objets rapprochés, l’œil « accommode », c’est à dire qu’il raccourcit sa distance focale).
Ce sera le cas aussi pour tout appareil photo placé juste derrière l’oculaire à condition qu’il soit réglé sur l’infini. Ici, ce réglage était automatique…, tout comme ceux du diaphragme et du temps de pose.
Si votre appareil Compact ne comporte pas de filetage autour de l’objectif, procurez-vous un dispositif mécanique qui permet de placer l’appareil contre l’oculaire. Il en existe de nombreux modèles dans le commerce. Privilégiez les systèmes stables avec des réglages sérieux.

Les éclipses de Lune : au cours de sa trajectoire, La Lune se trouve :

  • parfois entre la Terre et le Soleil : on ne la voit plus car elle nous présente sa face non éclairée, c’est la Nouvelle Lune,
  • parfois à l’opposé du Soleil par rapport à la Terre. Dans cette situation, la Terre forme un cône d’ombre qui peut assombrir la Lune dans certaines conditions. Si le plan de l’orbite lunaire autour de la Terre était confondu avec le plan de l’orbite terrestre autour du Soleil (l’écliptique), alors les trois astres : Soleil, Terre, Lune seraient alignés dans cet ordre, et l’ombre de la Terre provoquerait une éclipse de Lune tous les 28 jours à chaque Pleine Lune. Or, il n’en est rien ! Tout simplement parce que le plan de l’orbite lunaire est incliné de 5,15° par rapport à celui de l’écliptique. Ce qui fait que dans la plupart des cas, La Lune passe soit au-dessus, soit en-dessous du cône d’ombre de la Terre : elle nous apparaît entière et bien éclairée par le Soleil, c’est la Pleine Lune.
  • Il n’y a que les cas où les trois astres sont alignés qui conduisent à une éclipse de Lune. Selon le degré plus ou moins parfait de l’alignement, on aura une éclipse partielle ou totale.

schéma_eclipse_lune

Crédit schéma : Gilbert Javaux : http://pagesperso-orange.fr/pgj/lune040504.htm

La couleur rougeâtre de la Lune durant une éclipse totale : lorsque l’alignement des trois astres est parfait, on pourrait s’attendre à ce que la Lune soit plongée dans une obscurité totale. Or, celle-ci nous apparaît avec de belles teintes rougeâtres très photogéniques….
Ce phénomène physique est dû à la diffusion Rayleigh [1] [2] de la lumière solaire par la couche d’atmosphère de 8 à 15 km d’épaisseur qui entoure la Terre. Cette atmosphère contient des molécules d’azote et d’oxygène, ainsi que des micro-particules qui ont des dimensions bien inférieures (10 nanomètres environ) aux longueurs d’onde de la lumière visible émise par le Soleil (elles s’étendent de 380 nanomètres pour le bleu à 700 nanomètres pour le rouge). Dans cette situation particulière où les obstacles matériels sont beaucoup plus petits que la longueur d’onde, la lumière interagit avec la matière selon un processus de diffusion qui a été explicité par Lord Rayleigh en 1871 : à chaque fois que la lumière rencontre une molécule (choc élastique), elle est déviée de sa direction initiale et ce d’autant plus que sa longueur d’onde est courte. Autrement dit, la lumière bleue est très diffusée : elle se répand dans tout l’espace disponible et il n’en reste pratiquement plus dans la direction initiale, alors que la lumière rouge l’est beaucoup moins et se retrouve donc en grande partie au voisinage immédiat de la direction incidente.  Et bien sûr, ce phénomène est cumulatif avec l’épaisseur de matière traversée.
Durant la totalité de l’éclipse, la Lune est située dans l’ombre “géométrique” de la Terre, mais elle est quand même éclairée par la lumière solaire rouge orangée qui a été légèrement déviée (diffusée) à sa traversée tangentielle de la couche atmosphérique terrestre. C’est cette lumière rouge orangée qui nous revient sur Terre après réflexion sur la Lune. Quant à la lumière bleue très diffusée par cette même atmosphère, elle est envoyée dans tout l’espace et il n’en reste pratiquement plus dans la direction de transmission (celle de la Lune).

Conclusion : la Lune nous apparaît en rouge orangé avec des nuances liées aux différentes épaisseurs traversées.
C’est aussi grâce à la diffusion Rayleigh qu’on explique :
– la couleur bleue du ciel à midi (épaisseur d’atmosphère faible, car traversée perpendiculairement : la lumière bleue se répand dans tout l’atmosphère, et le Soleil, qui serait blanc sans diffusion, nous apparaît jaune)
– et la couleur rouge du Soleil couchant (épaisseur d’atmosphère grande, car traversée tangentiellement : il n’ y a plus que du rouge dans la direction de transmission).

La prochaine éclipse totale de Lune aura lieu le 21 décembre 2010 dans les lueurs de l’aube : tenez vous prêts, car l’observation de la totalité  (7h40 – 8h50 en heure locale) sera perturbée par le lever du Soleil.

Pour tout commentaire ou information supplémentaire sur cet article : contact@saplimoges.fr

Webographie :

[1] http://www.pixheaven.net/html/geoman/apprendre/ciel_bleu.html
[2] http://physique.unice.fr/sem6/2008-2009/PagesWeb/SBM/D_un_point_de_vue_physique….html

Rédaction : Michel Vampouille

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